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Alertes nucléaires au Japon

Publie le mardi 15 mars 2011 par Open-Publishing
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La CRIIRAD dénonce la sous-évaluation de la gravité des accidents survenus sur
la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi et le manque crucial
d’information tant sur les quantités de radioactivité rejetées
depuis vendredi que sur les niveaux de contamination de l’air.
Faute de ces données, il est impossible de se prononcer sur les
niveaux de risques radiologiques. Les rares chiffres disponibles
empêchent en tout cas de qualifier les rejets de « mineurs » (niveau
4 dans l’échelle INES) ou de « faibles » (déclaration télévisée
de Mme Kosciusko-Morizet dimanche matin).

 
Un classement prématuré


Samedi 12 mars, les autorités japonaises ont classé au niveau 4 de
l’échelle INES l’accident survenu sur le réacteur n°1 de la centrale
de Fukushima Daiichi alors que l’accident était encore – est toujours
– en devenir et que plusieurs autres réacteurs étaient en situation
d’urgence radiologique. Les opérateurs de la centrale sont toujours
en train de s’exposer à des niveaux d’irradiation très élevés pour
éviter que la défaillance des systèmes de refroidissement des réacteurs
n°1, 2 et 3 ne se transforme en catastrophe nucléaire. Des mesures
extrêmes ont été prises pour refroidir à tout prix les réacteurs
(notamment l’injection d’eau de mer en dépit des risques associés).

Le classement au niveau 4 a été enregistré sans correctif par
l’AIEA. A notre connaissance, à ce jour, aucune autorité
de sûreté nucléaire
ne l’a remis en question.

Rappelons que l’échelle dite INES (International Nuclear and radiological
Event Scale) classe les accidents nucléaires en fonction de leurs
conséquences dans le site et à l’extérieur du site. Concernant
les conséquences à l’intérieur du site, le niveau 4 correspond
à un « endommagement important » du cœur ou des barrières radiologiques ;
dès lors que l’endommagement est « grave », le classement passe aux
niveaux 5, 6 ou 7 en fonction de l’importance des rejets de radioactivité
à l’extérieur de l’installation, importance qui conditionne évidemment
le niveau de risque d’exposition de la population :

  • Le niveau 4 correspond à un rejet mineur de radioactivité
    dans l’environnement ;
  • Le niveau 5 à un rejet limité susceptible d’entraîner l’application
    partielle de contre-mesures prévues ;
  • Le niveau 6 à un rejet important susceptible d’exiger l’application
    intégrale des contre-mesures prévues ;
  • Le niveau 7 à un rejet majeur avec effet considérable sur la santé et l’environnement :

    A l’appui du classement au niveau 4 de l’échelle INES (endommagement important, mais pas grave, du cœur des réacteurs et rejets mineurs de radioactivité), ni les autorités japonaises, ni l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) n’ont publié de chiffres : ni sur l’ordre de grandeur des rejets, ni sur leur composition isotopique (nature et proportion des radionucléides présents qui déterminent la radiotoxicité des émissions radioactives) ni sur les niveaux de contamination de l’air à différentes distances de l’installation.

Tout aussi surprenantes sont les déclarations télévisées de la
ministre de l’Ecologie qui a qualifié dimanche matin les
rejets radioactifs
de « faibles », alors même qu’elle reconnaissait ne disposer d’aucun
chiffre. Cette qualification se fondait-elle sur l’évaluation des
spécialistes de l’IRSN, de l’ASN et d’AREVA qu’elle avait réunis
auparavant pour faire le point sur l’accident ? Il serait intéressant
de savoir si la minimisation est imputable aux experts officiels
(comme en 1986) ou à l’échelon politique.

Selon la CRIIRAD les rejets ne sont ni « mineurs », ni « faibles »

Sur la base des trop rares mesures disponibles, la CRIIRAD réfute
formellement ce classement.

Samedi 12 mars, les débits de dose auraient en effet atteint
1,5 mSv/h (milllisievert par heure) aux abords immédiats de
la centrale,
avant de décroître après les opérations de décompression du
réacteur, c’est-à-dire après le rejet de radioactivité dans
l’atmosphère.
Précisons qu’une valeur de 1,5 mSv par HEURE est de l’ordre
de 10 000 fois
supérieure au niveau ambiant normal
et que la limite de dose
réglementaire maximum admissible pour la population est de
1 mSv par AN (de 20
mSv/an pour les travailleurs). Ces niveaux d’irradiation indiquent
que les rejets n’ont rien de « faibles » ou de « mineurs ».
Une valeur de 100 µSv/h aurait été relevée dimanche par des
journalistes
à 2
km de l’installation. Si ce chiffre est avéré, il traduit la
persistance et l’importance des rejets dans l’environnement.

Un terrible manque de transparence


Si les autorités affirment que les rejets sont mineurs ou faibles,
elles doivent le justifier sur la base d’éléments chiffrés,

objectifs et vérifiables.


La CRIIRAD demande que soient publiées les évaluations de la
quantité totale de radioactivité rejetée par chacun
des réacteurs accidentés
ainsi que la composition isotopique des rejets. La
CRIIRAD demande également la publication des niveaux de contamination
de l’air :
cartographie des activités volumiques (Bq/m3) pour
les radionucléides
clefs en fonction de la distance et du temps. Il importe
de déterminer l’intensité et les déplacements des masses
d’airs
contaminées.
Les informations disponibles suggèrent en effet que
les rejets radioactifs
de la centrale de Fukishima Daiichi ont atteint hier
la centrale d’Onagawa située à 110-120 km au nord.

Evolutions météorologiques préoccupantes


Il importe de souligner que plusieurs services météorologiques
ont annoncé dimanche que les conditions météorologiques
- qui étaient plutôt favorables vendredi et samedi
(vents d’ouest/sud-ouest)
– allaient
s’inverser,
avec des vents qui devraient désormais souffler
vers l’intérieur des terres. Des pluies seraient également
annoncées ce qui
conduit, en cas de contamination de l’air, à
intensifier les dépôts au
sol. Dans un communiqué du 13 mars, l’AIEA annonce
au contraire que
les vents souffleront vers le nord-est, éloignant
les
rejets radioactifs des côtes japonaises. « In
partnership with the
World Meteorological
Organization, the IAEA is providing its member
states with weather forecasts for the affected areas in
Japan. The latest
predictions
have indicated winds moving to the Northeast,
away from Japanese coast over the next three
days.”
L’AIEA
n’a pas modifié cette
information dans ses communiqués les plus récents.
S’agit-il d’une version
modifiée
de l’anticyclone censé protéger la France en
1986 ?

Ces incertitudes doivent absolument être levées.
Pour assurer au mieux la protection de la population,
ou
plutôt pour limiter
au
maximum son exposition, il est essentiel de disposer
d’informations fiables
et en temps réel sur les activités rejetées,
sur la vitesse et la direction des vents, sur l’évolution
de l’activité de
l’air
et des
dépôts au sol.

Si les informations sur les ordres de grandeur
des activités, des concentrations et des doses
ne sont
pas publiées pendant
la phase
de crise, il y a fort à craindre qu’il sera très
difficile d’établir après coup la réalité des
niveaux d’exposition.
 

CRIIRAD Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité

http://www.criirad.org/actualites/dossier2011/japon/communique1403_japon.html

Messages

  • bravo !!!
    je suis sidérée par l’importance de ce qui se passe et la difficulté à s’informer. On a l’impression de se battre contre un mur et en même temps d’être tous unis dans une tragédie.
    Je ne peux que taper criirad pour essayer de savoir ce qui se passe !