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Nucléaire : Comment Israël empêche l’Iran d’être totalement transparent (video)

par CAPJPO

Publie le vendredi 10 février 2012 par CAPJPO - Open-Publishing

Très bonne interview de Hamid Dabashi par Paul Jay, rédacteur en chef de Real News Network, sur l’impossibilité de l’Iran de donner plus d’infos sur son programme nucléaire sans qu’Israël assassine encore plus de scientifiques iraniens. Merci à Chantal pour la traduction.



Alors que les Etats-Unis ont confirmé officiellement jeudi que le Mossad était bien l’auteur de plusieurs assassinats de scientifiques iraniens, en se défendant d’être eux-mêmes impliqués dans ces attentats, les dirigeants français persistent à menacer l’Iran et à l’accuser de tous les maux, reprenant à leur compte la propagande mensongère israélienne.

Ci-dessous l’analyse de Hamid Dabashi, professeur d’études iraniennes et de littérature comparée à l’Université de Columbia, à New York. Son nouveau livre s’intitule "Le Printemps Arabe : Fin du Postcolonialisme" et sortira dans les tout prochains mois.

JAY : Alors, le gouvernement du régime iranien n’a pas l’air trop décontenancé par toute cette pression. Dans les médias occidentaux, on parle beaucoup d’une attaque éventuelle d’Israël, mais vous n’avez pas l’air de penser que les Iraniens prennent vraiment tout ça au sérieux. Est-ce que je me trompe ?

DABASHI : Ils prennent ça au sérieux, Paul. La question est de savoir : Ils ont quelles options ? Quoi de plus ? On a vu en plein jour, l’assassinat d’un de leurs chercheurs en physique nucléaire à Téhéran et tout le monde montre Israël du doigt. En fait, Haaretz a publié un article basé sur un reportage du London Times, dans lequel on affirme avoir appris que le Mossad en était le commanditaire. De plus, les autorités iraniennes voient ça comme tous les autres, à savoir que c’est une provocation, c’est une suite d’assassinats, de bombardements et d’opérations clandestines lancées par Israël afin de déclencher une réaction violente de la part de la République Islamique, ce qui engagerait les États-Unis et amènerait une frappe militaire. C’est pourquoi les dirigeants de la République Islamique n’y répondent pas, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas inquiets. Ils sont extrêmement inquiets.

JAY : Ils sont sous le feu des projecteurs. La présence militaire américaine dans le Golfe Persique augmente. L’Union Européenne et les États-Unis se sont associés pour imposer de sévères sanctions économiques. Hier, la chaîne CNN faisait un reportage sur les gens ordinaires qui n’ont pas les moyens d’acheter leur pain quotidien. Le taux de change entre le dollar et le rial est monté en flèche. Je veux dire que les gens ont perdu leurs économies et qu’ils ne peuvent pas s’acheter de quoi manger. Alors – et ceci le montre bien – récemment, un député des États-Unis a plus ou moins dit, dans un débat radiodiffusé, qu’ils vont ôter le pain de la bouche aux Iraniens jusqu’au moment où ils se révolteront contre leur pays. Bien sûr, rien de tel n’arrivera. On est en présence d’une République Islamique répressive au pouvoir, et des répressions de la sorte – les sanctions économiques – ne vont faire du mal qu’aux gens ordinaires sans les conséquences attendues.

DABASHI : Je ne suis pas du tout d’accord, Paul. À mon avis, l’affaire du programme nucléaire iranien est une énorme diversion, quand - c’est une évidence aveuglante – Israël nous regarde dans les yeux et que le Pakistan nous regarde dans les yeux avec leurs gigantesque amas d’armes nucléaires, et ne sont même pas signataires du TNP.

C’est plutôt étrange de s’en prendre à la République Islamique. La République Islamique – comme toute autre nation, est tout à fait en droit d’avoir un programme nucléaire pacifique, et en tant que signataire du TNP, elle doit être tenue responsable de chaque détail, de tous les menus détails des détails. Mais il faut dire que, dans tous ces rapports sur l’énergie atomique, pas un seul élément n’indique que la République Islamique a développé ou est sur le point de développer… Au plus, on dit que les Iraniens semblent s’étendre dans une direction qui pourrait mener à la militarisation. Alors, pour moi, cette affirmation ne tient pas debout.

JAY : Mais moi…permettez-moi de vous interrompre une petite seconde. Il y a quelques mois, j’ai vu un entretien avec Hans Blix, l’ancien…qui dirigeait les inspections en Iraq, et lui, il disait qu’à son avis, il n’y a pas de programme de fabrication d’armes ; et il a eu accès à de nombreuses données. Mais il a dit qu’il ne comprenait pas pourquoi l’Iran ne devenait pas tout à fait transparent au sujet de certaines choses que demande l’AIEA. Et permettez-moi aussi d’atténuer ça avec une chose, l’entretien récent que nous avons eu avec Robert Kelley. Il pense que l’AIEA est en train d’adapter un manque de renseignements aux faucons, ce qu’elle n’a pas fait du temps d’El Baradei. Alors, vous voyez, je n’essaye pas d’ajouter foi à l’AIEA. Mais par ailleurs, il semble y avoir des mesures que l’Iran pourrait prendre pour résoudre une partie de ces problèmes, ce que les Iraniens n’ont pas l’air de vouloir faire.

