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Dmitri G.

Publie le dimanche 5 juin 2011 par Open-Publishing

La vague de dénonciation actuelle ne concerne que des coupables accusés de deviance.
La violence d’un viol ne semble pas suffisante pout causer l’indignation.
Il faut le petit plus, le petit détail crado pour exciter l’imaginaire.
En fait on ne cherche pas un coupable pour faire justice, mais seulement le seuil de jubilation maximale.
Trouver un monstre qui cache toutes les petites misères quotidiennes.
Quand on en tient un, il n’y échappe pas, sauf si c’est un monstre puissant en activité officielle.

Du coup, plein de petits gommeux comme Luc Ferry, detective du dimanche, cherchent un coupable.
Pour que leurs insignifiancse soit effacées par le constraste entre leur respectabilité relative et le vice qu’ils exhibent.
Mais peu de remise en cause de la racine de la violence ; le pouvoir et la possibilité de transgression qu’il permet.

Je vais vous parler d’une personne que personne ne recherche.
J’ai fait une recherche Google dans l’espoir de trouver une trace, mais j’ai été stupéfait de découvrir que Dmtri G. existait encore.
Il existe mais il vit au canada.
Le mien est mort d’un cancer foudroyant il y a quelques années.

Il n’était pas un proche mais juste une personne que j’ai vu tous les jours au travail entre 1996 et 1998.
Il était un informaticien Russe, qui avait obtenu un visa lui et sa femme grâce à son embauche en CDI.

Quand il est mort, j’ai tout de suite pensé à Tchernobyl, ce qui est absurde car c’est en Ukraine.
Mais je ne me rappelle plus exactement s’il était russe ou ukrainien.

Il y avait d’ailleurs deux autres russes qui travaillaient ici, dont un qui programmait plus vite que son ombre.
1989 était passé par là, et les cerveaux russes n’avait plus de places dans l’ex URSS.
Rapidement, j’ai constaté que l’immigré russe informaticien était carrément plus balaise que moi en langage C.
A part de confondre les S et les C, ils parlent un français parfait, alors que moi je ne connais que Niet et Vodka.
Dmitri G. trouvait qu’il y avait plein de noirs dans le 1er arrondissement.
J’ai jamais pu lui expliqué que les africains de l’ouest equitoriale n’ont jamais demandé à aller en première ligne en 1917.

Je n’avait pas de sympathie pour lui, mais il avait exactement mon âge et il est mort avant 35 ans.
Je n’arrive toujours pas à croire qu’il existe un cancer foudroyant naturel.
Ou alors ça veut dire que à priori je suis déjà mort car je fume en buvant pas loin d’une centrale nucléaire.
Heureusement je mange du concombre que deux fois par semaine.
Comme il était plus compétent que moi, il devait me remplacer et me transformer en chomeur.
C’est une deuxième raison pour laquelle je ne le trouvais pas très sympathique.
Après son enterrement, soudain je suis redevenu compétent pour mes supérieurs mais je n’avais plus beaucoup d’envie de continuer.
J’ai continué quand même, mais le fantome dmitri G. semble parfois derrière moi.
Excusez moi de raconter cela, mais c’est juste durant cette période que j’ai commencé à publier sur Bellaciao.

Je n’ai jamais reussi à savoir ce que Dmitri G. pensait du communisme.
Il me disait souvent qu’il y avait du travail pour des gens comme moi à Moscou, mais je ne sais pas si c’était de l’humour russe.

Sans l’apport de cette main d’oeuvre hautement qualifiée, la société ne serait pas restée à flot.
Je me demande maintenant s’il aurait du présenter ses papiers à la prefecture pour ne pas rentrer en russie.
Je pense qu’il aurait du affronter un onctueux fonctionnaire vicelard qui prononce gousseve ou lieu de guiousseffe.

On cherche des vivants coupables alors que la plupart des morts innocents sont perdus dans nos mémoires.

En 1986, la question était de savoir si le nuage russe allait débarquer jusque dans nos bras.
On n’imaginait pas qu’une centrale non sovietique puisse être un danger potentiel en dehors d’une fuite quelconque.
A part bien sûr les vendeurs de bougie, mais qui cela fait rire maintenant ?
Maintenant avec le recul je m’imagine ce qu’on dû vivre ceux qui devaient rester prêt de pripiat.
Comment on s’imagine en futur fantome ?

Il y a un exode organisé actuellement au japon.
On connait par coeur le mot Tchernobyl, pas encore celui de son homologue japonais.
Quel sera le nom de la petite française ?
Comment un japonais abandonne sa maison sans espoir de retour ?
Que deviendra le no-man-land ?

Je me demande comment on ferait à plusieurs dizaines de milliers sur les autoroutes à fuir vers une zone non irradiée.
Est-ce que des maisons seraient ouvertes pour nous ravitailler ?

Est-ce qu’une frontière sera établie pour nous empêcher de rejoindre les territoires non touchés ?

J’espère bien que si un réacteur disfonctionne quelque part dans le languedoc, nous auront le temps de signaler que nous étions innocents.
Que les actuels supporters d’AREVA devront supporter notre image silencieuse pour longtemps.
Pour que tous les dmitri G. ne soit pas mort pour rien.