Refonder la République

Dans Les Lettres Persanes, Montesquieu écrivait : « …ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l’esprit même de ses sujets ; il les fait penser comme il veut… ». Cette vieille recette des gens de pouvoir est encore très appliquée, même dans des régimes démocratiques, à travers le recours à des éléments de langage et à une mise en scène, tant de l’homme politique que de son action. La manipulation des esprits se prolonge souvent par la désignation auprès d’une opinion publique excédée par la dureté des temps, de prétendus coupables qui sont censés servir d’exutoire à son courroux. Ces dernières années, en France, diverses communautés ont ainsi été stigmatisées, au risque de réactiver des communautarismes qu’un élémentaire sens de l’unité nationale et du respect humain impose de réduire. La fascination qu’exerce le pouvoir autorise-t-elle vraiment toutes les audaces, y compris celles qui créent un climat de guerre civile ? L’Histoire montre les dégâts occasionnés par la constitution de groupes humains exclusifs. Ceux-ci ont régulièrement manifesté leur antagonisme, en particulier s’ils se réclamaient d’une religion.

Quand le pouvoir déréalise, le citoyen éprouve des difficultés à conserver le sens des réalités. Mais, souvent ravalé au rang de dupe ou de demeuré, il peut tout à coup se rebiffer, par exemple en contestant le monopole de l’intérêt général à des dirigeants qui pratiquent la démagogie. Un tel sursaut de la société civile la conduira à se saisir des responsabilités que l’Etat n’assume plus pour imposer des orientations plus justes, plus solidaires. Cela revient à refonder la République.