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Sarkozy champion contre la fraude sociale mais aveugle pour la fraude fiscale...

par Roberto Ferrario

Publie le mardi 22 novembre 2011 par Roberto Ferrario - Open-Publishing

Je reprends des informations dans l’article de Thibault Gajdos publié ici

Le président de la République dans son discours prononcé à Bordeaux le 15 novembre n’hésitant pas à dénoncé les fraudes aux prestations sociales, qui constitueraient une trahison intolérable de l’esprit de 1945.

Selon le rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale de 2010, la supposée "fraude sociale" est de 3 milliards d’euros par an, par contre celle de la fraude fiscale, selon un rapport publié en 2007 par le conseil des prélèvements obligatoires, est entre 20 et 25 milliards d’euros par an. Les fraudes sur la TVA représentent entre 7 et 12 milliards d’euros par an. Les fraudes concernant l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés s’élèvent chacune à environ 4,5 milliards d’euros par an. Quant aux fraudes sur les prélèvements sociaux, elles coûtent entre 8 et 14 milliards d’euros par an - dont plus de 80 % relèvent du travail au noir.

Au total la fraude fiscale est de 55,5 milliard d’euros par an contre les 3 milliards d’euros par an pour la fraude sociale...

Dans le projet de loi de finances rectificative, le déficit budgétaire pour 2011 s’établira à 95,3 milliards comme l’a déclaré la ministre du Budget, Valérie Pécresse, voir ici, donc le calcul est vite fait : la fraude fiscale couvre plus de la moitie du déficit budgétaire de la France...

Pourtant est-ce que on a oublié la "LISTE DE 3000" evadeurs fiscaux découvert en Suisse en août 2009 ? Eric Woerth, alors ministre du Budget fanfaronnait, donnait quatre mois aux contrevenants pour contacter la "cellule de régularisation" fiscale montée à Bercy : "Après le 31 décembre, il sera trop tard. Je le répète, nous passerons alors au contrôle fiscal qui s’appliquera dans toute sa rigueur : enquête détaillée et saisie de la justice au besoin."

Il faudra lire l’article suivant pour savoir comment se termine cette histoire...


Evasion fiscale : la "liste des 3000" retoquée par la justice... sans que presque aucun média ne le remarque !

de Dan Israel

L’information est passée sous le radar de la plupart des rédactions, y compris celle d’@rrêt sur images. C’est un @sinaute qui nous a sermonné dans un e-mail, à peu près en ces termes : "Hé ho, pourquoi avoir passé sous silence la misérable fin en eau de boudin de la glorieuse croisade lancée par Eric Woerth en août 2009 contre les 3000 évadés fiscaux suisses ?"

Bonne question, qui appelle une réponse simple : parce que nous n’étions pas au courant. Et pour cause. L’information, révélée le 16 mars par La Tribune, n’a été pratiquement reprise nulle part, à l’exception du Canard enchaîné, dont l’article n’a pas fait plus de bruit. Explications.

Eric Woerth et la "liste des 3000" - Le JDD - 29/08/2009

C’est une liste dont tout le monde a entendu parler. Le 29 août 2009, dans un entretien au Journal du dimanche, Eric Woerth, alors ministre du Budget, annonçait avoir "récupéré les noms de 3000 contribuables détenteurs de comptes dans les banques suisses dont une partie correspond très probablement à de l’évasion fiscale". "C’est la première fois que nous avons ce type d’informations, précises, avec les noms, les numéros de comptes et les montants en dépôt. C’est exceptionnel", fanfaronnait le ministre, qui donnait quatre mois aux contrevenants pour contacter la "cellule de régularisation" fiscale montée à Bercy : "Après le 31 décembre, il sera trop tard. Je le répète, nous passerons alors au contrôle fiscal qui s’appliquera dans toute sa rigueur : enquête détaillée et saisie de la justice au besoin."

Tous les "évadés fiscaux" n’ont pas écouté cet amical conseil, et certains ont effectivement eu affaire au fisc, qui a mené des perquisitions chez des contribuables nommés dans la liste. L’un d’entre eux n’a pas vraiment apprécié. Il a attaqué en justice la perquisition menée par l’administration fiscale, et a récemment gagné en appel. Motif ? Le fisc n’a pas le droit de se fonder sur des éléments obtenus frauduleusement pour mener ses investigations. Or, on le sait depuis de longs mois, la liste a été fournie à la France par Hervé Falciani, un ancien employé de HSBC, qui a dérobé les fichiers informatiques à la banque.

picto Il l’avait raconté à visage découvert au 20 heures de France 2 en décembre 2009.

