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Mon absence du Comité central

Publie le mercredi 20 avril 2011 par Open-Publishing

JE connaissais le Rapport du compañero Raul au Sixième Congrès du Parti.

Il me l’avait montré plusieurs jours avant de sa propre initiative, comme il l’a fait pour de nombreuses autres questions sans que je le lui demande, puisque, comme je l’ai déjà expliqué, j’avais délégué toutes mes responsabilités au Parti et dans l’État dans ma Communication au peuple cubain du 31 juillet 2006.

C’était là un devoir que je n’avais pas hésité un instant à accomplir.

Je savais que j’étais gravement malade, mais j’étais tranquille : la Révolution irait de l’avant ; ce n’était pas son moment le plus difficile après la disparition de l’URSS et du camp socialiste ; Bush était sur le trône depuis 2001 et il avait nommé un gouvernement pour Cuba, mais, une fois de plus, mercenaires et bourgeois firent en vain leurs valises et leurs malles dans leur exil doré.

En plus de Cuba, les Yankees se retrouvaient avec une autre révolution au Venezuela. La coopération étroite entre les pays passera aussi à l’histoire de l’Amérique comme un exemple de l’énorme potentiel révolutionnaire des peuples ayant une même origine et une même histoire.

Parmi les nombreux points abordés dans le projet de Rapport au Sixième Congrès du parti, l’un de ceux qui m’a le plus intéressé concerne le pouvoir : « …nous sommes arrivés à la conclusion qu’il est recommandable de limiter à deux mandats consécutifs de cinq ans au maximum les responsabilités politiques et étatiques fondamentales. C’est possible et nécessaire dans les circonstances actuelles, bien différentes de celles des premières décennies d’une Révolution pas encore consolidée et constamment en butte, par ailleurs, à des menaces et à des agressions. »

L’idée m’a plu. C’était un point sur lequel j’avais beaucoup réfléchi. Accoutumé dès les premières années de la Révolution à lire tous les jours les dépêches des agences de presse, je n’ignorais rien du cours des événements dans le monde, des succès et des erreurs des partis et des hommes. Ces cinquante dernières années, les exemples abondent.

Je ne les citerai pas, pour ne pas m’étendre ni froisser des susceptibilités. Je suis convaincu que les destinées du monde auraient pu être alors très différentes sans les erreurs commises par des leaders révolutionnaires qui brillèrent pourtant par leur talent et leurs mérites. Je ne me fais pas non plus d’illusions que la tâche sera plus facile à l’avenir, bien au contraire.

Je dis simplement ce que je juge un devoir élémentaire des révolutionnaires cubains. Plus un pays est petit, plus les circonstances sont difficiles, et plus il est indispensable d’éviter des erreurs.

Je dois avouer que je ne me suis jamais vraiment inquiété du temps où j’exercerais les fonctions de président des Conseils d’État et des ministres et de premier Secrétaire du Parti. J’étais aussi commandant en chef à partir du débarquement de la petite troupe qui a tant grandi ensuite. Dès la Sierra Maestra, j’avais renoncé à exercer la présidence provisoire du pays après la victoire – que j’avais entraperçue dès 1957 – de nos forces encore modestes à cette date ; si je l’ai fait, c’est parce que les ambitions relatives à ce poste entravaient la lutte.

C’est presque contraint et forcé que je dus accepter le poste de Premier ministre dans les premiers mois de 1959.

Raul savait que je n’accepterai aucun poste au Parti dans mon état actuel, même s’il continuait de me désigner comme premier secrétaire et commandant en chef, des fonctions que, on le sait, j’avais déléguées dans ma Proclamation quand je suis tombé gravement malade. Je n’ai jamais plus tenté de les exercer, ce que je n’aurais jamais pu faire, d’ailleurs, d’un point de vue physique, même si j’ai considérablement récupéré ma capacité d’analyser et d’écrire.

Raul n’a jamais manqué, toutefois, de me faire part des idées qu’il envisageait.

Un autre problème se posait : la Commission organisatrice discutait du total de membres du Comité central à proposer au Congrès, et, d’une manière tout à fait sensée, appuyait l’idée soutenue par Raul qu’il fallait y accroître la présence des femmes et des descendants d’esclaves arrachés à l’Afrique, les deux secteurs les plus pauvres et les plus exploités par le capitalisme dans notre pays.

Par ailleurs, certains compagnons ne pourraient plus prêter beaucoup de services au Parti du fait de leur âge ou de leur état de santé, mais Raul pensait qu’il serait très dur pour eux de les exclure de la liste des candidats. Je n’ai pas hésité à lui suggérer de ne pas retirer un tel honneur à ces compagnons, et j’ai ajouté que le plus important était que je n’apparaisse pas, moi, sur cette liste.

Je pense avoir reçu trop d’honneurs. Je n’ai jamais pensé vivre si longtemps, et l’ennemi a fait l’impossible dans ce sens : il a tenté de m’éliminer un nombre de fois incalculable, et j’ai bien souvent « collaboré » avec lui.

Le Congrès a avancé à un rythme tel que je n’ai pas eu le temps de transmettre un seul mot sur cette question avant de recevoir les bulletins.

Vers midi, Raul m’a envoyé un bulletin à travers son adjoint, et j’ai pu exercer ainsi mon droit de vote comme délégué au Congrès, car les militants du Parti à Santiago de Cuba m’avaient concédé cet honneur à mon insu. Je ne l’ai pas fait d’une manière machinale. J’ai lu les biographies des nouveaux membres proposés. D’excellentes personnes, dont j’ai connu plusieurs au cours de la présentation d’un livre sur notre guerre révolutionnaire dans le Grand Amphi de l’université de La Havane, dans mes contacts avec les Comités de défense de la Révolution, dans mes réunions avec des scientifiques, des intellectuels, et dans bien d’autres activités. J’ai voté et j’ai même demandé qu’on prenne des photos du moment où j’exerçais ce droit.

Je me suis aussi rappelé que j’avais encore du pain sur la planche en ce qui concerne l’histoire de la bataille de Playa Giron. J’y travaille, et je me suis engagé à la conclure au plus vite. J’ai aussi l’idée d’écrire au sujet d’un autre événement important qui s’ensuivit.

Tout ceci, avant que le monde ne périsse !

Qu’en pensez-vous ?