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Un arrêt de la Cour européenne pourrait aider Cesare Battisti

Publie le mardi 16 novembre 2004 par Open-Publishing

de Philippe Bernard

Les avocats de Cesare Battisti peuvent se réjouir ; les juges français qui ont autorisé l’extradition vers l’Italie de l’ancien militant d’extrême gauche, peuvent craindre la censure. En condamnant l’Italie pour le "dysfonctionnement" de sa procédure de contumace par un arrêt publié mercredi 10 novembre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) conforte la position de ceux qui espèrent que la bataille juridique autour du cas Battisti ne s’est pas achevée le 13 octobre.

Ce jour-là, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, formé contre l’avis de la cour d’appel de Paris favorable à son extradition, par l’ancien activiste aujourd’hui en fuite, condamné à perpétuité en Italie pour quatre homicides aggravés et tentatives d’homicides commis dans son pays pendant les "années de plomb".

La décision de la CEDH n’a rien à voir avec cette page de l’histoire italienne : elle concerne Ismet Sejdovic, un ressortissant de l’ex-Yougoslavie soupçonné d’un meurtre en Italie et condamné en 1996 par la cour d’assises de Rome à 21 ans et 8 mois de prison alors que, introuvable, il avait été déclaré "en fuite" par les autorités. L’homme ainsi condamné par contumace fut arrêté trois ans plus tard à Hambourg. Son extradition, demandée par la justice italienne, fut rejetée par les autorités allemandes au motif que "le droit italien ne -lui- garantissait pas, à un degré suffisant de certitude, la possibilité d’obtenir la réouverture de son procès". Remis en liberté, M. Sejdovic déposa, comme l’envisagent les avocats de Cesare Battisti, un recours devant la CEDH, se plaignant d’avoir été condamné par défaut sans avoir pu présenter ses moyens de défense devant les tribunaux italiens.

"DÉFAILLANCE" ITALIENNE

Cette juridiction vient de lui donner raison en constatant la violation d’un principe protégé par la Convention européenne des droits de l’homme, dont la Cour est la gardienne : le "droit à un procès équitable". Les juges de Strasbourg ont en effet estimé qu’une "défaillance" de la législation italienne sur le procès par contumace peut aboutir à priver du droit à un nouveau procès un condamné non informé " de manière effective"des poursuites dirigées contre lui. En l’espèce, la justice italienne avait estimé que, introuvable, Ismet Sejdovic avait renoncé à son droit à comparaître. Or la loi transalpine ne permet pas de rejuger un condamné par contumace après qu’il a été retrouvé, sauf, exceptionnellement, s’il apporte la preuve qu’il n’a pas été informé des étapes de son procès. Ultimes encouragements pour les avocats de M. Battisti, la CEDH précise que ces pratiques italiennes "peuvent donner lieu à l’avenir à de nombreuses requêtes bien fondées" et enjoint Rome de "supprimer tout obstacle" à un nouveau procès.

Ce n’est pas la première fois que l’Italie comme la France sont condamnées par la CEDH pour des affaires de contumace. La loi Perben du 9 mars 2004 a d’ailleurs adapté la loi française aux exigences européennes en la matière. La législation italienne, elle, n’a été que partiellement réformée (Le Mondedu 10 juillet) concernant les conditions dans lesquelles un accusé est supposé avoir renoncé à un nouveau procès. Or la CEDH exige un "contrôle scrupuleux" du caractère "non équivoque" de cette renonciation. Dans le cas de Cesare Battisti, les magistrats français avaient autorisé l’extradition en considérant comme "établi" que l’ex-militant italien avait " délibérément renoncé à comparaître".

L’arrêt Sejdovic intervient alors que le sort juridique de Cesare Battisti est entre les mains du Conseil d’Etat, qui doit juger d’un ultime recours en France contre le décret d’extradition signé par Jean-Pierre Raffarin. La décision rendue mercredi à Strasbourg pourrait aboutir à une modification de la législation italienne. Mais elle est susceptible d’un appel du gouvernement italien dans les trois mois.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-386674,0.html