Dans son arrêt daté du 8 février (disponible sur le site du Particulier), la cour d’appel estime qu’il "s’agit de données volées" et "que l’origine de ces pièces est donc illicite". C’est La Tribune qui a révélé l’info, dans son édition du 16 mars. L’administration s’est pourvue en cassation. "La perquisition fiscale avait été autorisée par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris le 15 juin 2010. C’est cette ordonnance qui vient d’être annulée. (...) "Le juge a considéré l’ordonnance irrégulière car elle procède d’un recel, elle est fondée sur l’exploitation de données illicites"", se félicitent dans le quotidien économique Delphine Ravon et Alain Marsaudon, les avocats du plaignant.

L’administration s’est pourvue en cassation, l’histoire n’est donc pas finie. Mais elle constitue néanmoins un savoureux rebondissement dans cette affaire lancée en grande pompe par Woerth, qui a déjà créé de fortes tensions entre la France et la Suisse. Et pourtant, le silence autour de ce scoop a été quasiment total.

Le Figaro du 17 mars (ainsi que son site, dans une version différente) lui a consacré un petit encadré, mais qui souligne que "cette décision sur la perquisition n’annule en rien le contrôle fiscal en cours". Le Canard enchaîné du 23 mars est sans doute le média généraliste qui en a le plus parlé, dans un article de bas de page 3 le 23 mars… qui n’a eu aucun retentissement. Les sites de L’Expansion et de L’Express (qui partagent leur rédaction en ligne) s’en sont fait l’écho, ainsi que Georges Moréas, ancien commissaire et blogueur du Monde.fr, et que l’agence de presse financière Agefi. Et c’est tout, si l’on excepte une longue interview des avocats sur le site de l’Ifrap, "lInstitut français pour la recherche sur les administrations publiques", think tank de droite dont nous avions parlé ici, ravi de cette victoire contre le fisc.

"Belle histoire"... passée inaperçue

Comment expliquer ce silence ? @si a contacté les avocats qui ont gagné en justice. Ce sont eux qui ont fourni l’information à la presse, choisissant d’attendre plus d’un mois afin de savoir si l’administration allait ou non en cassation. Delphine Ravon, spécialiste de droit fiscal, s’estime "plutôt satisfaite de la médiatisation", mais reconnaît tout de même que "si l’information avait été mise à la disposition de la presse dès que la décision a été rendue, en février, elle serait mieux tombée : mi-mars, l’actualité était très chargée, avec les révolutions arabes et la catastrophe au Japon". L’avocate raconte que c’est presque par hasard que l’information s’est retrouvée dans La Tribune : "A l’origine, j’avais contacté une journaliste spécialisée dans les questions juridiques que je connais, et il se trouve qu’elle partage un bureau avec une collègue qui travaille parfois pour La Tribune."

Et lorsqu’on interroge les autres médias susceptibles de relayer ce type de scoop, on suscite… l’étonnement. "Très belle histoire, sujet intéressant, mais nous n’en avions jamais entendu parler", indique le service Economie de Libération. Idem au Monde, où les deux journalistes ayant couvert les premiers épisodes de l’affaire sont en congé depuis plusieurs semaines, et où leurs remplaçants n’ont pas vu passer l’info. Le Figaro a rencontré les avocats, "mais nous a indiqué que rien ne pressait", signale Delphine Ravon. Et Le Parisien, en pointe sur cette affaire en 2009, devait seulement les rencontrer ce jeudi 7 avril.

Du côté des agences, la nouvelle n’a pas eu plus de succès. "C’est un sujet qui éveille l’intérêt, effectivement, mais il n’est pas remonté jusqu’à nous", signale-t-on, au service Justice de l’AFP. Chez Reuters, dont le bureau parisien est très réduit, on a bien vu passer l’info, "mais un soir assez tard, alors qu’un seul journaliste de permanence devait traiter l’ensemble du reste de l’actu, très chargée. Techniquement, le temps nous a manqué".


