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Italie,VI Congrès du PRC : l’alternative de société

Publie le jeudi 9 décembre 2004 par Open-Publishing
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Un nouveau cycle politico-social

de Fausto Bertinotti

Le VI Congrès national de notre Parti a lieu dans un moment vraiment "extraordinaire" :
le défi pour ouvrir en Italie et en Europe un nouveau cycle politico social est
aujourd’hui entièrement devant nous. Cela pour battre non seulement les droites
mais aussi les politiques de droite ; et pour sortir à gauche aussi bien de la
crise des politiques néolibérales que de l’échec et de l’impuissance stratégique
du réformisme. Nous investissons jusqu’au bout dans cette possibilité : sûrement
pas parce que nous surestimons nos forces, ou celles des mouvements et de la
gauche alternative, mais en partant de la conviction que ce sont les processus
réels qui radicalisent, de plus en plus, les alternatives de la politique et
du conflit.

S’il est vrai que, à droite comme à gauche, les espaces "centristes" (les espaces objectifs et non les pulsions subjectives qui reviennent, ou qui, plutôt, demeurent) sont en train de se vider et qu’aujourd’hui n’existent tendanciellement ni des compromis ni des "solutions" ni, même, des médiations de nature réellement centriste, il est vrai alors que la subjectivité politique radicale peut avoir un rôle décisif, en rien minoritaire, dans la qualification de la nouvelle phase. Pour ces raisons de fond, la subjectivité politique et stratégique de Refondation communiste est au centre du Congrès. Il s’agit d’un côté de consolider, en la mettant à jour, la réflexion accumulée pendant ces années, dans une conscience théorique nouvelle et collective.

Le choix stratégique est de placer le centre de gravité de l’agir politique dans la société, dans le conflit de classe et dans les mouvements plutôt que dans les institutions et dans le rapport entre les forces politiques ; cette option a revêtu une intensité particulière à cause du choix stratégique fait par le dernier Congrès, que nous confirmons en cela, à plus forte raison sur la base des expériences des mouvements de ces années. De l’autre côté, un saut de qualité dans la connexion entre projet et pratique politique, entre rôle général et présence dans les luttes, entre croissance des responsabilités et force organisée du Parti, instrument de plus en plus nécessaire et irremplaçable, est essentiel.

Pour ces raisons de fond, nous considérons la contribution du secrétaire du Prc ’les 15 Thèses pour le Congrès’ comme la plateforme la plus adaptée, grâce à sa nature organique et synthétique, aussi bien à une confrontation démocratique, riche et entraînante, qu’à une issue claire et politiquement transparente. Un document qui, dans le parcours de la discussion avant et pendant le congrès, pourra et devra être "amendé", approfondi, enrichi, développé analytiquement, défini davantage, dans la direction de la rédaction d’une plateforme politique finale qui sera construite en première personne par les militants et les adhérents.

Bush et la guerre

L’évènement le plus significatif de 2004, la victoire de George W. Bush aux élections présidentielles américaines confirme justement la crise de fond aussi bien du néolibéralisme (idéologie de la Pensée Unique et du sort magnifique et progressif de la globalisation) que de ses versions modérées (représentées aux Usa par le Parti démocratique centriste et, en substance, délavé). La droite Usa a gagné non pas en délayant mais plutôt en exaltant son patriotisme belliciste, qui revendique avec une arrogance absolue la mission impériale de l’Amérique et en repropose entièrement le modèle social et de valeurs aujourd’hui dominant. Le capitalisme se sépare de la pensée libérale et redécouvre les valeurs de la tradition pré moderne (Dieu, Patrie, Famille), en s’alliant même avec ces valeurs. Un choix réactionnaire tout à fait cohérent avec l’idéologie de la guerre de civilisations et le néo fondamentalisme occidentaliste qui l’accompagne. D’où l’obsession sécuritaire, l’effacement ou la limitation drastique des libertés, des droits et des cultures progressistes qui ont marqué le XX° siècle. De l’autre côté, une tentative de libéralisation et de privatisation totale des biens communs - services, santé, culture - est en cours, une tentative qui a rencontré l’opposition tenace et efficace du mouvement alter mondialiste, aussi bien à Cancun que pour le traité du Mercosur.

