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Libye : l’ombre du scénario kosovar

Publie le vendredi 1er avril 2011 par Open-Publishing
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Je ne conteste pas que le bombardement des positions libyennes qui tenaient Benghazi en étau ait prévenu un bain de sang. Si le but de cette opération de force était celui-ci, il est atteint. Mais il s’agit bien sûr de tout autre chose, comme ont tenu à le souligner les trois chefs d’Etat qui sont à la manœuvre : faire chuter le tyran en pariant sur la débandade de son entourage et d’une partie de ses forces armées sous les coups des missiles de la coalition et sous la pression des insurgés. C’est ce modèle Kosovo que l’on voit se dessiner jour après jour et dont la logique était d’emblée prévisible, dès lors que l’on passait de l’objectif de briser le siège de Benghazi pour empêcher l’assaut imminent à celui de protéger les populations civiles.

Pourquoi pas, dira-t-on, puisque c’est bien une campagne de bombardements aériens – que certains ont alors qualifiés d’« humanitaires » – qui a prévenu au Kosovo un carnage annoncé ? Comparer les deux situations en dehors de la technique militaire montre en quoi elles s’opposent : d’une part, l’Otan puis l’ONU ont pu placer sous tutelle un territoire européen grand comme deux départements français, ce dont il ne saurait être question en Libye. D’autre part, il y avait au sol les combattants entraînés de l’UCK, organisation disposant de bases en Albanie et prête à prendre le pouvoir. Tout cela s’est fait, je le rappelle, au prix de la fabrication d’un prétendu complot de génocide (le « plan Fer à cheval »), de l’expulsion des Serbes et de la caution de l’Europe et de l’Otan accordée à un pouvoir aux méthodes mafieuses. Cette victoire militaire, acquise après des dizaines de milliers de sorties aériennes et nombre de « bavures », est-elle le modèle de cette guerre dont l’Otan prend à nouveau les commandes ? J’en suis convaincu, parce que cela fut suggéré très tôt avec insistance, et c’est pour cette raison que j’y vois la promesse d’un bourbier sanglant.

Dire, comme certains, qu’« il n’y aura pas de Srebrenica » en Libye me paraît dès lors hasardeux et je vous rappelle que c’est d’abord parce que nous avons fait croire aux musulmans réfugiés à Srebrenica qu’ils étaient sous « protection internationale » qu’ils se sont regroupés dans cette nasse. Je pense que nous nous engageons dans un engrenage qui conduit à d’autres Srebrenica, sans parler des « bombes de trop », inéluctables, bref d’une réaction en chaîne incontrôlable…

On m’objectera enfin que la zone d’exclusion aérienne établie sur le Kurdistan d’Irak a permis d’en faire la « région la plus sûre, la plus démocratique et la plus prospère d’Irak ». Sans doute, bien que l’on y ait entendu des bruits de révolte et de bottes ces derniers temps. Quoi qu’il en soit, nous n’en avons ni le temps ni les moyens.

Je comprends la position médiane de certains, entre justiciers planétaires et non-interventionnistes de principe, mais pas moins soucieux que d’autres du sort des Libyens, et je tente de me situer sur un plan concret, c’est-à-dire humain et politique, celui des conséquences inéluctables et inassumables de cette guerre.

* Médecin, ancien président de Médecins sans frontières.

http://www.marianne2.fr/Libye-l-ombre-du-scenario-kosovar_a204486.html

Messages

  • bravo cher compagnon, ton intervention chez Mermet (cet après-midi à LBSJ’S) à la mérite d’être limpide (en particulier lorsque tu replaces dans un contexte politico-historique, – cette page héroïque de la lutte anarchiste qui ne tolère pas la dépravation – le combat de nos compagnons de la CNT-FAI. Comme tu le soulignes, il s’agit d’un engagement individuel volontaire, à l’inverse de l’OTAN et des néocons-servateurs, cette clique infecte d’Obama-Cameron-sarkozy) le délire grandiloquent de BHL et la "guerre" d’Espagne – c’est à n’y pas croire, tellement ce guignol est tartignolle ! gloup, gloup, gloup ! entartons presto ce croupion ! – et ces minables interventions qualifiées d’humanitaires )
    J’espère qu’en haut lieu (si l’on peut dire) tu seras enfin entendu et pourquoi pas écouté (mais je n’y crois pas beaucoup)
    salutations libertaires