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Les cendres de Gramsci, VI
par Pasolini
Publie le mercredi 8 février 2012 par Pasolini - Open-Publishing2 commentaires
Moi je m’en vais, je te laisse dans le soirqui, triste pourtant, descend avec douceurpour nous autres vivants, avec la clarté cendréeque le quartier retient dans sa pénombre.Et qui le transfigure. Le fait plus grand, et videalentour, et, plus loin, le rallumed’une vie ardente qui du rocailleuxbrinquebalement des trams, des cris humains,dialectaux, fait un concert tumultueuxet absolu. Et on voit comment au loinpour ces êtres pleins de vie qui crient, qui rient,dans leurs véhicules, dans leurs tristespâtés de maisons où se dissipele don perfide et expansif de l’existence -cette vie n’est rien qu’un tressaillement ;une présence incarnée, collective ;on y perçoit le manque de toute religionvraie ; non pas la vie, mais la survie- peut-être plus allègre que la vie - commed’un peuple d’animaux, chez qui l’orgasmecaché ne connaît d’autre passionque celle du labeur quotidien ;humble ferveur que change en façon de fêtel’humble corruption. Quand plus est vain- en cette vacance de l’histoire, cettepause bourdonnante où la vie se tait -tout idéal, mieux est manifestel’étonnante, la brûlante sensualitéquasi alexandrine, qui adorneet allume tout d’un feu impur, quand iciquelque chose du monde s’effondre, et qu’il se traînece monde, dans la pénombre, à la rencontrede places désertes, d’ateliers minables...Déjà s’allument les lumières, constellantVia Zabaglia, Via Franklin, le Testaccioentier, dépouillé, entre son grandmont sale, les quais du Tibre, le fondnoir par delà le fleuve, que Monteverdeamasse ou atténue invisible sur le ciel.Diadèmes de lumière qui s’éparpillent,étincelants et froids d’une tristessepresque marine... C’est bientôt l’heure de dîner ;brillent les rares autobus du quartier,des grappes d’ouvriers à leurs portières,et des groupes de soldats se dirigent, sans hâte,vers le mont qui abrite, entre déblais putrideset amoncellements d’immondices desséchées,réfugiées dans l’ombre, des souricettesqui attendent hargneuses dans la saletéaphrodisiaque ; et non loin, parmi les maisonnettesillégales sur les bords du mont, ou au milieud’immeubles qui semblent des mondes, des gaminss’ébattent légers comme haillons dans une brisequi n’est plus froide mais printanière ; brûlantsde juvénile insouciance, de sombres adolescentssifflent sur les trottoirs cette soirée de maià la mode romaine, en une fêtecrépusculaire ; et tombent à grand fracas d’un couples rideaux de fer des garages, joyeusement,comme l’obscurité a fait le soir sereinet qu’entre les platanes de la Piazza Testacciole vent qui meurt en frissons de tempêteest bien doux, même si rasant les murs chenuset le tuffeau des Abattoirs il se saturede sang putride, et qu’en tous sensil agite ordures et odeur de misère.La vie est une rumeur sourde, et ceux qui s’y perdentla perdent avec une espèce de détachement,puisque d’elle leur coeur déborde : misérableson les voit jouir du soir : et puissanten eux, ces désarmés, pour eux, le mytherenaît... Mais moi, le coeur conscientde qui n’a pas de vie en dehors de l’histoire,pourrai-je jamais faire oeuvre de passion pure,puisque je sais que notre histoire est terminée ?1954(traduction : Alain PRAUD)
Messages
1. Les cendres de Gramsci, VI, 8 février 2012, 16:53, par kalos
les dirigeants du PD ( parti démocrate en italie) devraient réfléchir sur les 3 dernières strophes, mais les traîtres n’ont même plus le courage de réfléchir ! ! !
2. Les cendres de Gramsci, VI, 9 février 2012, 08:10, par kalos
D’accord avec toi , Babeuf. Je pense que pour l’histoire de l’Italie la mort de Pasolini est comme un avant et un après . C"est en cette humide aube de novembre sur la plage d’Ostia qui a commencé le BERLUSCONISME.
J’aimerais citer sa phrase, tirée des Ecrits Luthériens : " Je n’ai pas les preuves, mais je sais que vous êtes coupables"
Il s’adressait aux dirigeanrs de la D.C.