Une opposition que le Parti de la Refondation Communiste doit continuer à soutenir d’une façon convaincue. Un danger accru se dessine donc pour le sort de la planète et des peuples, surtout au Sud du monde, où sont pourtant visibles aussi des processus en nette contre tendance (dans toute l’Amérique latine, par exemple). Pour cela, plus que jamais la lutte pour la paix doit être la priorité des priorités : en Irak, au Moyen Orient, dans la Palestine orpheline d’Arafat, en Afrique. La guerre d’agression, deux ans d’occupation militaire, un gouvernement fantoche et des promesses d’élections farce, sont en train de détruire l’Irak et d’aggraver dramatiquement la crise de la région. Donc le retrait immédiat de toutes les troupes étrangères - en commençant par les troupes italiennes - revendiqué depuis toujours par la gauche alternative et le mouvement pacifiste, est la condition incontournable pour construire la paix et amorcer un processus de transition démocratique. Dans ce cadre, la convocation d’une vraie conférence internationale de paix, à laquelle participent tous les protagonistes du conflit, y compris les représentants de la résistance interne, pourra représenter un passage important.

L’Europe

L’Europe aussi vit le grignotage progressif des parcours de "troisième voie", aussi bien du point de vue politique qu’économico social : en ce sens elle est vraiment face à une bifurcation. Ou bien elle s’ "américanise" ou bien, au contraire, elle exalte les conquêtes de civilisation que les luttes et les mouvements ont déterminées, en les mettant à la base de sa construction même et en déterminant ainsi un vrai rebondissement d’autonomie et de subjectivité politique. Les classes dirigeantes actuelles - particulièrement de la France, de l’Allemagne et de l’Espagne - tentent évidemment de soustraire à cette bifurcation aussi bien par des choix de politique internationale de forte autonomie des Usa, qu’en poursuivant l’objectif d’un véritable partenariat atlantique et d’une puissance militaire européenne. En substance, il s’agit d’un dessein illusoire : il ne peut pas y avoir une véritable autonomie politique européenne sans rupture de l’Europe avec le modèle social nord-américain. Ainsi les gouvernements qui ont su dire méritoirement non à la guerre en Irak sont les mêmes qui sont en train dans leurs nations respectives de démanteler le Welfare et son système historique de droits et de garanties. Ce n’est pas par hasard que nous nous trouvons à faire face à des propositions telles que la "Directive Bolkenstein" ou à l’acceptation unanime par les gouvernements d’une proposition de Constitution européenne qui constitutionnalise la primauté du marché et expulse la paix et les droits de l’identité européenne.

Sur ce chemin l’Union Européenne n’arrivera pas à résoudre positivement ses incertitudes d’identité et de rôle. C’est pourquoi nous proposons une grande campagne de masse contre le traité, que nous devrons conduire partout, en commençant évidemment par le Parlement. Une lutte politique et culturelle, qui devra disposer de l’articulation nécessaire, d’une coalition la plus vaste possible, des instruments que l’on considèrera les plus efficaces. La seule alternative est celle de l’autre Europe, où se situent les initiatives du mouvement, la croissance du conflit social et de masse, la mobilisation des intellectuels non homologués. La naissance du Parti de la Gauche européenne est, à ce sujet, le fait nouveau de la politique européenne où Refondation communiste a investi et investira de plus en plus une partie essentielle de son travail et de son identité : justement parce que l’unification des sujets et des subjectivités alternatives, qui oeuvrent en Europe, est essentielle aussi bien pour battre l’"américanisation" du vieux continent que pour construire une réalité institutionnelle qui soit capable de dialoguer fortement avec le mouvement alter mondialiste tout entier. Une Union Européenne de paix, d’accueil, de solidarité sociale, de citoyenneté universelle, de démocratie laïque, de laïcité riche : sans une gauche forte, cette Union ne pourra pas voir le jour. Sur la base de cette conviction, nous proposons d’accueillir comme symbole du Parti celui qui a été utilisé pour les élections européennes, en assumant ainsi jusqu’au bout le choix stratégique de la Gauche Européenne.

