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Si Francois Hollande veut s’inspirer des brigades anti-immigration américaines,

par Blog Stephane Trano (Marianne2)

Publie le dimanche 25 mars 2012 par Blog Stephane Trano (Marianne2) - Open-Publishing

... ... le pire est à venir !

Le candidat Socialiste, s’il est élu le 6 mai, promet de créer "une brigade spécialisée de lutte contre les filières clandestines" d’immigration et les "passeurs". Son modèle s’inspire directement du Programme ICE mis en place aux Etats-Unis en 2003 et renforcé par Barack Obama. C’est l’annonce d’un catalogue d’horreurs au quotidien qui devrait faire frémir les organisations de défense des Droits de l’Homme en France.

John Morton est l’un des hommes les plus heureux des Etats-Unis. Cet ancien étudiant de la Faculté de Droit de Virginie est auréolé d’un parcours sans faille. Dès l’obtention de ses diplômes, il a choisi de rejoindre les services fédéraux et de se spécialiser dans l’immigration. Après quatre ans d’une ascension rapide, il a brillament dirigé le service des affaires criminelles en tant que Procureur-adjoint des Etats-Unis dans le District Est de Virginie, d’abord en charge des dossiers les plus lourds puis, dans l’Unité Anti-Terroriste et pour la Sécurité nationale. En 2006, il a accédé à la Division Criminelle du Département de la Justice (l’équivalent de notre ministère), dans un premier temps comme Chef par interim de la Section de la Sécurité intérieure puis, comme adjoint par interim du Procureur général adjoint. C’est en 2009 qu’il a atteint la consécration. Le 12 mai 2009, en effet, il était confirmé par le Sénat des Etats-Unis, à l’unanimité, au poste de Directeur du Contrôle de l’Immigration et des Douanes ou ICE.

ICE - qui en tant que nom plutôt qu’acronyme signifie "glace", porte bien son nom. Créé en 2003 par l’Administration Bush, c’est le bras le plus puisant du ministère de la Sécurité intérieure et la deuxième plus importante agence gouvernementale, dotée d’un budget de 5,7 milliards de dollars, 20 000 agents répartis dans les 50 états américains et 47 pays étrangers. Un Etat dans l’Etat. Sa mission officielle : "Promouvoir la sécurité interieure et la sécurité publique à travers la répression pénale et civile de la violation des lois fédérales régissant le contrôle des frontières, des douanes, du commerce et de l’immigration".

Oui, John Morton, à la tête de ses brigades spécialisées, entre autres, contre ce que Francois Hollande appelle en bon français dans le texte "les filières clandestines" d’immigration et les "passeurs", est l’un des hommes les plus puissants d’Amérique et la présentation de son bilan, lors de sa présentation budgétaire devant les représentants du Congrès, le 8 mars dernier, a littéralement suscité l’enthousiasme, car sa politique constitue non seulement la plus belle réussite à ce jour de l’Administration Obama mais également la seule difficilement criticable par l’opposition républicaine de la Chambre des Représentants. Et voici pourquoi.

John Morton a fait état des résultats enregistrés en 2011 par les deux bras armés de son agence tentaculaire : le Homeland Security Investigation (HSI), dont les 7000 agents sont spécialisés dans la lutte contre toutes les voies illégales d’accès aux Etats-Unis par des individus ou des entreprises liés à des activités illégales ou terroristes ; le service Enforcement and Removal Operations (ERO), chargé de veiller à l’application des lois fédérales en matière d’immigration au nom de la sécurité intérieure et de la sécurité publique.

En 2011, le HSI a arrêté plus de 50 000 individus répartis entre 31 300 arrestations pour crime et 18 800 arrestations administratives. Les motifs cités par John Morton sont, en vrac, l’"antiterrorisme", la "violation de propriété intellectuelle", "le tourisme sexuel et l’exploitation des enfants", "le traffic humain", la "fraude à l’immigration", "l’emploi illégal", et des enquêtes sur les activités des gangs.

