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EGYPTE : LES FEUX DE LA LUTTE (Episode 2)

par Via Claude Deloume

Publie le mercredi 21 mars 2012 par Via Claude Deloume - Open-Publishing

Lu sur le blog de Sylvie Nony, prof au Lycée Français du Caire :

"Les feux de la lutte (2)

19 mars 2012

Dimanche dernier 11 mars, c’était un branle-bas de combat inhabituel devant la tour El-Zeini à Maadi. Les salariés de Schlumberger, en grève, s’étaient donné rendez-vous devant ce bâtiment où siège la direction de l’entreprise.

Un retournement imprévisible après les événements de ces dernières semaines (voir précédent post) pendant lesquelles les salariés membres du syndicat indépendant avaient subi des pressions en tout genre pour renoncer à participer à cette nouvelle organisation. Pressions qui laissaient d’ailleurs entendre que la liste des personnes affiliées avaient pu fuiter des services de l’état qui avaient enregistré la constitution du syndicat vers l’entreprise et l’ancienne organisation.

Et puis il y a eu ce coup de force de la direction du personnel qui a proposé à tous les salariés

d’abroger les contrats de travail existants pour en signer de nouveaux (annulant ainsi toute ancienneté dans le poste). Du coup, les salariés ont fait appel aux responsables du nouveau syndicat pour se défendre. Et les 150 salariés rassemblés ont obtenu, outre la suspension de la procédure de révision des contrats, le ré-examen du licenciement abusif des quatre militants. De quoi redonner le sourire à ces jeunes, qui reçoivent en outre, le soutien de sections syndicales de l’entreprise au Canada et en Norvège.

Le syndicat unique, accusé y compris par certains de ses anciens membres de faits de corruption très graves n’en sort pas grandi. Un email circule parmi les salariés dénonçant le racket qu’il opère sur l’entreprise elle-même (en millions de L.E.) en retour “des services rendus”. Les discussions en cours devront aussi intégrer le fait que la plupart des salariés de Schlumberger sont, en réalité, employés par des sociétés sous-traitantes “écrans”, ce qui n’affranchit pas la maison mère de ses responsabilités, au regard de la loi égyptienne.

La pratique d’annulation des contrats semble être dans l’air du temps en Égypte, puisque les salariés de Arab Constructors, une entreprise dont le siège est en centre ville, ont organisé des sit-in pendant plusieurs jours (rue Adly) pour dénoncer une révision analogue. Impossible de savoir ce qu’ils ont obtenu puisque ce conflit, comme de nombreux autres, n’est pas couvert par la presse dite indépendante (et encore moins par les médias nationaux).

Aujourd’hui ce sont les employés de l’administration de l’Éducation Nationale qui sont en grève, ainsi que ceux des transports, à Guizeh et Alexandrie et au Caire. Les postiers étaient en grève la semaine dernière et les enseignants ont annoncé une grosse journée d’action le 30 mars pour rappeler leurs revendications contre la “loi cadre” dont ils demandent depuis l’abrogation depuis des mois.

Cette agitation sociale se poursuit depuis le début de la révolution, alors que la répression – notamment celle de la Sécurité centrale (ancienne Sécurité de l’état) – n’a jamais vraiment cessé. Cinq syndicalistes de l’entreprise Somid Company Port dans le port d’Ain el-Sokhna, ont été arrêtés par la police militaire puis battus et torturés au commissariat d’Attaqa, dans le gouvernorat de Suez. Motif ? La grève qu’ils avaient démarré le 7 mars pour demander, eux aussi, la clarification de leurs contrats qui passent par une société intermédiaire. Dans un communiqué du 9 mars, publié sur le précieux site d’information (en arabe) Tadamoun, l’EFITU dénonce la traduction de ces salariés devant un tribunal militaire, pointant les relations troubles entre les dirigeants de la compagnie et le frère du maréchal Tantawi (Ahmed).

L’engagement de tous ces syndicalistes force le respect mais ils ont besoin de toute la solidarité nationale et internationale pour faire entendre des droits élémentaires dans un monde du travail aux pratiques moyenâgeuses.

Les relations intimes entre les patrons, les généraux de l’armée, et les felouls apparaissent de plus en plus comme la véritable forteresse à prendre, après la chute symbolique de la bastille Moubarak."

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