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COLOMBIA TIERRA QUERIDA

Publie le samedi 13 novembre 2004 par Open-Publishing
4 commentaires

Par Charles Van der Elst

Me rendant souvent en Colombie, pour des raisons familiales ou professionnelles, j’ai acquis depuis plus d’une décennie une bonne connaissance générale de ce pays. De retour en Europe après de tels voyages, je suis toujours stupéfait de constater combien l’approche des médias européens est tragiquement réductrice vis-à-vis de cette nation : l’Occident a tendance à n’y voir que la guerre civile et le commerce de la drogue qui y sévissent avec une insupportable violence.

Incontestablement ces deux fléaux majeurs exigent une couverture internationale de la presse, à la fois vigilante et critique. Mais cette double et oppressante réalité ne devrait nullement nous empêcher de percevoir certains aspects positifs et créatifs de ce même pays.
La Colombie est aussi le théâtre d’opération d’une remarquable créativité culturelle, presque totalement inconnue en Occident. L’Europe a bien érigé et à juste titre quelques artistes colombiens, au statut de super-stars mondiales, tels Gabriel Garcia Marquez - Prix Nobel de Littérature - ou l’artiste Fernando Botero qui a été invité au cœur de Paris à déployer son œuvre monumentale tout au long des Champs Elysées.
Mais nombre d’autres citoyens de Colombie, encore méconnus, ont aussi mené à bien une oeuvre créatrice dont l’originalité, la force et la pertinence leur confer, en ce début du XXIe siècle, une dimension épique et pour certains de portée universelle.

Ma démarche, en tant qu’humble petit producteur indépendant de films documentaire, est de montrer la Colombie que je connais, celle que j’aime et qui me fait vibrer, de parler de cette Colombie qui à "coloniser" mon cœur et mon âme.

En 2003, j’ai produit un film sur deux petits villages lacustres quasiment oubliés au Nord Ouest de la Colombie, dans la Cienaga Grande de Santa Marta, Buenavista et Nueva Venecia. Complètement ceinturés depuis près de trente ans d’une eau saumâtre, impropre à la consommation, les habitants de ces villages ont fait preuve d’une ingéniosité extraordinaire et ont construit une sorte de bateau-citerne à voile avec lequel ils vont chercher de l’autre côté du marais, dans un petit cours d’eau enfoui dans une végétation tropicale, cette eau douce qui leur fait tant défaut. Depuis plus de 20 ans, Tabaco effectue ainsi deux à trois fois par semaine cette éreintante traversée à la recherche d’eau potable. Accompagné de son fils Pedro, deux journées entières de navigation, de jour comme de nuit et souvent sous une chaleur accablante sont nécessaires à ce modeste équipage afin d’effectuer cette véritable Odyssée pour l’eau potable. Ce film à été diffusé sur France 5, sur la RTBF en Belgique et sur DR TV au Danemark.

J’ai en ce moment deux projet de films en développement :
Le premier est un documentaire de 90 minutes sur l’architecte Colombien Simon Velez et ses séduisantes architectures édifiées en bambou. Pour Simon, utiliser le bambou pour construire logements ou bâtiments publics est plus qu’une solution architecturale alternative. Développer l’usage contemporain de ce matériel local est un acte militant, répondant aux exigences écologiques du développement durable pour l’équilibre de la planète. Ce film se placera dans le sillage de cette pensée.

L’autre film décrit une application concrète, celle du Centre de Recherche Environnementale Las Gaviotas, située à Vichada au milieu de 220.000 km2 de savane au Centre Est de la Colombie.

Las Gaviotas a été créé en 1966 par Paolo Lugari et fonde sa réputation internationale sur l’utilisation massive des énergies renouvelables : équipement de 40.000 logements sociaux à Bogota en chauffe-eau et réfrigérateurs solaires, création de cuisines semi-industrielles fonctionnant à l’huile de coton chauffée à 180°C dans des tubes sous vide, économisant ainsi les carburants polluants...
Paolo Lugari, conscient que la Colombie perd 650 000 hectares de forêts par an, a aussi décidé de lancer un vaste programme de reboisement. Malgré la sécheresse et l’extrême acidité du sol, au rythme d’un un arbre à la seconde, 24 heures par jour, trois mois par an, 8.000 hectares ont déjà été reboisés.