DABASHI : Non. La République Islamique, je n’en doute pas, peut faire un certain nombre de choses. Mais ce que disent entre autre les représentants de la République Islamique, c’est que les renseignements qu’ils donnent à l’AIEA se retrouvent avec le Mossad : Résultat, les chercheurs en physique nucléaire sont mis en danger. Et du fait que leurs chercheurs en physique nucléaire sont assassinés régulièrement, vous savez, on ne peut pas leur reprocher d’être cachottiers ou avares en ce qui concerne les renseignements.

Il n’y a pas de confiance. C’est-à-dire que les États-Unis et l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique n’ont pas l’autorité morale pour aller en République Islamique et dire : « Faites-nous preuve d’une totale transparence », alors qu’ils ne s’occupent aucunement d’Israël. Nous, simples citoyens à la merci de ces épouvantables armes de destruction massive, nous voulons évidemment une transparence totale. Nous voulons démilitariser totalement l’énergie nucléaire d’un bout à l’autre du monde. Mais on ne peut pas – en dépit des horreurs propres à la République Islamique, on ne peut pas s’en prendre à la République Islamique et dire : « Pourquoi n’êtes-vous pas totalement transparents ? », quand, tout près de chez vous, vous avez Israël qui garde le silence sur un énorme amas et qui ne sourcille même pas.

JAY : À vrai dire, clairement, si on parlait sérieusement de ces armes, il s’agirait d’une région sans armes et d’abord il faut qu’Israël se mette à table. Il ne faut pas exagérer, dire que l’Iran devrait être plus transparent, alors qu’Israël a une transparence zéro.

DABASHI : Paul, on a ici deux problèmes différents : L’abus de pouvoir à l’intérieur du pays par la République Islamique, l’une des horreurs les plus répressives de l’histoire de l’Iran, voilà, ce n’est pas quelque chose que l’on dit à New York, on a aussi à présent des gens totalement fidèles à la République Islamique, des gens qui – des officiers de haut rang dans [……] qui écrivent des lettres ouvertes et des articles dans des quotidiens et qui comparent Khomenei à l’ancien Shah d’Iran. Donc le fait est que le peuple iranien est soumis à un régime répressif. Mais il faut séparer ce problème de l’étonnante hypocrisie des États-Unis, de l’Union Européenne, d’Israël, de l’Arabie Saoudite etc. qui ne tiennent absolument aucun compte de la géopolitique de la région et qui sont tatillons avec un pays dont la souveraineté nationale est violée, le nombre des opérations secrètes augmentant, y compris les assassinats extrajudiciaires de ses chercheurs en physique nucléaire, et qui disent : « pourquoi ne vous mettez-vous pas à table ? ».

JAY : Alors, Qu’est-ce qui se passe à l’intérieur de l’Iran en ce qui concerne les discussions sur la façon de régler ça, puis tout le problème du mouvement d’opposition ?

DABASHI : il y a toutes sortes de discussions. Naturellement, il y a des discussions. Ce n’est pas que tout le monde pense en ce moment précis qu’on est… Il y a des élections parlementaires en mars, et la plupart des réformistes, et ceux qui sont même plus radicaux que les réformistes, ont dénoncé et boycotté les élections. À mon avis, le mouvement Vert n’est pas mort. Il subit différentes mutations. Il y a de fantastiques développements importants initiés par des militants politiques, des journalistes, des cinéastes, des artistes, chacun d’entre eux résistant à la tyrannie et luttant contre la répression.

Mais la question de l’énergie nucléaire en Iran, Paul, nous rappelle le coup d’état de 1953, quand « British Petroleum » et les puissances coloniales se sont décidés contre l’intérêt national de l’Iran. Même Mousavi a dit textuellement que l’accès au savoir nucléaire et à l’énergie nucléaire est le droit national des Iraniens. Ce n’est pas que, si, par exemple, Mousavi était devenu président ou si on se réveillait un matin et qu’il y avait un fantastique régime démocratique en Iran, ils abandonneraient leur programme d’énergie nucléaire de façon à faire un grand plaisir à ce pays, Israël. Il ne faut pas pour autant faire peu de cas des déclarations belliqueuses et idiotes d’Ahmadinejad sur Israël ou le déni de l’Holocauste. Voilà deux questions différentes.

Mais l’Iran, en tant qu’état-nation souverain, ex- République Islamique, s’imaginant après la République Islamique à la suite des soulèvements démocratiques, a un droit indéniable à l’énergie nucléaire. Ce n’est pas seulement mon opinion ; c’est l’opinion générale. Mais il n’est pas question d’armement, de ces armes de destruction massive. Non seulement l’Iran ne devrait pas avoir d’armes de destruction massive, mais les autres pays de la région – le Pakistan, la Russie, Israël – devraient eux se débarrasser de leurs armes de destruction massive. Voilà la vraie question. La vraie question n’est pas la transparence totale de la République Islamique vis-à-vis de l’énergie atomique internationale. On ne devrait pas permettre à la machine de propagande des États-Unis, d’Israël et de l’Arabie Saoudite d’établir les termes de notre engagement, notre façon de régler les problèmes. Nous, en tant que citoyens ordinaires, nous ne voulons pas de ces armes de destruction massive. On les veut pour quoi faire ? Et non seulement les nouveaux pays ne devraient pas les développer, mais ceux qui les ont doivent s’en débarrasser.

(Traduit par Chantal C pour CAPJPO-EuroPalestine )

(Traduit par Chantal C pour CAPJPO-EuroPalestine )

Video de l’interview en anglais sur : http://therealnews.com/t2/index.php?option=com_content&task=view&id=31&Itemid=74&jumival=7873

CAPJPO-EuroPalestine


http://www.europalestine.com/spip.php?article6886