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Message du 10 décembre (Par Taïeb Moalla)

Publie le samedi 11 décembre 2004 par Open-Publishing

Ce message de Taïeb Moalla a été lu par Sihem Bensedrine, le 10 décembre 2004 à Tunis lors de la réunion pour le droit à l’association organisée par la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH) et pas le Conseil National pour les Libertés en Tunisie (CNLT)

« Les hommes passent, les idées généreuses restent »
Léo Ferré

Québec, le 9 décembre 2004

Dans un livre intitulé « Chroniques de la guerre civile » - paru début 2004 et édité à La Fabrique - l’écrivain français Eric Hazan dit ceci :

Je ne me sens pas solidaire des journalistes qui font la grève de la faim au Maroc, ni des gamins Karennis qui s’entraînent à la mitrailleuse dans le nord de la Birmanie, ni des inconnus qui attaquent les convois américains en Irak, ni des universitaires américains qu’on chasse de leur poste, ni de la maman palestinienne qui attend avec son bébé malade que le soldat du checkpoint décide si elle peut passer. Je ne me sens pas solidaire d’eux, je me vois dans le même camp (...) On ne saurait être solidaire de soi-même. (page 119-120)

C’est suivant cette même logique que je vous annonce que les militants tunisiens au Canada et au Québec ne peuvent aucunement être solidaires du combat des démocrates tunisiens car « on ne saurait être solidaire de soi-même ». Depuis le début, nous avons choisi notre camp : celui de la démocratie, des droits de l’Homme (avec un grand « H » s’il vous plaît) et de la liberté. C’est ce camp-là qui est représenté dans votre honorable assemblée en ce 10 décembre, date anniversaire de la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

Rappelons à cet égard que ce sont les pays colonisés et sous-développés qui ont imposé, à l’époque, l’adoption de ladite déclaration. Les puissances issues de la seconde guerre mondiale palabraient surtout sur le danger que représentait le droit des peuples à l’autodétermination pour leurs intérêts coloniaux.

Aujourd’hui, militer pour les droits humains est aussi une forme d’hommage à la lutte de nos aïeux panaméens, chiliens, indiens et libanais qui comprirent rapidement le rôle qu’allait pouvoir jouer cette Déclaration. Il s’agit probablement de la plus belle arme que l’esprit humain ait pu inventer puisqu’elle a aidé à la décolonisation et qu’elle constitue, encore aujourd’hui, la référence de différents mouvements à travers le monde qui y voient, à juste titre, l’expression du minimum démocratique au-dessous duquel on ne devrait jamais accepter de descendre.

Pour revenir à l’actualité tunisienne, et au-delà des dissensions et des rivalités du mouvement démocratique - rivalités tout à fait naturelles au demeurant ­ nous savons que vous représentez la conscience d’un peuple privé de sa liberté depuis de trop longues décennies.

Sachez que la société civile québécoise et canadienne est de plus en plus sensible à la question du respect des droits humains en Tunisie et dans les autres pays du Maghreb. C’est cette société civile qui aidera les démocrates du Maghreb à construire et à consolider de vraies démocraties dans nos pays.

Votre tâche est d’imposer cette démocratie par toutes les formes pacifiques possibles. La nôtre est de vous soutenir dans cette oeuvre.

À très bientôt.

Taïeb Moalla Journaliste et militant tunisien,
résidant au Québec

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