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Science POPO (science politique popularisée) - Le mystère de la séparation des pouvoir (c’est comme la sainte trinité).

Publie le mardi 11 janvier 2011 par Open-Publishing
1 commentaire

Suite du Manifeste fondateur de la Science Popo par Alexis Leclef, paru dans le numéro 62 du Batia Mourt Sou

Invité : Childfree L’art de guillotiner les procréateurs : manifeste anti-nataliste Théophile de Giraud

Je l’avais promis dans la précédente livraison du Batia : je reviens à ce mystère de la « séparation des pouvoirs ». Dans tous les cours de science politique bien ordonnés, on commence par elle. On en fait une pierre angulaire de la « démocratie » parlementaire, une des-mots-cratie parle-menteur qui n’a jamais aussi bien porté son nom pour être, outre le paravent derrière lequel se cache le vrai pouvoir des intérêts financiers, le pouvoir des mots sur les choses, celui de masquer ce qu’il en est, ou dire le contraire de ce qu’il en est.

Illustration de Joseph Ghin : Le concert des fous

Mystère fondamental, fondateur même pour une part de la science politique, décidément bien inspirée sur ce coup là, la séparation des pouvoirs est comme le pendant profane du mystère de l’Incarnation chez les catholiques, par lequel un quidam plutôt illuminé qui se serait baladé il y a quelque deux millénaires en Palestine est considéré comme ayant révélé l’invisible. Pas la moindre once de rationalité dans tout cela, ce qui n’est d’ailleurs pas requis, la foi suffisant à elle seule amplement en matière de mystères.

Et de la foi, il en faut à renverser les montagnes pour avaler cette affaire de la séparation des pouvoirs consubstantielle à la des-mots-cratie ! Car, nulle part visible, elle est d’autant plus invoquée qu’elle ne paraît jamais. Comme la femme de Colombo, en fait …

Montesquieu, au XVIIIe siècle, en serait le fondateur. Il passe pour être le père de la démocratie moderne alors qu’il ne défendait, en prônant un parlementarisme extrêmement élitiste, rien d’autre que les aristocrates opposés à l’absolutisme royal. Il est aussi ce Moïse des Temps Modernes, un des prophètes de la sciences politique contemporaine particulièrement prisé pour avoir énoncé moins les lois elles-mêmes que l’« esprit des lois », ainsi qu’il intitulait son ouvrage de référence. Son précepte de la séparation des pouvoirs est depuis lors partout énoncé, rappelé et psalmodié telle une litanie dans les enseignements universitaires. Il est déjà inculqué dès l’école secondaire, voire, pour les plus zélés des maîtres, dès la fin du primaire, période des communions solennelles.

À l’image de la divinité chrétienne, il se décline comme suit : il y a dans le monde de l’« État de droit », non pas un mais trois pouvoirs. La Sainte Trinité dans sa version terrestre en somme. Mais à sa différence – rendons à Dieu ce qui est à Dieu –, ces trois-là ne sont pas mélangés l’un aux autres, mais séparés. Très importante cette séparation ! C’est le fondement du mystère lui-même d’ailleurs.

On le sait, les trois pouvoirs, le législatif, l’exécutif et le judiciaire y jouent chacun leur rôle, et chacun dans leur camp. Le législatif… il fait les lois ; l’exécutif… il les exécute ; et le judiciaire… il les contrôle. Facile – les étudiants aiment avoir cette question à l’examen ! Et bien plus simple que de définir ce que font respectivement le Père, le Fils et le Saint-Esprit, notons-le au passage... Trop beau pour être vrai cependant. Car ces trois pouvoirs, tout sauf séparés en réalité, sont non seulement intriqués entre eux et confondus, mais encore ne font pas ce que l’on dit qu’ils font.

Le judiciaire n’est pas autonome des deux autres. Les juges, s’ils sont nommés à vie pour que leur « indépendance » soit garantie, la perdent par mille autres nœuds qui les lient aux protagonistes des deux autres pouvoirs : leur désignation est le fruit de jeux politiques, d’un savant dosage entre les partis à l’un desquels ils sont priés, sinon d’adhérer, du moins de faire allégeance.

Cette confusion des pouvoirs est encore plus vraie dans la façon dont sont faites les lois. Selon le Credo de Popo, ce pouvoir en revient au législatif de façon exclusive, c’est-à-dire aux organes parlementaires. L’exécutif, c’est-à-dire le gouvernement auquel, dans les monarchies constitutionnelles, comme en Belgique, on ajoute le roi – pour faire joli –, se contentant, comme son nom le dit si bien, de les exécuter.

Et pourtant, qui fait les lois ? Le Parlement, ou le gouvernement ? Bonne question : est-ce le Parlement qui légifère dans les grands domaines de la vie politique, sociale, économique, internationale, en matière de sécurité sociale, de services publics, de politique économique, de finances, de budget, d’impôts, de réformes institutionnelles, d’immigration, de répression, d’accords extérieurs politiques et militaires, etc. ?

Toutes ces lois, les plus importantes dans la vie d’un pays, émanent sans contestation possible du gouvernement. En conséquence, il faut reconnaître que c’est, non le législatif, mais l’exécutif qui fait les lois ! Certes, il existe bien quelques lois qui sont issues de l’« activité parlementaire », mais il ne s’agit là que d’une infime minorité d’entre elles et, de façon générale, d’intérêt relativement mineur si ce n’est sur les questions dites « éthiques ». À ce titre, proposition de loi de deux sénateurs visant à légaliser l’avortement, votée en 1990, fait office d’exception (elle avait par ailleurs donné lieu à la surprenante « grève royale » de Baudouin pour « motifs moraux »).