Le Parti

Au cours de ces trois ans, Refondation communiste a acquis un rôle central, dans la politique, dans les mouvements et dans la société italienne, gagnant largement le défi de sa survie politique et de sa "nécessité" stratégique. De cette reconnaissance, qui nous vient d’ailleurs d’une vaste zone de la gauche et souvent aussi de nos adversaires, doit partir une réflexion sérieuse et approfondie sur le Parti. Il y a une difficulté, même grandissante, à être vraiment Parti : à satisfaire les "demandes riches" qui se déversent sur nous, à construire et faire vivre un sujet collectif qui valorise les pratiques des femmes et la différence de genre ; un "nous" où se reconnaissent aussi bien les genres que les générations, les cultures politiques, les expériences différentes. Ces problèmes ne découlent pas seulement de nos limites subjectives qui sont là et sont sérieuses : ils plongent leurs racines dans la difficulté plus générale que vivent aujourd’hui, sans aucune exception, toutes les formes organisées de la politique, des plus anciennes, les partis, aux plus récentes, les mouvements et les associations. Les appels volontaristes et les rappels à la tradition du mouvement ouvrier ne suffisent donc pas. Les propos d’innovation et d’expérimentation dans l’organisation qui ont du mal à se traduire en des pratiques organiques ne suffisent pas non plus. Il en faut beaucoup plus pour relancer le Parti de ses Cercles à ses Fédérations, il faut un travail systématique de recherche et de discussion sur ce que nous sommes et sur ce que nous voulons devenir, qui demande un approfondissement spécifique. Dans cet objectif urgent et non ajournable, nous proposons qu’ait lieu, avant la fin 2005, une Conférence nationale d’organisation.

15 thèses pour le congrès

1) La vraie nouveauté de ce début de siècle est la naissance de nouveaux mouvements et leur capacité à se relier dans un parcours collectif. Elle a parlé au monde d’une nouvelle possibilité de transformation. La capacité de Refondation Communiste a été de comprendre la nature de ces nouveaux mouvements et de se disposer à recueillir les ressources qu’ils ont libérées pour se proposer, avec une modification de sa propre politique, de contribuer à la construction d’une idée générale de réforme de la politique et de son rapport avec les protagonistes sociaux. En même temps, avec une relation qui n’est pas seulement temporelle, la faillite de la globalisation capitaliste a émergé d’une façon de plus en plus fracassante. L’une et l’autre proposent à nouveau objectivement comme actuel le thème de la transformation de la société capitaliste. Ce thème est aussi posé subjectivement par la croissance de la conscience des mouvements et on peut le résumer dans la formule des forums sociaux « Un autre monde est possible ». Le problème est donc posé mais il n’est pas résolu. Un autre scénario est aussi ouvert, où la crise économique et sociale devient plus cruelle et où la guerre précipite en un conflit de civilisations. L’incertitude domine notre temps. L’alternative « socialisme ou barbarie » n’est pas en dehors de ce temps.

2) En Italie, le PRC sort d’un succès important aux élections européennes et locales. Son projet politique global a été récompensé : choix stratégique d’être à l’intérieur du mouvement, proposition politique d’ouverture aussi bien sur le terrain global des oppositions politiques et sociales que comme construction de la gauche d’alternative, innovation de la politique et du sujet de la politique, innovation de culture et de théorie politique du mouvement ouvrier. Cette accumulation, qui doit être considérée comme un patrimoine acquis par tout le parti, est aujourd’hui la base pour un développement ultérieur de la refondation. Ce succès a été réalisé dans une situation où a explosé la crise de la tentative de donner une réponse de droite stable à l’instabilité du système politique italien, tentative dont le pivot est ce phénomène complexe de nature néo-conservatrice qu’on a appelé « berlusconisme ». A cette crise contribuent aussi bien des motivations objectives (les grandes tendances internationales de la faillite de la globalisation capitaliste) que la poussée de la croissance des mouvements. Avec elles, s’est achevée la faillite spécifique du projet berlusconien. En Italie aussi éclot une phase politique et sociale toute nouvelle, pour affronter laquelle il ne suffit pas d’écarter Berlusconi, mais il faut au contraire s’attaquer aux causes de fond qui l’ont amené au succès. Le problème est la construction d’une alternative de société ; il s’agit de réécrire la constitution matérielle du pays après les ravages néolibéraux.

3) Pendant ce temps, le néo-libéralisme en crise en tant que structure idéologique et modèle général de politique économique et sociale cherche une nouvelle voie pour se proposer à nouveau et empêcher le déploiement d’une politique nouvelle. La nouvelle version du néo-libéralisme se cache derrière le « réalisme » de la survie de l’entreprise. Après avoir mis de côté les grandes promesses, on propose l’état de nécessité. On demande de reconnaître l’objectivité indiscutable des crises et des nécessités imposées par la compétition internationale. Le but est de redessiner au rabais le système des droits, des conditions de travail et de salaire par le chantage objectif de la compétitivité. Il s’agit d’une attaque insidieuse parce qu’elle se camoufle derrière une réalité aussi concrète qu’apparente, où se matérialise un chantage sur les travailleurs qui vise à mettre en échec la politique et à renverser le rôle du syndicat dans la négociation de l’empirement de la condition des travailleurs et de l’emploi. Par ce biais, qui voudrait remonter de l’entreprise au système tout entier des relations sociales et de la législation du travail et de l’état social, le premier objectif est l’abolition du contrat national de travail. Cette offensive est la base matérielle qui soutient l’hypothèse politique néo-centriste, celle d’une sortie souple de la crise de la droite et du berlusconisme sans mettre en discussion l’inspiration de fond des politiques néo-libérales.