On se demande ce qu’il reste au service ERO après un tel catalogue. La réponse est : sa peformance. Toujours en 2011, ERO a mené l’arrestation de 400 000 individus dont, déclare sans sourciller l’inébranlable M. Morton, "55% ou plus de 216 000 ont été convaincus d’activités criminelles". Il ajoute que 40 192 "fugitifs" ont été arrêtés la même année soit une agmentation de 12% en rapport à 2010.

Fort d’une telle présentation, le Superman du nettoyage de l’Amérique pouvait donc justifier de ses demandes budgétaires pour l’année 2013 et les obtenir sans avoir à justifier ses actions.

5000 enfants séparés de leurs parents et seuls aux Etats-Unis
Et ce, d’autant plus que plusieurs méthodes ont été renforcées afin de faire réaliser des économies à cette vaste lutte contre l’immigration illégale. Par exemple, la "déportation" - ainsi que l’on qualifie aux Etats-Unis le processus d’expulsion - a été accélérée et simplifiée, plus d’une personne sur deux concernée n’ayant plus droit à comparaître devant un juge et se trouve donc expulsée sans que l’on sache si les faits qui lui sont reprochés sont fondés ou non.

Chaque semaine, le Programme ICE diffuse sous forme d’un bulletin de grande qualité la longue liste de ses exploits. Mais à travers le pays, l’ensemble des organisations de défense des droits de l’homme ainsi que des milliers de juristes et d’avocats de l’immigration, s’organisent pour dénoncer une pure folie qui mêle pouvoir arbitraire, privation des droits élémentaires, disproportion des actions, conditions de détention, et le catalogue est très long. Ainsi, on dénombre en 2010 quelques 13 028 déportations plus que douteuses, consécutives à l’arrestation de chauffeurs en état d’ébriété ou sans permis de conduire. En 2011, des cqs de déportation à la suite d’arrestation pour consommation d’un joint ont été enregistrés. 5 000 enfants sont actuellement retenus dans les Foster - des foyers d’accueil répandus à travers tous les Etats-Unis - après avoir été les témoins de l’arrestation et de la déportation de leurs parents. Certains n’ont pas plus de 4 ans et l’un d’entre-eux, âgé de 4 ans également, a été retrouvé dans un centre déportation errant sans aucune assistance après l’expulsion de ses parents.

Or, le refus de plus en plus systématique d’accéder au droit fondamental des individus interpellés d’apparaître devant un juge et de préparer sa défense aboutit à un nombre grandissant d’abus manifestes. Ainsi, en 2008 déjà, 254 806 immigrants ont été déportés sur la base de fausses accusations. Ils n’ont pas bénéficié d’une mise en détentation leur permettant d’entamer une action pour que leur cas soit étudié par un juge. En 2010, ils ont été 196 000 à connaître le même sort. Il s’agit là des chiffres officiels de l’Office Central des Statistiques.

Le rythme de 400 000 déportations annuelles par an est le plus élevé jamais connu aux Etats-Unis. Pourtant, avec le cynisme que beaucoup lui connaissent en la matière, la responsable du Departement de la Justice Janet Napolitano a simplement expliqué que c’est actuellement le maximum possible pour desraisons budgétaires, car chaque déportation coûte au gouvernement entre 23 000 et 30 000 dollars.

Une politique d’immigration devenue "folle"
Il existe mille façons de justifier cette politique d’immigration nouvelle engagée par les Etats-Unis depuis 2006 en particulier et devenue une véritable industrie sous le mandat de Barack Obama. Une politique largement méconnue par l’Américain "moyen" qui ne perçoit souvent celle-ci que comme une lutte contre la criminalité et le travail illégal - plus inadmissible en temps de grave crise - à travers le prisme de médias qui répandent largement les cas les plus condamnables. A un détail près, ou plutôt plusieurs, parmi lesquels :