Biodiversité
Il a été noté que la biomasse dans la zone reboisée a été multipliée par 16 en cinq ans, ajoutant approximativement 25 tonnes de carbone au sol par hectare et par an. Ceci a amélioré l’acidité du sol passant d’un PH de 4 à 5,5 et à facilité la régénération du sous-bois et l’arrivée de nouveaux arbres et plantes. La biodiversité a été récupérée. Avec un taux de survie des arbres de 92 %, Gaviotas a montré que la reforestation est faisable, même là où elle était considérée comme impossible. Quand on su que le pin des Caraïbes avait été choisi pour replanter, beaucoup de personnes affirmèrent que la région serait couverte d’une seule espèce et que Gaviotas était en train d’introduire des monocultures. La décision fut considérée comme non écologique. La nature savait mieux. Selon le dernier rapport botanique, environ 210 nouvelles espèces végétales, sur les 260 recensées, vivent dans ce microclimat. On ne les trouve nulle part ailleurs dans la savane, car 90 % d’entre elles proviennent d’Amazonie. Quelques-unes de ces espèces devaient êtres dormantes depuis des décennies dans les sols des llanos, pour les autres ce sont les oiseaux, les abeilles et le vent qui ont apporté les spores et les graines nécessaires de la forêt tropicale située 300 kilomètres à l’Est, là où le fleuve Orénoque marque le commencement de la jungle amazonienne. La protection du sol contre la chaleur, le nouvel humus et l’amélioration progressive de l’acidité du sol a régénéré la biodiversité perdue depuis longtemps par la faute de l’ignorance humaine. Le peuple indigène des Llanos, la région qui entoure Gaviotas est enthousiaste et redécouvre bien des plantes médicinales considérées jusqu’à maintenant comme perdues. Le paradis est retrouvé. L’hypothèse qu’un reboisement de la savane à Gaviotas créerait un pont naturel avec la forêt amazonienne a été prouvée, répondant ainsi aux attentes sur la préservation et l’expansion de la biodiversité.

Création d’emplois
La colophane tirée de la résine des pins est coulée dans des boîtes de carton recyclé si malignes qu’elles ont reçu le prix national de l’innovation en matière d’emballage. Le travail engendré à Gaviotas pour transformer la colophane et entretenir les équipements a permis de recruter 200 personnes directement employées à plein temps en 2004. Les revenus générés aujourd’hui suffisent pour financer la masse de ces salaires, trois fois plus élevés que le salaire minimum du pays, ainsi que les logements et les repas. Cette région n’avait jamais vu autant d’emplois et une telle prospérité car il n’y avait eu jusqu’alors aucune initiative de ce genre pour en créer. L’entreprise Gaviotas nourrit aujourd’hui plus de 2.000 personnes.

L’eau et la santé
Aujourd’hui, plus d’une décennie plus tard et après la reforestation de 8.000 hectares, cette initiative visionnaire a produit des avantages complémentaires multiples. L’action de la forêt nouvellement plantée et de son taillis à engendrer un microclimat sur la zone reboisée : il pleut plus sur Gaviotas que dans tout le reste de la savane ! Les précipitations ont augmenté de 10 % et génèrent ainsi des millions de litres d’eau de pluie supplémentaire. Par ailleurs, la qualité du sous-bois et de son sol, riche en minéraux et en bactéries, agit comme une excellente unité de filtrage de l’eau. Cela a converti Gaviotas en un fournisseur d’eau minérale naturelle, une eau cristalline de qualité exceptionnelle, dans une région où elle faisait tant défaut. Avec un coût de l’eau potable qui excède le coût du pétrole dans la région, Gaviotas a démontré que le reboisement pouvait permettre de faire face à un des plus graves problèmes dans le monde : l’accès à l’eau potable naturelle gratuite ! Après la garantie de son autosuffisance en eau, l’excèdent est vendu sur le marché régional et international.
À Vichada, la plupart des traitements hospitaliers concernent des maladies gastro-intestinales et les causes premières de mortalité infantile de la région viennent de la mauvaise qualité de l’eau. En fait, parce que 70 % des problèmes de santé dans la région de Vichada sont directement liés à l’eau, la forêt offre une nouvelle opportunité de croissance. La forêt de Gaviotas fournit la possibilité de collecter et de mettre en bouteilles de l’eau de qualité à un coût très faible : une bouteille de 250 ml d’eau de Gaviotas ne coûte que le cinquième du prix de l’eau minérale expédiée de Bogota (dont le coût de transport est prohibitif).