4) A cette nouvelle offensive néo-libérale, qui se propose d’assumer le caractère d’une proposition globale et se dispose à entraîner un ample spectre de forces modérées aussi bien dans le champ politique que dans le champ syndical, on ne peut pas répondre efficacement d’une façon défensive ou par composantes singulières isolées. La défaite de cette hypothèse demande un saut de qualité de l’opposition politique et sociale. De cette nouvelle tache doivent se rendre protagonistes le champ articulé de la gauche intéressée au projet d’alternative, les organisations syndicales ayant projeté et pratiqué une nouvelle autonomie par rapport au gouvernement et à la Confindustria (qui correspond au MEDEF , NdT), les mouvements et les réalités de lutte exprimées dans les conflits du travail et sur le territoire. Il faut que l’ensemble de ces sujets produise une initiative unitaire qui donne corps et visibilité à un projet d’unification des mouvements. Il faut travailler à un projet global de mouvement pour la réforme de la société italienne. Dans ce but il faut travailler à la construction d’une rencontre des expériences critiques et de lutte du monde du travail, des villes et des territoires. Ce n’est que de la connexion avec le mouvement des mouvements, avec le mouvement pour la paix, avec les expériences de conflits sociaux et du travail que peut naître l’opposition efficace et l’alternative au nouveau défi libéral et la renaissance, ici et maintenant, de la politique.

5) Une phase d’instabilité absolue s’est ouverte. La politique est traversée par deux tendances opposées : sa possible renaissance ou son éclipse. La démocratie vit une crise profonde, où la notion même de souveraineté populaire peut être effacée. Nous pouvons avoir devant nous un futur sans démocratie. La phase politique continue à être caractérisée, dans le monde, en Europe, en Italie, par cette crise ouverte aux deux issues. Même les élections européennes ont montré, à côté d’une croissance de l’opposition aux gouvernements, la manifestation d’un malaise profond et une méfiance à l’égard des systèmes politiques. Cette crise ne frappe pas que les institutions, mais elle entraîne aussi les masses, traversées en même temps par des instances de réappropriation et de fuite pulsionnelle de la politique, une sorte d’exode d’une politique qui s’est séparée à son tour de la vie quotidienne.

6) Le grand et terrible 20° siècle a vu se réaliser par la lutte de classe l’entrée des masses dans la politique et, dans ce sillon, de grandes expériences d’émancipation se sont produites, les plus grandes connues jusqu’ici. Mais, en même temps, le 20° siècle a été celui où se sont déroulées des tragédies irracontables (les guerres mondiales, les fascismes et les nazismes jusqu’à l’horreur d’Auschwitz). Le mouvement ouvrier a été le grand protagoniste du siècle mais il a été défait en premier lieu par l’échec là où il s’est constitué en Etat dans les sociétés post révolutionnaires où les instances de libération pour lesquelles il était né se sont aussi retournées en formes d’oppression dramatiques. La critique du stalinisme n’est donc pas simplement la critique des dégénérations de ces systèmes mais du noyau dur qui a déterminé cette issue et elle est pour cette raison le point incontournable pour la construction d’une idée nouvelle du communisme et de la manière de le construire. Or, les expériences de mouvement, les nouvelles pratiques sociales et les réflexions qui ont avancé avec elles permettent la construction d’une critique du pouvoir qui, aussi bien par le choix de la non violence comme guide de l’agir collectif ici et maintenant, contribue à la recherche d’une idée et d’une pratique nouvelles de la politique en tant que processus actuel de transformation et de libération. La possibilité d’une sortie à gauche de la défaite du 20° siècle et de la crise du mouvement ouvrier est ainsi à l’ordre du jour. On peut travailler alors à la construction d’un nouveau mouvement ouvrier. La refondation communiste, horizon de notre recherche et expérimentation, trouve dans ce défi sa raison.

