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L’UMP s’apprête à tendre la main aux électeurs du FN

par LAURE EQUY

Publie le lundi 23 avril 2012 par LAURE EQUY - Open-Publishing
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Au QG de Sarkozy, militants et responsables pointent les mesures de leur candidat qui pourraient séduire les électeurs de Marine Le Pen.

Ils sont passés par toutes les couleurs, toutes les humeurs, les candidats et les responsables UMP. De l’inquiétude des premières estimations qui prédisaient, dans l’après-midi, un écart important entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, à l’euphorie des résultats de 20 heures. Leur candidat est toujours derrière le socialiste mais ils en sont convaincus : « rien n’est joué », « un nouveau match commence ce soir ». Alors qu’à la Mutualité, la salle parisienne étiquetée à gauche mais louée par la droite pour cette soirée électorale, on distribue les drapeaux tricolores, les secrétaires nationaux de l’UMP, parlementaires, membres de l’équipe de campagne moulinent les mêmes déclarations. Entre autres éléments de langage : l’idée que les sondages se sont trompés en surestimant le taux d’abstention et le total des voix de gauche, et la perspective d’un second tour « extrêmement ouvert ». On se réjouit d’arriver enfin au « mano a mano » au « one to one » face à Hollande – la proposition de Sarkozy de tenir trois débats d’entre deux tours est ovationnée. Et surtout, on ne craint pas de s’adresser aux électeurs de Marine Le Pen, surprise du premier tour avec 18,5% des voix, selon les dernières estimations de l’institut Ipsos.

En décrochant l’oreillette d’une chaîne étrangère à laquelle il donnait une interview, Guillaume Peltier agrippe la main du député Jérôme Chartier. « Tout est possible, t’as vu, tout est possible », lui lance-t-il exalté. Le spécialiste de l’opinion, qui a milité dans sa jeunesse à l’extrême droite, résume à sa façon les enseignements du premier tour : « Le message c’est moins d’immigration, plus de protection, plus de laïcité, moins de communautarisme. Et c’est Nicolas Sarkozy qui porte ces convictions. » Il oppose le candidat « de l’autorité » au « candidat de la dépénalisation du cannabis – que Hollande ne propose pas, ndlr – et du droit de vote des étrangers aux élections locales ». « A François Hollande de convaincre [les électeurs de Le Pen] avec le droit de vote des étrangers, la dérégulation de l’immigration, la nécessité de sabrer dans les crédits de l’armée », renvoie le député-maire (Nouveau centre) de Drancy, Jean-Christophe Lagarde.

Autre épouvantail que l’UMP pourrait agiter pour ramener l’électeur frontiste vers son camp au second tour : le mariage homosexuel, auquel « seuls Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen se sont opposés », fait valoir Maylis, militante de 18 ans à l’UMP et au parti chrétien-démocrate de Christine Boutin. Pour cette étudiante en prépa éco et commerce, en t-shirt « les jeunes avec Sarko », les candidats UMP et FN « sont proches sur le thème de la famille ». Si elle a trouvé « ignobles » les déclarations de Marine Le Pen sur « les Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non assimilés », elle estime que « la fille n’est pas le père » et qu’elle « est moins dangereuse que les communistes du Front de gauche auxquels les Français n’ont pas cédé ». « Les électeurs de Marine Le Pen ne sont pas tous militants du FN et le deuxième tour n’est ni de droite ni de gauche », entonne Jacques, cadre parisien dans le transport aérien, qui applaudit à tout rompre lorsque Nicolas Sarkozy appelle « tous les Français qui mettent l’amour de la patrie au-dessus de toute considération partisane à [le] rejoindre ».

« Les électeurs de Le Pen, on ne doit pas leur parler peut-être ? »

Dans la grande salle où deux écrans géants retransmettent les soirées électorales des télés, les militants applaudissent les duplex des ministres de droite et sifflent les invités de gauche. Le discours de Hollande est copieusement hué et couvert par des « mais ils sont où mais ils sont où les socialistes ? » ou « Hollande en Corrèze, Sarkozy à l’Elysée ».

Officiellement, le discours de Sarkozy entre les deux tours ne sera pas infléchi pour courtiser les voix du FN. « On ne va pas droitiser mais on va prendre en compte les préoccupations qui se sont exprimées », nuance Hervé Novelli, secrétaire national adjoint de l’UMP. Mais les idées auxquelles les électeurs d’extrême droite sont sensibles seront surlignées. « On dira que d’autres candidats portent des mesures pas si éloignées, comme la protection aux frontières de l’Europe, l’insécurité, l’immigration », ajoute-t-il. Secrétaire national et responsable UMP dans les Yvelines, Charles Givadinovitch se presse au balcon de la salle de la Mutualité pour entendre des bribes de l’intervention du président-candidat, qui a fait un passage vers 21h45. Lui qui a milité au sein du club « Les progressistes » d’Eric Besson parie sur un « équilibre entre les mesures sociales et la proposition de diviser par deux l’immigration légale ». Et la ministre Marie-Anne Montchamp, ex-villepiniste, d’assurer que « le discours d’ordre public parle à la même personne que le discours social. »

Ici, un FN à son plus haut score au premier tour d’une présidentielle n’effraie guère. On admet que c’est un « peu inquiétant » mais David, étudiant comme technicien de laboratoire de 22 ans, qui milite à Drancy, croit tenir l’explication de cette percée : « Ce n’est pas un vote d’adhésion pour les idées de Marine Le Pen mais pour ce qu’elle représente, son image un peu anti-système, un peu anti-médias. » Du coup, « on parle à ses électeurs comme aux autres », se rassure-t-il.

Le député Franck Riester, lui, met le bon score de l’extrême droite sur le compte de « l’ubuesque égalité de temps de parole » en vigueur pendant la campagne officielle : « Avec neuf candidats qui tapent sur le pouvoir, ça donne envie de voter contestataire. Mais au second tour, les électeurs auront devant eux deux projets radicalement différents. » Dopée par le premier tour, Nadine Morano, qui s’invite en fin de soirée en salle de presse, battra la campagne d’entre-deux tours, sans détours : « Les électeurs de Marine Le Pen, on ne doit pas leur parler peut-être ? Ce sont des électeurs à part, ces ouvriers, ces gens qui souffrent et veulent de la protection ? » La députée de Moselle, plus sarkozyste que jamais, « va leur parler », elle. « Et alors là sans complexe. »

http://www.liberation.fr/politiques/2012/04/23/l-ump-s-apprete-a-tendre-la-main-aux-electeurs-du-fn_813638

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