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Le meurtre d’enfants n’éveille plus aucun bruit

Publie le jeudi 21 octobre 2004 par Open-Publishing
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de Gideon Levy

Plus de 30 enfants palestiniens ont été tués durant les deux premières semaines
de l’opération militaire « Jours de pénitence » dans la Bande de Gaza. Il n’est
pas étonnant que de nombreuses personnes définissent « terreur » un tel ensemble
de meurtres d’enfants.

Si dans le décompte général des victimes de l’Intifada, le rapport est de trois
Palestiniens tués pour un Israélien, quand on parle d’enfants, le rapport passe
de 5 à 1.

Selon B’Tselem, une organisation pour les droits humains, même avant l’opération
actuelle à Gaza, 557 mineurs (en-dessous de l’âge de 18 ans) avaient été tués
pour 110 mineurs israéliens.

Les organisations palestiniennes pour les droits de l’homme parlent de chiffres encore plus élevés : 598 enfants palestiniens tués (jusqu’à 17 ans) selon le « Palestinian Human Rights Monitoring Group » et 828 tués (jusqu’à 18 ans) selon le Croissant Rouge.

L’âge aussi est à prendre en compte. Selon B’Tselem, dont les données sont mises à jour jusqu’à il y a environ un mois, 42 enfants tués avaient 10 ans ; 20 avaient 7 ans ; et 8 avaient 2 ans quand ils sont morts. Les victimes les plus jeunes sont 13 nouveaux-nés morts au check point pendant l’accouchement.

Avec des statistiques aussi terrifiantes que celles-ci, la demande « qui sont les terroristes ? » aurait du devenir depuis longtemps pressante pour tous les Israéliens. Et pourtant, ce n’et pas une question à l’ordre du jour.

Les assassins d’enfants sont toujours les Palestiniens alors que les soldats ne font toujours que nous défendre et se défendre eux-mêmes, et au diable les statistiques.

Le fait est, simplement, et il faut le mettre en évidence, que nous avons les mains tachées du sang des centaines d’enfants Israéliens.

Aucune explication tortueuse du bureau du porte-parole de l’IDF (les forces de défense israéliennes) ou des correspondants militaires concernant les dangers auxquels sont soumis les soldats par la faute des enfants et aucune justification douteuse des porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères sur la façon dont les Palestiniens se servent des enfants ne changeront rien à ce fait. Une armée qui tue tant d’enfants est une armée qui n’a pas de limites, une armée qui a perdu son code moral.

Comme l’a dit Mk Ahmed Tibi (Hadash), dans un de ses discours particulièrement touchant au Parlement, il n’est plus possible de soutenir que tous ces enfants ont été tués par erreur. Une armée ne commet pas, jour après jour, plus de 500 erreurs d’identité.

Non, il ne s’agit pas d’une erreur mais du résultat désastreux d’une politique menée principalement par des officiers à la gâchette facile et par la déshumanisation des Palestiniens. Tirer sur tout ce qui bouge, y compris les enfants, est devenu le comportement normal. Le mini-scandale éclaté momentanément pour la « confirmation du meurtre » d’une gamine de 13 ans, Iman Alhamas ne s’est même pas concentré sur les questions fondamentales. Le meurtre en soi aurait dû être considéré comme scandaleux et pas seulement ce qui s’est passé ensuite.

Et Iman n’est pas un cas unique. Mohammed Aarai était en train de manger un sandwich devant chez lui, la dernière maison avant le cimetière du Camp de réfugiés de Balata, à Nablus, quand un soldat lui a tiré dessus, en le tuant, à très peu de distance.

Il avait six ans.

Kristen Saada était dans la voiture de ses parents, revenant à la maison après une visite à de la famille quand les soldats ont criblé l’automobile de balles. Il avait douze ans.

Les frères Jamil et Ahmed Abu Aziz étaient en train de rouler à bicyclette en plein jour pour aller acheter des gâteaux quand ils ont reçu un coup tiré par un char. Jamil avait 13 ans, Ahmed six.