7) La querelle est devenue dramatique. L’état de guerre permanente est couvé par la nature même de la globalisation capitaliste. Au contraire de ce qui avait été promis, à savoir la dissolution des conflits, elle produit de l’instabilité en aiguisant les inégalités mondiales, en concentrant les richesses et en exaspérant les conflits A la place de la croissance promise, elle produit des crises. Même la compétition devient destructrice. La guerre préventive est le système par lequel on cherche une solution impériale de cette instabilité. Mais le résultat est de produire des instabilités nouvelles et plus profondes, auxquelles on répond en intensifiant davantage la guerre selon la doctrine de la guerre permanente. La guerre alimente le terrorisme, qui est l’enfant de la guerre et son frère. Ce terrorisme se présente comme un projet élaboré dans l’autonomie du politique et il est, comme la guerre, notre adversaire irréductible, à repousser pour les moyens qu’il utilise et pour les fins qu’il soutient. La guerre impériale de l’administration Bush est une guerre infinie et indéfinie. L’Irak en est le banc d’essai. Son développement serait la guerre de civilisations.

8) La paix est le terrain de renaissance de la politique parce qu’elle exprime l’exigence primaire de notre temps. La paix doit être poursuivie non seulement comme absence de guerre mais comme construction d’un nouveau monde qui, en cassant la domination impériale, dessine des aménagements nouveaux du monde fondés sur l’autonomie et le dialogue, sur des relations culturelles et sociales différentes. Il est non seulement erroné mais illusoire de penser à la construction de ce nouvel aménagement comme cela s’est produit en partie dans le passé à savoir par la création d’un équilibre basé sur la force des armes. Le levier fondamental pour cette entreprise est le nouveau mouvement pour la paix, en tant que force désarmée et de désarmement, en tant qu’autre puissance mondiale descendue sur le terrain pour contester la guerre et sa logique et construire une alternative de civilisation. Cette grande nouveauté met en lumière l’exigence de la construction d’une nouvelle subjectivité politique organisée qui interprète et fasse peser cette instance nouvelle dans les relations économiques, sociales et étatiques. On a ici le terrain fondateur de l’autre Europe, où la découverte de cette mission puisse faire relire ses racines pour réaliser un modèle économique, social et culturel alternatif au néo libéralisme et à la guerre. C’est sur cela que pourrait s’appuyer l’autonomie et l’indépendance de l’Europe par rapport aux USA. Le Parti de la Gauche Européenne, dont nous sommes parmi les promoteurs et les fondateurs, veut être un instrument pour poursuivre cet objectif.

9) La construction du nouveau sujet de la transformation est le thème crucial pour la sortie à gauche de la crise de la politique et de la crise du mouvement ouvrier. Cet engagement demande le déplacement du centre de gravité de la politique des institutions et des forces politiques à la société et aux mouvements, c’est-à-dire de la représentation à l’organisation directe de la vie et des relations sociales. La marque de fond qui caractérise la nature de la globalisation néolibérale est la précarité. La précarité devient condition générale qui donne forme aux modes et aux temps de travail et aux temps de vie, aux rapports de production et aux relations sociales et qui pénètre jusqu’à la tentative de modifier le vivant. Les transformations imposées, d’un côté par la révolution restauratrice du nouveau capitalisme sur le travail et, sur le versant opposé, la nature des nouveaux mouvements, proposent une alliance nouvelle entre les expériences demandant la libération du travail salarié (le conflit de travail) et les expériences demandant qu’on soit libéré du travail salarié (la construction de biens communs soustraits à la marchandisation, la construction et la réalisation de relations et d’activités soustraites, même si partiellement, au marché, la valorisation de l’environnement et des liens avec les histoires des territoires). Cette alliance nouvelle permettrait l’entrée, en tant qu’éléments décisifs dans la construction de l’alternative, des cultures et des expériences critiques. L’écologisme tisse une critique aux modèles "développementistes" même dans leur version modérée qui parle de « développement soutenable ». Le féminisme est la contribution fondamentale pour une idée de la société et des rapports sociaux fondés sur la valorisation de la différence et de la personne et sur la contestation du sexisme et de la domination scientiste sur les corps et le vivant. Le pacifisme et les mille pratiques de la non violence se configurent comme construction d’un réseau de relations qui contestent la domination du profit et du pouvoir. Cette recherche théorique, ce travail politique dans les profondeurs de la société et dans la réalisation d’expériences originales constituent la base fondamentale pour la construction d’une gauche d’alternative qui en Italie voit engagées toutes les forces, où qu’elle soient situées, qui sont intéressées à cette recherche. Le temps est venu que la gauche soit à nouveau protagoniste en Italie et en Europe.

