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LOI DU MARCHE / LOI DE LA JUNGLE

Publie le samedi 29 janvier 2005 par Open-Publishing
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de Patrick MIGNARD

La loi du marché est souvent considérée comme une loi naturelle. C’est bien entendu au nom de ce principe que s’impose l’organisation sociale du système marchand. Qui pourrait, en effet, aller à l’encontre de la « nature » ? L’acceptation de cette « vérité » proclamée clos tout débat... et pourtant !

C’est la nature, si gravement malmenée par le système marchand qui est appelée à la rescousse pour justifier le système qui la détruit.

LE COMMODE PRETEXTE DE LA NATURE

Qu’est ce qu’un « loi naturelle » ? C’est une loi qui existe indépendamment des êtres vivants qu’elle régit, qu’elle organise, qu’elle détermine.

Ce que l’on appelle communément la « loi de la jungle » est effectivement une loi naturelle, celle qui lie le prédateur et sa victime : mangé ou être mangé. Cette loi joue indépendamment de la conscience des êtres qui y sont soumis et les détermine sans qu’à aucun moment ils puissent y déroger. La programmation de cette loi est dans leurs gènes qui déterminent leurs comportements.

Il y a tout de même une différence à souligner entre ces deux « lois » c’est que, si la loi de la jungle est une « loi naturelle », la loi du marché, elle, ne l’est pas, naturelle. Or la loi du marché fonctionne sur le même modèle que la loi de la jungle. Qu’est ce à dire ?

La loi du marché n’est pas une loi naturelle.

Ce qui permet de l’affirmer c’est le caractère conscient du fonctionnement de la société humaine. En effet, l’organisation sociale n’est ni unique dans ses formes, ni constante dans le temps. L’Histoire humaine, contrairement au fonctionnement des collectivités animales, nous montre des formes d’organisations sociales différentes, fondées sur des valeurs morales variables,... et surtout toutes ces organisations sont soumises à l’intelligence politique de la collectivité : chaque individu, individuellement ou en groupe (conscience collective), peut remettre en question la structure et « en penser » une autre. L’Histoire est justement le processus de transformation permanent des relations sociales. C’est ce qui explique que l’espèce humaine a une Histoire... contrairement aux autres espèces animales qui elles n’en ont pas.

Tout cela pour dire que le fonctionnement social humain n’est pas soumis à une quelconque loi, mais qu’au contraire, l’activité humaine « produit » une autre dimension, le social, le politique qui dépend, non plus de la simple mécanique de la nature et de ses lois, mais de l’intelligence, de la réflexion et de la conscience humaine. L’Homme est bien un animal politique, c’est pour cela qu’il est le seul être vivant a avoir une Histoire. En ce sens, on peut dire que la loi du marché n’est pas d’essence naturelle. Vouloir imposer une telle vision, revient à dénier à l’être humain, le droit et la faculté de penser et de changer son existence sociale... Ce qui, entre nous, est parfaitement contradictoire avec la notion de citoyenneté.

Or, a y regarder de prés, la loi du marché fonctionne comme la loi de la jungle. En effet :
 l’autre n’est qu’un moyen pour parvenir à ses fins : la force de travail n’est considérée que si elle est économiquement utile, le consommateur solvable est le seul pris en compte voir l’article « LE TOTALITARISME MARCHAND ».

 « manger ou être mangé » est à la base de toute entreprise les éventuelles alliances ne se faisant que dans le même esprit : on s’entend temporairement pour éliminer l’autre.

PEUT-ON HUMANISER LA LOI DU MARCHE ?

C’est le rêve de celles et ceux qui, sans toucher aux fondements de l’économie de marché, tout en en faisant le mode de fonctionnement des relations sociales, veulent en expurger les aspects les plus conflictuels et anti sociaux.

L’expérience historique montre que si, dans certains cas et certaines périodes, une autorité publique, un Etat, peut contrôler, réglementer, dans le sens de l’humanisation des rapports marchands, à terme, cette position est intenable. Il suffit pour s’en convaincre de prendre pour exemple toutes les expériences « socialistes », « social démocrates », « interventionnistes », « keynésiennes »,...

L’évolution du 20e siècle, dans le temps et l’espace (la mondialisation), du système marchand, aboutit systématiquement à la remise en question et à l’obsolescence de ces pratiques politiques. Tout ce que l’on nomme aujourd’hui les acquis sociaux voir l’article « ACQUIS SOCIAUX, RIEN N’EST JAMAIS ACQUIS » sont systématiquement et radicalement remis en question non pas simplement par la volonté politique, quoiqu’elle joue chez certains, mais par la logique même du fonctionnement du système marchand voir les dérives de la social démocratie qui, respectant les lois du marché, fini toujours par s’y soumettre.

La prétendue humanisation des lois du marché est donc un leurre qui a l’extraordinaire avantage, pour le système, de donner l’espoir sans pour cela toucher à l’essentiel de son fonctionnement. C’est également un extraordinaire instrument de démobilisation puisqu’il permet de dévier la colère en aiguillant la conscience sur de faux débats et de fausses solutions. L’Histoire du 20e siècle n’est que l’illustration de cette impasse, des chimères et des faux espoirs qu’elle a engendré.

DEPASSER LA LOI DU MARCHE

C’est aujourd’hui une nécessité historique, non seulement du fait de son « amoralité » fondée sur l’instrumentalisation de l’être humain à des fins qui lui sont étrangères et nuisibles, mais aussi également, par le fait que la logique marchande, dans sa forme mondialisée, fait courir un risque mortel à tout l’écosystème de la planète.

Mais comment dépasser cette loi ? Par la critique sociale.

Celle-ci repose sur deux piliers :
 la dénonciation de la mystification du rapport social marchand actuel et la démonstration de sa véritable essence,... ce qui est tout de même la phase la plus simple, quoique relativement compliquée vue la confiscation des grands moyens de communication de masse,

 la mise en place de relations sociales alternatives fondées sur des valeurs différentes que celles du rapport marchand. Relations qui permettent, à la fois, de rendre obsolètes aux yeux du plus grand nombre, le rapport marchand, mais permettront également d’assurer le relais vers une structure sociale nouvelle.

Ces deux piliers fondent ce que l’on appelle la praxis qui est la démarche consciente de l’être humain dans l’édification de sa vie sociale et sa transformation, son évolution vers des rapports sociaux. C’est la praxis qui fait l’Histoire.

La loi du marché n’est donc pas une fatalité comme l’on voudrait nous le faire croire. Pas plus que l’autre n’est un gibier et/ou un adversaire potentiel qui mettrait en péril notre existence. La véritable solidarité n’est pas possible dans le rapport marchand, elle se heurte à un principe de fonctionnement qui fait de l’homme un loup pour l’homme.

La société ne saurait être une jungle, il y va, pour le démontrer, de notre capacité à dépasser l’état dans lequel nous a mis le rapport marchand et de prouver ainsi qu’un autre monde est possible.

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