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Les SDF privés de pont

Publie le lundi 24 janvier 2005 par Open-Publishing

Haute-Garonne,

correspondance particulière.

Ils manifestent pour avoir le droit de coucher sous les ponts. À Toulouse, un collectif SDF s’est créé en début de semaine dernière. Pour passer la nuit, de nombreux sans-abri n’avaient souvent pas d’autre possibilité que de trouver refuge dans des renfoncements des piliers, sous le pont de la Garonnette. Mais la mairie ne l’entend pas ainsi. Elle a décidé de sceller un large plot métallique dans chacun des seize renfoncements, rendant impossible la position allongée. Selon le Capitole, il s’agit là d’une mesure de protection envers ces personnes qui, en s’installant en ces lieux, pourraient être victimes d’une brusque crue de la Garonne. « Les SDF se trouveraient pris au piège, coincés entre la montée des eaux et la fermeture automatique de la porte anticrues, explique l’adjoint au maire, Jean Diebold (UMP). Il est de la responsabilité d’un élu d’éviter les drames. »

« Les porches

ont été grillagés »

Tant de sollicitude n’a pas suscité la reconnaissance des intéressés. Ces ingrats interprètent tout autrement l’installation de ces plots métalliques : « Les SDF, c’est voyant, ce n’est pas bon pour le tourisme, il faut donc les éloigner vers la périphérie des villes », accuse Jean-Marc, qui, après avoir vécu dans la rue, est venu soutenir ses anciens compagnons d’infortune. Près de lui, Fabrice, Moustache et Franck. Tous trois ont passé des nuits sous ce pont de la Garonnette. Fabrice renchérit : « C’est allé très vite. En quelques mois, les porches, les entrées d’immeuble ont été grillagés et sont devenus inaccessibles. Tous les soirs, la mairie fait arroser les trottoirs de la rue Bayard pour qu’on ne puisse pas poser les sacs de couchage. » Jean-Marc : « Quand on rénove un quartier, on installe un mobilier urbain qui ne permet pas de s’allonger. »

Sous le pont de la Garonnette, les membres du collectif SDF s’efforcent d’être plus malins que la mairie et ont fabriqué des structures en bois au-dessus des plots métalliques, de dérisoires mezzanines sur lesquelles il redevient possible de s’allonger. Pourquoi ne vont-ils pas dormir dans les structures d’accueil ? « À Toulouse, les foyers refusent trente à soixante personnes par nuit, par manque de places », rétorque Moustache. « Cette année, enchaîne Jean-Marc, le dispositif est moins important que l’an dernier. Huit places pour hommes ont été supprimées. »

Imagination

débordante

Claudie Fontes, conseillère municipale communiste, et Nadine Stoll, secrétaire départementale PCF, sont venues sur place, ainsi que les Motivé-e-s, pour apporter leur soutien au Collectif SDF de la Garonnette. Ce collectif a vu le jour, ironie cruelle, au moment même où était baptisé en grande pompe l’Airbus A380. L’agglomération toulousaine, qui s’affirme capitale européenne de l’aéronautique et dynamique métropole high-tech, n’a pas, pour autant, mis fin à la misère. En revanche, tout est fait pour la rendre moins voyante. La mairie fait preuve d’une imagination débordante pour inventer les mesures coercitives qui refouleront les personnes sans abri du centre-ville historique. Toulouse paraît plus efficace pour soigner son image que ses plaies sociales.

Bruno Vincens

http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-01-24/2005-01-24-455320