10) Le cadre de cette recherche est la construction de la démocratie de la participation et du conflit. Ce n’est pas un hasard que soit sous attaque précisément le caractère progressif de la Constitution italienne. Cette attaque prend différentes formes : on efface dans la pratique l’article 11 de la Constitution, on réduit le thème des migrants, décisif pour l’aménagement de la société future, à un problème d’ordre public, on parle d’effacer le caractère antifasciste de la République, on mine les éléments fondamentaux du caractère unitaire des prestations sociales et de l’exigibilité des droits sur le territoire national, on vide le Parlement. On veut affirmer en substance une idée de démocratie réduite de moitié, fonctionnelle au modèle néolibéral, interne à la domination du marché, donc inerte et, enfin, inutile. La construction d’une démocratie participée où on puisse transformer la critique des mouvements en une alternative politique et programmatique de gauche est le défi fondamental qui se trouve devant nous. La démocratie, en tant que force propulsive de participation et la paix, comme construction de nouvelles relations sociales et étatiques, sont à la première place dans la renaissance, ici et maintenant, d’un processus de transformation de la société capitaliste.

11) Le problème de la participation au gouvernement d’une force antagoniste dans un pays européen doit être situé dans ce cadre. La critique de la prise du pouvoir et du pouvoir lui-même n’est pas non plus sans conséquences par rapport à la façon de concevoir le gouvernement et sa position. Dans notre stratégie, le gouvernement n’est pas un choix de valeur mais une variable dépendante de la phase. C’est-à-dire que le gouvernement n’est pas l’objectif ou le débouché de la politique d’alternative mais qu’il peut être un passage nécessaire. En Italie sa nécessité naît d’une conjoncture politique précise : l’exigence qui ne peut pas être prorogée de battre le gouvernement Berlusconi et d’y construire une alternative. C’est pourquoi nous assumons aujourd’hui l’objectif d’une coalition de forces pour donner vie à une alternative programmatique de gouvernement où le PRC et les forces de la gauche d’alternative globalement seraient présentes en tant que protagonistes. Nous appelons cette coalition démocratique pour en définir ainsi son premier but : construire de la démocratie et de la participation. La construction de la démocratie participée n’est pas qu’une question de méthode, elle est le premier contenu d’un programme réformateur. L’autonomie des sujets critiques ou socialement actifs n’est plus seulement une prérogative protégeant les mouvements et les organisations sociales de leur aliénation, elle est devenue aujourd’hui le moteur possible du processus réformateur tout entier et doit devenir pour cela un point fondamental programmatique de l’alternative de gouvernement. Voila la première réforme nécessaire : celle de la politique et de la conception même du gouvernement. Une part importante de cette même réforme est la conquête d’une autonomie stratégique de la gauche d’alternative et, avec elle, du PRC, par rapport au gouvernement auquel il serait éventuellement possible de participer selon le niveau de l’accord de programme établi entre toutes les forces qui sont aujourd’hui à l’opposition du gouvernement Berlusconi. Pour ce faire, le PRC et la gauche d’alternative doivent savoir passer aussi par l’expérience de gouvernement en fonction de la croissance qualitative des mouvements et de la possibilité de déployer une action politique plus vaste, plus complexe et plus longue dans la société pour la réalisation du plus ambitieux programme de phase. L’objectif de cet engagement qui est le nôtre est la défaite de la loi du pendule selon laquelle quand la gauche est à l’opposition elle fait naître des espoirs et des attentes qui sont déçus quand elle assume le gouvernement, en déterminant ainsi une méfiance de la politique pour de larges masses et en créant les conditions pour le retour des forces conservatrices.