Ainsi, en parfaite contradiction avec la théorie de Montesquieu, dans l’immense majorité des cas, c’est l’exécutif (le gouvernement) qui « fait » les lois, non le législatif. Et c’est en revanche le législatif (le parlement) et non l’exécutif qui, en les sanctionnant par un vote le plus souvent majorité contre opposition, … exécute ! C’est-à-dire l’exact inverse de ce que l’on raconte ! Les voies du Seigneur Popo, décidément, sont bien impénétrables !

Alexis Leclef

ndlr 1 : L’Expert Français de la soit disant séparation de l’église et de l’état, semble être Maurice Duverger (condamné pour indignité nationale en 1945, réabilité depuis comme tant d’autres ). Qu’en est il vraiment ?
Vous avez la parole, les voies du Seigneur Popo, décidément, sont bien impénétrables !

ndlr 2 : Le Batia Mourt Sou
( Traduction : Le bateau ivre ) La gazette de l’entre Haine et Trouille, Un journal jovial, crédule, saugrenu mais outrecuidant.
La Haine et la fille de la Trouille ( Terullien ) 3 ieme siècle ).
Parait 4 fois par an, 16 pages, mais quelles pages !
Editeur responsable : Serge Poliart
Illustration de Joseph Ghin : Le concert des fous
D’autres informations dans les articles suivants.

Mais aussi : Serge Poliart : Arrière cour !
Séparation des pouvoirs et sainte trinité, aussi !

Messages

  • Oui mais non.

    L’auteur n’est pas dans fondamentalement dans l’erreur et cet article est divertissant mais il passe sous silence les causes de ce dévoiement de la séparation des pouvoirs (si jamais cette séparation a réellement existé).

    En France :

    1)le pouvoir judiciaire : le rôle conservateur des parlements sous l’Ancien Régime entraine une série de blocages malgré la volonté de réforme du roi (cocasse car c’est en exerçant une grève de la justice que les juges pouvaient faire plier le pouvoir royal). On a pu ainsi parler de gouvernement des juges.

    C’est en quelque sorte ce péché originel du pouvoir judiciaire qui a entrainé son assujettissement relatif au pouvoir exécutif/législatif.

    2) le pouvoir législatif :

    les excès du parlementarisme de la III et IV république (l’inflation législative commence) et les blocages qu’entrainaient les chamailleries interminables entres partis ont conduis à ce que l’on a appelé par la suite une rationalisation du parlementarisme comprendre la mise au pas des navrants représentants du peuple pour s’assurer notamment à international que les problèmes soient traités plus rapidement car le reste du monde n’attend pas (notamment a l’époque les problématiques liées à la Décolonisation).

    Ainsi le gouvernement va disposer du pouvoir de faire les lois et de les faire passer devant le Parlement + tout une série d’outils (vote bloqué, limitation des amendements, mise en jeu de la confiance....) pour s’assurer de la rapidité/ efficacité de la procédure.

    3) et le grand vainqueur est....

    le pouvoir exécutif a travers le Président de la République, l’homme bénéficiant de l’onction du Suffrage Universel, un quasi monarque républicain dont le trône est remis en jeu tous les 5 ans.

    On pourrait s’arrêter là et condamner un césarisme républicain, une V république porteuse des germes de l’autoritarisme mais il faut maintenant s’intéresser à la cause "première" ("première" car en l’état actuel de mes connaissances je dirais que la cause première de toute chose c’est le big bang mais cela nous éloigne un peu du sujet) : les partis politiques.

    Certes les partis politiques ont eu leur utilité et il serait stupide de nier par exemple l’importance du parti communiste après guerre dans son rôle de formation et d’élèvement des classes ouvrières qui se saisirent pleinement de leur prérogatives politiques (vote, candidatures par exemple) mais aussi de leur faculté de s’impliquer dans le débat public. Mais dans le même temps le PC formatait selon une idéologie unique (la seule bonne bien sur), une grille de lecture unique donc porteuse d’exclusion de l’autre, fermée donc stérile et reposant sur un dogme figé donc inadapté à la réalité mouvante du monde.

    Et il en est de même pour tout les partis politiques.

    Revenons en alors à notre Vème république : c’est le fait majoritaire qui à entrainé la domination de l’exécutif sur le législatif et qui transforme les députés en godillots du président.

    Ce fait majoritaire c’est le retour des partis, la négation des conceptions personnelles du bien public au profit d’une discipline de parti nécessaire à la conquête et à la conservation du pouvoir principalement le trône présidentiel mais aussi les sièges de l’Assemblée Nationale.

    Or en définitive dans notre beau système qui sont les abominables responsables de ce merdier ? et bien c’est nous les électeurs à la recherche de prêt à penser, de solutions tout simples à la complexité du monde (y a qu’a...) ou d’un homme providentiel.

    Notre capacité à voir en noir ou blanc un monde de nuance et de couleur, la recherche de la solution de facilité et notre stupidité crasse (et qui sais probablement savamment entretenue) font de l’élection démocratique la rencontre entre une masse d’idiots simplistes et un packaging marketing idéologico-démago.

    Ce "petit" commentaire n’expose bien évidemment qu’une fraction du probleme (l’angle économique n’a ainsi pas été abordé et il y aurait beaucoup a dire sur le role de la mondialisation, des lobbys,....) et n’apporte aucune solution puisque je ne saurais prétendre réussir a définir un meilleur système alors que tant de grands penseurs s’y sont essayés au cours de notre histoire humaine avec les réussites que l’on sait.

    La démocratie reste cependant "le pire des régimes, à l’exception de tout les autres"