Pour la première fois dans la lutte contre l’immigration mexicaine - souvent citée comme la plus préoccupante - le solde migratoire légal ou illégal est de 0 en 2012.
Un mouvement de départ de plusieurs catégories ou nationalités d’immigrés s’est engagé depuis deux ans, à tel point que le gouvernement a du récemment augmenter les quotas d’admission des Indiens et des Chinois, qui demandent de moins en moins de visas pour se rendre aux Etats tandis que, pour les Indiens en particulier, beaucoup choisissent désormais de rentrer dans leur pays après leurs études aux Etats-Unis, qui ne sont plus jugés comme une nation accueillante.
Le système d’immigration américaine, notoirement "cassé", comme le soulignent à longueur de temps politiciens et juristes, impose désormais des délais d’attente pouvant dépasser les 30 ans pour la réunification des familles. Il ne permet plus aux détenteurs d’un visa dit de "dual-intent" (double intention) - souvent des travailleurs hautement qualifiés venus de l’étranger - de faire une demande de résidence permanente.
Les tribunaux chargés d’étudier les dossiers d’immigrants ont atteint un engorgement historique qui dépasse actuellement le demi-million de cas en souffrance, à tel point qu’à travers le pays, des juges se mettent en grève et refusent désormais de les étudier faute de moyens appropriés.
Le harcèlement des employeurs de travailleurs étrangers et des travailleurs eux-mêmes soumis à des controles répétitifs ainsi que des quotas totalement inadaptés provoque une tension et une raréfaction de compétences, comme par exemple dans la célèbre Silicone Valley ou l’embauche de talents tient désormais d’un long et coûteux parcours visant à décourager les candidats.

Comme le résume le juriste Roger Algase, du Collège d’Harvard, "les quatre cavaliers de l’immigration (américaine) sont désormais l’ignorance, l’incompétence, l’idiotie et la folie".

Obama et la naissance d’un nationalisme américain
Le plus grave, dans tout cela, est peut-etre que conjugué au pire des arbitraires administratifs, le racisme anti-immigrants s’est considérablement développé aux Etats-Unis ces dernières années. Le cas le plus emblématique est cité par le Souther Poverty Law Center, une organisation non gouvernementale fondée en 1971 en Alabama dans la mouvance de la lutte pour les droits civiques. Parmi les cas récents survenus dans l’un des Etats des Etats-Unis les plus féroces contre les immigrants légaux ou non, l’organisation dénonce le refus d’une clinique de Birmingham de soigner Alejandra, 13 ans, le 8 novembre 2011, en raison de la nouvelle loi HB56 contre les immigrants sans papiers. Trois jours plus tard, Alejandra devait être admise de force dans un hôpital pour un abcès abdominal aggravé. Tout près de là, José, Artemia et leurs trois enfants ont été privés d’eau pendant 40 jours au nom de la même loi et ont du vivre dans des conditions déplorables. Que dire d’Hortensia, une habitante de Decatur, qui s’est retrouvée avec le pistolet de son employeur braqué sur la tempe, après avoir effectué son travail de jardinage pour une somme de 7,50 dollars, celui-ci estimant que la loi lui donnait le droit de ne pas la payer.

Hélas, si l’Alabama, hier ségrégationniste avec les Noirs, est devenu ségrégationniste avec tous ceux qui ne sont pas nés en Amérique, cet état d’esprit se répand en de nombreux points des Etats-Unis. Le Président Obama peut donc mettre à son actif d’avoir posé le premier jalon à ce qui était hier impensable : la naissance d’un Etat-nation se revendiquant d’une identité "américaine" et commençant à regarder l’immigration, son ferment historique, comme un fait indésirable. Pour l’anecdote, cette semaine et pour la première fois depuis des décennies, le quota d’Irlandais admissibles dans le pays est passé de 2 000 à 13 500. Cette immigration là parait désormais plus acceptable à une Amérique de plus en plus en chemin vers un changement d’identité inouï.

Stéphane Trano

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