12) Dans cette phase, un programme de gouvernement doit avoir comme caractéristique fondamentaledereprésenter une rupture de continuité avec les politiques du gouvernement Berlusconi, d’en constituer une alternative réelle et d’ouvrir une voie où l’autonomie des mouvements et du conflit de classe puisse conquérir de nouveaux espaces de transformation de la société. Les lignes directrices autour desquelles organiser un programme d’alternative sont au nombre de trois, programme qui déjà dés son démarrage doit transmettre au Pays un message univoque et une sollicitation à la mobilisation de toutes les énergies réformatrices. La première est la position internationale du pays pour la paix contre la guerre et la terreur, à partir de l’engagement pour le retrait des troupes italiennes, pour arrêter la guerre en Irak et pour construire une Europe de paix dans le monde et de coopération entre nord et sud et de dialogue entre les religions et les civilisations. Deuxièmement, en Italie les politiques du gouvernement Berlusconi et la crise de la cohésion sociale qu’elles ont entraînée sont un obstacle empêchant le changement et la mise en route d’une nouvelle politique. C’est pourquoi, l’action d’assainissement sur le terrain civil, économique et social est un engagement incontournable. L’abrogation de la loi 30, de la loi Bossi-Fini, de la loi Moratti d’un côté et de celle de la fécondation assistée de l’autre donnent clairement le sens du besoin et de la force de cette opération politique et de sa nécessité. Enfin, la qualification d’un programme qui voudrait avoir l’ambition de concrétiser les attentes de changement mûries dans la société se réalise sur le terrain du nouvel aménagement à donner au Pays afin qu’il puisse projeter son avenir. Il s’agit là des grandes réformes de rupture avec le cycle néolibéral, des reformes ouvrant le chemin à une innovation du modèle général d’organisation de la société. Elles peuvent être identifiées autour de quatre grands axes : la valorisation du travail et une redistribution de revenu en faveur du salaire, des traitements et des retraites, l’introduction d’un salaire social et une politique offensive par rapport aux rentes ; la conquête, la qualification et l’extension de droits individuels et collectifs aptes à configurer une nouvelle citoyenneté sociale universelle, le respect de la personne et un système di garantie et de tutelle pour toutes et pour tous ; la constitution de biens communs à soustraire à la logique du marché par la valorisation publique de l’environnement, du territoire et de la culture ; la constitution d’une nouvelle intervention publique dans l’économie, de la programmation à l’organisation de facteurs pour l’innovation du modèle économique et social.

13) On ne peut pas ramener le programme de l’alternative de société à un programme de gouvernement, même au plus avancé. Il doit être pensé comme un programme de phase, il doit s’appuyer sur un discours à propos du capitalisme italien à l’intérieur de celui européen : le discours sur un déclin et sur une classe dirigeante démissionnaire face au projet du futur qui fait appel aux différentes leçons du néolibéralisme comme flottements sur les crises et extrême adaptation à ces dernières. Le programme de phase est la mise au point des visions de l’autre Europe et, là dedans, de l’autre Italie, une vision de comment nous la préfigurons d’ici 10-15 ans à l’intérieur de cet autre monde possible que le mouvement de changement a entrevu. Le programme de ce sens général de construction d’alternative de société ne réside pas que (et pourtant nous savons combien déjà cela est difficile) dans les fixations de discriminantes programmatiques pour une alternative de gouvernement à la droite, il demande l’élaboration d’un projet politique et la construction d’un processus pour la transformation où le rapport avec le développement des mouvements est le levier principal quoique non suffisant.

Voilà la recherche que nous avons entreprise. Ce que nous proposons dès maintenant est l’horizon de ce chemin.

Son point de démarrage peut être l’horizon du programme de phase des forces du changement pour l’Europe entière et pour chacun de ses Pays, qui doit assumer, dans cette phase du développement capitaliste, une ambition haute, celle de l’égalité. Il doit se concrétiser dans une rupture immédiate et une inversion par rapport à la tendance, caractéristique de ce nouveau cycle capitaliste, à l’augmentation des inégalités pour configurer une étape importante de rapprochement à l’égalité entre les personnes et de changement de fond du rapport entre les classes. Deux objectifs stratégiques doivent concrétiser cette perspective : la conquête du plein emploi et la conquête d’une citoyenneté universelle pour toutes et pour tous, aussi bien natifs que migrants. Cette citoyenneté doit s’appuyer sur la mise en œuvre d’un complexe de droits sociaux, civils et culturels exigibles et d’ accès garantis, tout aussi exigibles, pour chacun aux biens communs : un nouvel état social supranational. Dans ce complexe de droits et à l’intérieur d’une tendance à la mondialisation des conflits de classe, le travail salarié dans toutes les formes, aussi bien historiques qu’inédites, où il se présente aujourd’hui, devrait gagner un nouveau statut de démocratie, de pouvoir et de liberté. Les travailleuses et les travailleurs devraient pouvoir franchir, contre la tendance des dernières deux décennies, une nouvelle étape dans le processus de libération, par la valorisation de leurs composantes cognitives et créatives, directes et indirectes contenues aujourd’hui dans le travail et la généralisation, quoique par différents degrés, des composantes directes. Il faut poursuivre la conquête d’éléments d’autogouvernement sur les prestations de travail et sur le rapport entre temps libre et temps de vie. Il faut conquérir, contre la flexibilité, des éléments de « rigidité » pour la satisfaction de ses besoins individuels et collectifs dont faire surgir de nouvelles formes de contrôle social et de démocratie directe et participée. Cette recherche sur le terrain des luttes comme celle du sujet de la transformation, le nouveau mouvement ouvrier, sont les accoucheurs possibles de la gauche d’alternative en Italie et en Europe.

