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Jean-Luc Mélenchon, Jean-François Copé : le ratage de la manipulation du "off"

par Florian Courgenouil

Publie le jeudi 3 novembre 2011 par Florian Courgenouil - Open-Publishing

Par Florian Courgenouil, leplus.nouvelobs.com

LE PLUS. Off : adjectif invariable, qui désigne une situation qui, à l’origine, n’aurait pas été racontée et qui l’est finalement. Des propos censés rester confidentiels mais en fin de compte publiés. Quand les hommes politiques jouent avec le "off", le perte de contrôle n’est jamais loin.

Cette semaine, Jean-Luc Mélenchon et Jean-François Copé nous ont chacun offert un bel exemple de ratage dans la manipulation de propos "off".

Pour rappel, "off" c’est "off the record", une expression anglaise largement utilisée dans le journalisme politique pour caractériser des propos qui doivent rester hors micros. Ou pas. Car – et ça se complique déjà – il y a de la nuance dans le "off".

Off et pas off

Il y a le "off" vraiment "off" qui relève vraiment de la discussion confidentielle et que son auteur niera si elle venait à être publiée. Le "off" anonyme quant à lui consiste à publier des propos sans les attribuer à son auteur. Et enfin le "off" de circonstance pour lequel journalistes et politiques conviennent implicitement de la publication (je passe sur le faux "off", celui qui vise à faire de l’intox).

Avec Mélenchon et Copé, on se retrouve face à deux situations particulières de "off" dans lesquels l’un et l’autre ont en commun d’en avoir perdu le contrôle.

Jean-Luc Mélenchon discute avec Brice Hortefeux

Pour le premier, l’histoire est savoureuse. Elle se passe dans les couloirs du Parlement européen le mercredi 26 octobre quand deux journalistes des Inrocks croisent le président du front de gauche en train de discuter avec Brice Hortefeux. On aurait dû en rester là puisqu’il ne s’agit pas d’une information très intéressante : deux députés européens de la même nationalité – même de bords politiques opposés – qui se retrouvent pour échanger quelques mots... 

Oui mais voilà, à ce moment-là tout a dû aller très vite dans le cerveau de Jean-Luc Mélenchon qui s’est probablement dit que ses électeurs ne comprendraient plus rien si cela se savait : "Oh mon Dieu ! Jean-Luc Mélenchon qui parle avec l’ennemi ! Que se passe-t-il ?". Pas très flatteur pour l’électeur, toujours est-il que Mélenchon a foncé sur les deux journalistes pour les engueuler avec véhémence : "Mais racontez-le hein ! Jean-Luc Mélenchon et Brice Hortefeux qui discutent ensemble, ah ça vous plaît, hein, ça vous amuse !".

Il n’en fallait pas plus pour que les journalistes transforment ce "off" en narration de l’incident qui l’a créé. Un peu plus de sang-froid de la part du député de gauche et le "off" restait "off".

Jean-François Copé et l’interview non assumée

Deuxième mauvaise gestion du "off" cette semaine : Jean-François Copé. En tout cas, c’est ce que l’on peut supposer après la lecture d’une interview lunaire publiée mardi 1er novembre sur le nouvelobs.com (et dans le numéro du Nouvel Observateur du jeudi 3 novembre) et dans laquelle le secrétaire général de l’UMP s’en prend à cœur joie à François Fillon. Si vous ne l’avez pas lue, ça vaut le détour.

Problème : quelques heures après sa publication, Jean-François Copé lui-même a démenti avoir tenu ces propos, dénonce une interprétation "fallacieuse et même scandaleuse" et accuse la journaliste (Carole Barjon) d’avoir "reconstitué une fausse interview" à partir d’une conversation informelle de quelques minutes". Le Nouvel Obs lui a ensuite répondu pour soutenir sa journaliste.

Trois solutions. La première : la journaliste a brodé son interview, et on ne voit alors pas très bien l’intérêt de la chose. La deuxième : Copé s’est rendu compte de la portée de ses propos et a voulu corriger le tir, ce qui serait une erreur grossière pour quelqu’un d’aussi médiatiquement et politiquement aguerri que lui. La troisième (et de loin la plus crédible) : Jean-François Copé n’a pas précisé le caractère "off" de ses propos et a perdu le contrôle sur sa communication.

Le off n’existe pas

Le "off" est un exercice de style quotidien de la communication politique, un terrain glissant pour celui qui cherche à trop jouer avec. Chacun à leur manière, Jean-Luc Mélenchon et Jean-François Copé ont essuyé un joli ratage en la matière. Deux exemples supplémentaires qui ne font que souligner la bêtise du procédé. Si des propos ne doivent pas être publiés, alors qu’ils ne soient pas prononcés du tout.

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