Perspective et avenir : Gaviotas II
Le temps est venu de regarder au-delà des résultats d’aujourd’hui et d’imaginer ce qui pourrait être réalisé si cette approche s’étendait à plusieurs millions d’hectares de savane au cœur de l’Amérique du Sud. Le 6 juillet 2004, le Président de la Colombie Alvaro Uribe Velez a autorisé l’expansion de Gaviotas à 6,3 millions d’hectares, plus de deux fois la superficie de la Belgique, créant ainsi le plus grand projet d’absorption carbonique et de développement durable dans le monde. Le Japon a immédiatement confirmé son désir de participer activement à ce projet et l’Europe veut en faire autant.
La stabilisation climatique est une préoccupation commune des gouvernements japonais et européens, ensemble ils peuvent coopérer avec la Colombie pour mettre l’humanité sur le chemin de la co-évolution avec la nature. Le retour de cette savane à la forêt tropicale humide qui l’a autrefois couverte, représenterait le plus grand puits de carbone jamais créé par l’homme.
Le Centre de Recherche Environnementale de Gaviotas à procédé à des démonstrations à grande échelle et le temps est venu pour le Japon et l’Europe de s’engager dans un rapport stratégique qui convertira 6,3 millions d’hectares de savane en une forêt tropicale humide et durable, où la biodiversité sera régénérée, 315 millions de mètres cube d’eau minérale seront produits naturellement chaque jour. _ Plus de 7,8 milliards de tonnes de dioxyde de carbone seront capturées par cette forêt, ce qui représentera la plus grande contribution à la stabilisation climatique jamais réalisée. On estime que la population atteindra 5 à 10 millions de personnes réparties dans différentes Bio-Cités et que 1 million d’emplois à plein temps seront créés (120.000 directement, 880.000 indirectement).

L’harmonie
La Colombie est un pays en quête d’harmonie. La violence opère à des niveaux effrayants et la corruption est omniprésente. Mais si l’on écoute de la musique des llanos ou si l’on assiste à des danses locales, il apparaît clairement que les Colombiens partagent un sens de l’harmonie. À travers leur culture, leur musique, leurs danses et leurs chants, les travailleurs de Vichada montrent leur attachement à leur communauté. C’est là que l’on comprend que l’amélioration du pays en période de crise passe par des initiatives innovantes à la périphérie. À Gaviotas, on apprend que la coopération et le travail en équipe offrent la seule voie de sortie hors de l’actuel cercle vicieux de la pauvreté.

Paolo Lugari a financé la plus grande peinture murale de la région. Elle décrit l’histoire de Gaviotas et les rêves qui reste encore à réaliser. Beaucoup reste à faire, mais une chose est sûre ; il n’y a pas d’endroit sur terre qui ait réussi à mettre en application le concept de développement durable « glocal » comme Gaviotas. La philosophie du concept « glocal » est la mise en place d’un développement local durable mais avec des critères globaux (penser globalement, agir localement). Gaviotas répond aux besoins locaux d’emploi, de soins, de santé, de développement social, d’activité économique, d’innovations technologiques, d’approvisionnement de la population en eau potable tout en contribuant à faire face au problème du réchauffement de la planète. La meilleure synthèse de ce paradigme planétaire pourrait être une phrase de la peinture murale : « La maturité de l’être humain est de savoir comment réaliser ses rêves ». Ou encore les mots de Gabriel Garcia Marquez qui, après sa visite à Gaviotas en compagnie du Premier Ministre espagnol de l’époque, Felipe Gonzalez, baptisa Paolo Lugari « l’inventeur du monde ».