L’avocate d’un évadé fiscal remercie Mediapart

Il y avait pourtant des pépites à dénicher dans cette histoire. Par exemple, et aussi surprenant que cela puisse paraître dans ce contexte, l’avocate tient "à remercier tout particulièrement Mediapart" qui l’a "vraiment beaucoup aidée" sur ce dossier ! C’est en effet en lisant le site d’info (accès payant), auquel elle est abonnée, que Delphine Ravon a découvert le contenu du fameux rapport de l’Inspection des Finances sur le passage d’Eric Woerth au ministère, rendu le 11 juillet 2010 (nous en parlions ici). Le texte n’avait pas grand-chose à voir avec cette histoire, puisqu’il se concentrait surtout sur les relations entre Woerth et Liliane Bettencourt, mais en page 7, il signalait tout de même noir sur blanc que la Direction nationale des enquêtes fiscales avait "transmis le 28 mai 2009 à l’administration centrale une liste de contribuables disposant d’un compte en Suisse dite liste des « 3000 »".

Logo Mediapart

Et cette précision est très importante sur le plan judiciaire. "C’est parce que l’IGF elle-même a déclaré que le fisc disposait de la liste dès le mois de mai que nous avons gagné", souligne l’avocate. En effet, le fisc assurait avoir reçu la liste plus tard, par le parquet de Nice, alors en charge de l’enquête pénale sur ces comptes en Suisse, qui pourraient abriter de l’argent sale, ou issu de la corruption. Or, la jurisprudence établit que, dans les affaires fiscales, seul le Parquet a le droit de transmettre des documents obtenus par des moyens illégaux. En droit fiscal, si ce n’est pas le Parquet qui les a fournis, ils ne doivent pas être pris en considération (alors que pour les affaires pénales, peu importe l’origine, tous les documents, même illégaux, sont recevables). "C’est sur ce point précis que nous avons gagné", souligne Delphine Ravon. La preuve : "Quelques jours plus tars, la Cour d’appel de Chambéry a rendu une décision inverse à celle de Paris, en rejetant la demande d’un autre contribuable. Il avait été perquisitionné dans les mêmes conditions, mais son avocat n’avait pas fait état du rapport de l’Inspection Générale des Finances."


Montgolfier dessaisi d’un dossier sensible ?

Quelle est la portée de cet arrêt ? Dans un article rédigé pour la Revue de droit fiscal du mois de mars, les deux avocats se félicitent que la décision ait sonné "le glas de l’aventure des fichiers volés HSBC". Et Ravon explique que si un des contribuables de la liste attaquait en justice le redressement fiscal qui lui aurait été imposé, "personne ne peut dire aujourd’hui comment trancheraient les juges". Toutefois, cette affaire des fichiers volés " ne se réduit pas à ce volet fiscal", rappelle Thierry Lévêque, le spécialiste justice de Reuters (et récent invité de notre plateau). "Il y a aussi un volet pénal sur l’origine des comptes français qui ont été retrouvés en Suisse, qui est toujours en cours."

C’est en effet le Parquet de Nice, dirigé par Eric de Montgolfier, qui a ouvert en 2009 l’enquête préliminaire pour connaître l’origine des fonds. Hervé Falciani avait transmis le détail de quelque 127 000 comptes. Selon Nice Matin, Montgolfier estime aujourd’hui qu’une trentaine de personne, parmi les plus de 8000 Français recensés parmi les détenteurs de ces comptes, disposaient d’un argent aux origines douteuses.

Et un rebondissement récent a marqué le dossier, sans émouvoir pour le moment particulièrement les médias. Fin janvier, Montgolfier a été dessaisi du dossier. Parce qu’il était trop explosif ? L’affaire a en tout cas été mise entre les mains du procureur général de Paris, Jean-Claude marin, pas franchement réputé pour son intransigeance face aux responsables politiques.

Eric de Montgolfier a critiqué ce choix : "Peut-être que ce n’est pas au parquet de Paris que je l’aurais donné", a-t-il déclaré sur France Info.

Eric de Montgolfier

Ne reste plus aux journalistes qu’à se pencher à nouveau sur cette affaire pour éviter qu’elle ne disparaisse corps et biens.

http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=3911