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Après mon Master 2, le centre de rétention de Cornebarrieu

par Maylis Jean-preau

Publie le vendredi 3 février 2012 par Maylis Jean-preau - Open-Publishing

« Les policiers sont venus chez moi mardi dernier (le 17 janvier, NDLR) et après la garde à vue j’ai été emmenée au centre de rétention de Cornebarrieu. J’ai toujours tout fait pour être dans la légalité, là j’avais le sentiment d’être une paria. » Nadia* a 28 ans, elle est Algérienne et a obtenu un Master 2 de Management à Montpellier. A la fin de son diplôme, elle est recrutée par une PME de transports toulousaine. Nadia effectue alors les démarches pour changer son titre de séjour étudiant en titre de séjour salarié. Et c’est là que la machine déraille.

« A la recherche de la petite bête »

Les mois passent, sans réponse. Son titre de séjour expire et Nadia doit donc être licenciée. « 9 mois plus tard la préfecture de Toulouse m’a délivré une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), j’ai alors déposé un recours en contentieux auprès du Tribunal Administratif, mais avant même d’avoir reçu la réponse, j’ai été arrêtée. » Libérée vendredi 20 janvier au matin mais toujours menacée d’une OQTF, Nadia sait qu’elle n’est qu’une victime parmi tant d’autres de la circulaire Guéant du 31 mai 2011 visant à limiter l’immigration légale. Un texte décrié par tous, des étudiants étrangers à la Conférence des grandes écoles en passant même par le MEDEF. Car les entreprises françaises elles aussi sont affectées. Le patron de la PME toulousaine où Nadia était embauchée avait financé sa formation et prévu de la faire travailler sur le projet d’ouverture d’une succursale en Algérie. Pour lui, la circulaire vise à décourager les employeurs d’embaucher des jeunes diplômés étrangers. « La préfecture s’est montrée très agressive avec nous, ils s’acharnent à chercher la petite bête sur les conditions d’embauche de Nadia. »

« C’est injuste et arbitraire, je pense que ça va décourager beaucoup d’étudiants à poursuivre leurs études en France »

Face au tollé général, une circulaire supplémentaire a été signée le 12 janvier. Les préfets sont invités à faire en sorte que « la maîtrise de l’immigration professionnelle ne se fasse pas au détriment de l’attractivité du système d’enseignement supérieur. » Les étudiants pouvant justifier d’au moins un Master 2 et d’une promesse d’embauche se voient désormais accordée une autorisation provisoire de 6 mois, pouvant être transformée en titre de séjour pour première expérience professionnelle. Pour cela encore faut-il que le poste décroché et le salaire soient en adéquation avec le diplôme. Une porte ouverte à toutes les interprétations selon Nadia. Mais surtout le mal est fait. De nombreux étudiants dont le dossier a été rejeté une première fois n’oseront plus revenir à la préfecture réitérer leur demande. « J’ai réussi mes études ici, j’ai trouvé un emploi et là on me met dehors, je dois envisager l’avenir autrement. C’est injuste et arbitraire, je pense que ça va décourager beaucoup d’étudiants à poursuivre leurs études en France » regrette Nadia.

« Ouvrir un restaurant chinois ou épouser mon petit-ami français ! »

Nous avons posé la question à deux étudiantes chinoises en Licence de LEA à l’université Toulouse II Le Mirail, qui ne sont pas encore directement concernées par le circulaire Guéant. « C’est vraiment illogique, la France nous offre l’université gratuite, nous donne des APL… et quand nous voulons travailler et donc cotiser, on nous dit de partir ! » s’insurge Yiting. Pour les étudiants étrangers il est essentiel de capitaliser leur diplôme français par une première expérience professionnelle en France. C’est ce qui inquiète Kaman : « Nous nous demandons à quoi ça sert d’apprendre le français et de poursuivre nos études ici si nous n’avons aucune perspective de travail en France. Les étudiants vont partir au Québec à la fin de leurs études ou rentrer chez eux, si je veux rester je n’ai pas beaucoup de choix : ouvrir un restaurant chinois ou épouser mon petit-ami français ! »

*Le prénom a été modifié

http://carredinfo.fr/apres-mon-master-2-le-centre-de-retention-de-cornebarrieu-6087