Messages

  • Couple belgo-colombien vivant à Bruxelles, nous ne pouvons que souscrire au positivisme de l’auteur. Nous adoptons la même démarche que celui-ci, montrant, à travers une dizaine de sites thématiques (culture, musique, littérature, ...) sur la Colombie - en espagnol-, le côté positif de ce pays merveilleux. Nos sites reprennent des textes glanés sur Internet au fil de l’actualité de tous les jours.

    Nous venons d’ouvrir un dernier site, cette fois en français : l’article de Charles Van der Elst l’inaugure !!! ( http://autrecolombie.blogspot.com/ )

    Nos autres sites, en espagnol, sont accessibles depuis celui en français.

    Nous aimerions féliciter Charles pour son amour de la Colombie, pour son travail de cinéaste en rapport, pour son excellent article...

    Nous aimerions également entrer en contact avec lui : pourrait-il nous donner ses coordonnées ?

  • Merci de donner un autre visage de la Colombie plus humain et plus juste. Je suis une colombienne habitant en région parisienne et souvent je me fait agresser avec des remarques pas agréables sur mon pays, bien sûr toujours portés sur la mafia de la drogue et la gérrilla colombienne. La Colombie a aussi la joie de vivre et pleins de belles choses à montrer au monde entier et même à enseigner, si je peux me permettre. Nous sommes un peuple qui lutte pour son pays et qui travaille pour son développement social et politique, malgré tout. En Colombie il y a des familles entières qui n’ont jamais connues la drogue et qui ne font partie des guerrillas colombiennes.

    Il faut que les peuples européens se documentalisent mieux, mais pas seulement lire les journaux et regarder certaines emissions de télé qui montrent souvent et seulement l’image negative d’un pays comme la Colombie.

    Mes enfants ont suivi au Collègue des attaques de la part de ses proffeseurs, oui de certains professeurs !!! et devant ses camarades en les mettant mal à l’aise seulement parce qu’ils ont des origines colombiennes et dont je les ai fait se sentir très fiéres.Ils ont oser de leur demander comment ça se fait qu’Ingrid Betacourt et toujours retenue en otage, etc etc, questions à les quelles mes enfants en habitant en France n’ont pas de réponse à donner et ne sont pas toute fait au courant.

    Voyez vous, je trouve inadmissible ce corportement en venant de la part d’un professeur de l’éducation nationale. Enfin, je travailles tous les jours autour de famille et moi afin de donner une image plus positive de mon pays et que certains ne connaissent assez bien spéciallement les personnes qui n’ont jamais mis leur pié en Colombie ni dans aucun pays de l’Amérique du Sud et qui sont convencues que nous sommes des sauvages.

    Je vais envoyer cette page à certains amis et je vais l’imprimer aussi pour la transmettre aux profesuseurs dont je vous ai parlé.

    Merci mille fois et à bientôt peut-être.

    Mercedes, Jean-Louis, François et Déborah-Susana FAURIE

  • bonjour,j’espère que vous recevrez ma bouteille mise à la mer ce dimanche soir 17 décembre 2006 ?
    En effet ma mère Colombienne immigrée en france voilà 43 ans dans des circonstances assez romanesques,m’a parlé du docu sur la Cienaga Grande réalisé par Carlos Rendon,vu un après midi sur la cinq.

    il se trouve que nos origines se situent dans cette région,Nueva Venecia du côté de mon grand père.
    Notre histoire familiale transmise par Gloria ma mère,hallucinante comme un récit de Marquez,grâce à ce document m’a paru d’un coup devenir tangible pour moi ,née en france .
    Le fil d’ariane devrait me mener à poursuivre une enquête dans cette région et je cherche tout ce qui peut aporter de l’eau à mon moulins .

    Je suis en quête d’échanges avant tout ,de contacts ,et de tout indice me permettant de faire des investigations.

    J’ai fort apprécié la teneur de l’article,souffrant moi même de l’image fausse trainant dans les inconscients de nos contemporains...

    si vous trouvez intérêt à ma demande ,merci de me répondre à l’adresse suivante :

    maudsoupa@a-musée.net

    nous sommes artistes plasticiens et avons un site qui parle de notrentre travail et intérêt pour les 3 écologies de Felix Guattari :

    www.aire-europe.org

    Merci de me faire signe,maud