14) La gauche d’alternative se construit par le faire et sur le faire, hors de toute tentation de chercher la solution en un assemblage quelconque des classes politiques des partis qui sont à la gauche du listone (courant de gauche des DS, NdT). Tout autre est le cadre des subjectivités dont il faut bouger et tout autre doit être l’ambition politique. .Nous proposons la naissance de lieux où faire grandir les expériences communes de travail politique ininterrompu : des comités, des cercles, des associations, des organisations autogérées dans toutes les réalités diffuses dans le Pays et dans les lieux du conflit et de l’expérimentation sociale. Nous proposons l’auto convocation d’une assise nationale où toutes ces expériences se confronteraient. Une assemblée appelant tous ceux qui se reconnaissent dans cette exigence et qui ont expérimenté des parcours de mouvement qui sont devenus progressivement communs : des partis, des composantes de partis, des syndicats, des expressions de mouvement, de gouvernement local participé, des associations, des comités, des particuliers pour se relier entre eux dans une reconnaissance réciproque et paritaire, dans la définition d’un parcours partagé d’action unitaire et pour la définition d’un projet politique commun. Nous proposons la convocation ouverte et partagée de l’assemblée constituante de la gauche alternative. Les temps sont mûrs mais non infinis. Il faut organiser les disponibilités et les volontés dans un choix de la part de tous les intéressés. Nous somme prêts à les accomplir.

15) Refondation Communiste est un interlocuteur fondamental de ce projet et en est parmi les protagonistes. Cela n’est pas seulement rendu possible par sa force militante et électorale, par sa présence articulée et capillaire dans la société. En premier lieu, cela est dû à son être à l’intérieur des conflits et à sa capacité de saisir la grande nouveauté des mouvements de ce siècle et au rapport développé avec eux en sachant innover sa culture et sa proposition politique. Dans des années difficiles, quand toute hypothèse de transformation semblait supprimée, Refondation Communiste a tenu ouverte une recherche et une action politique et culturelle. Par la construction de la gauche d’alternative on peut aller outre et rouvrir la politique à un processus général de transformation sociale, où elle puisse redevenir protagoniste. L’existence de Refondation Communiste et son autonomie politique et culturelle, qui restent pour aujourd’hui et pour demain, ne sont pas en jeu. Ce qui est en jeu est, au contraire, la possibilité de faire tous ensemble un bond, un vrai saut de qualité, comme nous avons commencé à le faire en Europe avec la fondation du Parti de la Gauche Européenne. C’est pourquoi une réforme vraie et profonde du parti dans le sens de l’ouverture et de l’expérimentation de formes d’agrégation et de relation nouvelles est un thème fondamental du parcours de la refondation. Nous sommes nombreux à pouvoir partager ce défi.

Traduit de l’italien par Karl & Rosa de Bellaciao

Rifondazione Paris

http://bellaciao.org/it/article.php3?id_article=6712

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  • J’ai pas lu en détails, mais en tous cas, ça a de la gueule ! Inutile d’attendre l’équivalent de notre PCF avant longtemps (encore que pour copier des mots et s’en mettre plein la bouche pour le cuire en langue morte, ils peuvent être assez bons...). Quant aux initiatives de la "Convergence citoyennes alternatives de gauche", le jour où ses initiateurs seront capables de dire clairement ce qu’ils veulent, au lieu de tirer les ficelles à l’ancienne, on pourra peut-être discuter...

    Patlotch@free.fr

    CARREFOUR DES ÉMANCIPATIONS (autopraxis et stratégies révolutionnantes)

    • oui a l’ancienne non , on est aux temps de la mondialisation et du capitalisme feroce alors pourquoi NE pas revoir notre COPIE et de faire un projet de societe MODERNE et l’appeler DEMOCOMMUNISME OU DEMOSOCIALISME ET EVITER LES DICTATURES N’IMPORTENT QU’ELLES SOIENT (remarque le communisme a etais combattu pendant la guerre froide entre AMERICAIN ET COMMUNISTES PAR UN PION DESTRUCTReur UTILISAIS PAR LES AMERICAINS ET CERTAINS PAYS EUROPEENS C’ETAIT ( LES MUSULMANTS SURTOUT LES PAYS DU PETROLE contre les ATHES ) et apres AVOIR VAINCU LE COMMUNISME c’est au tour de ces derniers .