Muatez Amudi et Subah Subah ont été tués par un soldat qui était au centre de la plce du village et tirait dans toutes les directions d’où venaient des pierres. Radir Mohammed du camp de réfugiés de Khan Yunis était dans sa classe quand les soldats lui ont tiré dessus mortellement. Elle avait 12 ans.

Ils étaient tous d’innocentes victimes d’erreurs et ont été tués par les soldats qui agissent en notre nom.

Dans au moins certains de ces cas, il était clair pour les soldats qu’il s’agissait d’enfants mais cela ne les a pas arrêtés. Les enfants palestiniens n’ont pas d’abri : ils sont en danger de mort dans leur maison, dans leur école et dans leurs rues. Même pas un seul de ces centaines d’enfants tués n’avait mérité de mourir et la responsabilité de leur meurtre ne peut demeurer inconnue.

De cette façon, un message clair parvient aux soldats : ce n’est pas une tragédie si on tue un enfant et aucun de vous n’est coupable.

La mort est, naturellement, le danger le plus grave encouru par un enfant palestinien mais ce n’est pas le seul. Selon les données du Ministère palestinien de l’Education, 3409 jeunes élèves ont été blessés dans l’Intifada et certains d’entre eux sont restés paralysés à vie. L’enfance de dizaines de milliers de jeunes Palestiniens se déroule en passant d’u trauma à l’autre, d’une horreur à l’autre. Leurs maisons sont démolies, leurs parents sont humiliés sous leurs yeux, les soldats font brutalement irruption chez eux en pleine nuit, des chars ouvrent le feu sur leurs salles de classe.

Et ils n’ont pas de soutien psychologique. Avez-vous jamais entendu parler un enfant palestinien qui est « victime d’angoisse » ?

L’indifférence publique qui accompagne ce spectacle de souffrance infinie rend tous les Israéliens complices d’un crime. Même ceux qui sont parents, et donc peuvent comprendre ce que signifie trembler pour le destin de son enfant, tournent le dos et ne veulent pas entendre parler de l’angoisse éprouvée par les parents de l’autre côté du mur. Qui aurait pu croire que les soldats israéliens auraient tué des centaines d’enfants et que la plupart des Israéliens seraient restés silencieux.

Même les enfants palestiniens se sont mis à faire partie de la campagne de déshumanisation : le meurtre de centaines d’entre eux n’éveille plus aucun bruit.

Traduit de l’italien par Karl et Rosa - Bellaciao

source :

http://bellaciao.org/it/article.php3?id_article=6141

Messages

  • 500 enfants morts en Palestine, des milliers meurent de faim tous les jours, et quelques-uns de solitude ou sous des violences d’hommes-animaux. Le cruel, c’est que nous nous sommes habitués à tout cela, que notre petite télé vit de ce commerce et que notre tranquilité est sacrée. Pourquoi se battre alors que l’horreur est si loin ?
    Juste que quand elle sera vraiment chez nous, sous la forme palestinienne ou autre, il sera trop tard.

    Et pour répéter ce que dit Eléonore Visart dans son livre "Ces Chrétiens ... ambassadeurs du Christ :
    "Mes yeux se sont ouverts et je n’ai plus eu qu’un but : hurler pour la survie et pour la liberté, hurler pour le changement, indispensable pour renverser la vapeur.

    Mais ce changement sera difficile à obtenir car l’homme civilisé n’y semble pas préparé. Pourtant, il le faut : c’est une question de vie ou de mort. La survie est à ce prix.

    Il n’y a d’autres alternatives que de changer tous nos gestes de destruction en gestes d’Amour.

    Tout doit être revu et corrigé pour rétablir l’harmonie avec le grand TOUT, l’harmonie avec la VIE"

    Ceux qui massacrent des enfants se massacrent eux-mêmes, car ils se placent en-dessous du niveau même de l’animal, ils deviennent des monstres.

    Et j’ai répondu aussi parce que je ne supportais pas de voir ce cri du coeur rester sans réponse.

    Sonia J. FATH