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AGENCE FRANCE PRESSE PARIS : Ou comment caviarder une dépêche !

Publie le mercredi 27 octobre 2004 par Open-Publishing
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de CM

Dans la dépêche diffusée par l’AFP pour annoncer la signature par Jean-Pierre Raffarin du décret d’extradition de Cesare Battisti, le rédacteur retrace à grands traits toute l’affaire. Le paragraphe suivant (surligné en jaune et encadré) mérite un commentaire.

Ancien responsable du mouvement des "prolétaires armés pour le communisme", 49 ans, a passé huit ans dans la clandestinité au Mexique avant de venir s’installer en France en 1990. Il s’était auparavant évadé d’une prison italienne où il purgeait une peine de réclusion criminelle à perpétuité prononcée par la cour d’assises de Milan pour des homicides et tentatives d’homicides commis en Italie

Cela fait neuf mois déjà que cette affaire a débuté et certains sont toujours aussi experts dans la diffusion de fausses informations. On se rappelle que les Renseignements Généraux distribuèrent en février dernier une « note blanche » dans laquelle on pouvait lire entre autres mensonges délibérés, qu’en 1991, la cour d’appel avait émis un avis favorable à l’extradition de Battisti. (La Vérité sur Cesare Battisti, p. 195).

Autre exemple de désinformation. Jusqu’à ce jour les auteurs de l’attentat de la gare de Bologne étaient connus pour appartenir à l’extrême droite italienne. Ils ont d’ailleurs été relaxés en mars dernier par un tribunal qui a estimé non fiable les paroles de « repentis ». Il y a quelques semaines, dans un article, une journaliste du Monde a attribué sans ciller ce massacre aux Brigades Rouges.

Une lectrice signale par écrit au Monde cette grossière erreur. Que croyez vous qu’il se passa ? Rien ! Le médiateur remercia la lectrice de sa lecture attentive en disant qu’il prévenait la journaliste. Résultat : pendant au moins une semaine, l’information n’a pas été modifiée. Pendant une semaine le Monde a osé écrire que les Brigades rouges étaient responsables des 82 morts de la gare de Bologne. Et lorsque le journal a enfin rectifié cette énormité, pas un mot pour s’excuser. La goujaterie le dispute à l’ignorance ou à la manipulation. Plutôt que de vendre des DVD pour essayer d’augmenter sa diffusion, Le Monde devrait manifester plus de sérieux dans ses informations.

L’exemple fourni aujourd’hui par cette dépêche de l’AFP est du même genre. En effet, lorsque le 4 octobre 1981 Battisti s’est évadé de sa prison, il ne purgeait pas une peine de réclusion criminelle comme l’affirme cette dépêche qui a été reprise par toute la presse. Encore un mensonge pour embrouiller l’affaire. A cette date, Battisti avait été condamné à quelques 12 ans de prison pour appartenance à un groupe armé. Ce sera seulement plusieurs années après son évasion et grâce aux déclarations d’un repenti qui avait pas mal de choses à se faire pardonner, que Battisti se verra accusé de tous les meurtres commis par le groupe dont il faisait partie. Il sera alors condamné à la perpétuité en son absence, ce que se garde bien de préciser notre rédacteur.

Si le journaliste de l’AFP avait relu son article, il se serait rendu compte d’une contradiction car il écrit vers la fin que Battisti a été condamné à perpétuité en 1993, ce qui sous-entend bien qu’il ne l’avait pas été en 1981. Là encore, cette information est soigneusement magouillée, car en réalité la condamnation a eu lieu en 1991. Et cette différence de deux ans entre 1991 et 1993 (où le dossier est repassé définitivement) n’est pas une clause de style. Elle a servi aux autorités italiennes à légitimer l’extradition en arguant du fait que ce n’était pas la même affaire qu’avait à juger la cour d’appel (en réponse à notre slogan affaire jugée ne peut plus être rejugée).

Lorsque l’on sait que les dépêches de l’AFP sont souvent reprises in extenso dans la presse française, les salles de rédaction des radios et des télévisions, on peut imaginer comment ces fausses informations peuvent troubler l’opinion. Quant à savoir s’il s’agit d’une désinformation volontaire, d’une mauvaise connaissance du dossier ou d’insuffisance professionnelle, nous nous garderons bien de trancher.

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