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Orpheline de Sarkozy, la droite redoute la guerre des chefs

par Eric Mandonnet et Benjamin Sportouch

Publie le lundi 7 mai 2012 par Eric Mandonnet et Benjamin Sportouch - Open-Publishing
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La défaite de Nicolas Sarkozy menace l’unité même de l’UMP. Où les règlements de comptes avaient commencé sans attendre le second tour. Etat des forces.

Le 16 avril, à six jours du premier tour, Nicolas Sarkozy sillonne la Vienne. Lors d’un trajet en voiture avec Jean-Pierre Raffarin, il explique à l’ancien Premier ministre : "Ma fierté, dans cette campagne, c’est d’avoir construit un nouveau discours de la droite pour l’avenir."

Alors que s’engage pour l’UMP la bataille des législatives, le président battu laisse-t-il en héritage à son camp une pensée, un art de la conquête du pouvoir, une méthode de gouvernement ? Ou un embarras, provoqué par un entre-deux-tours sans contrôle, qui vit certaines digues entre la droite et le Front national trembler, sans toutefois céder ? A moins qu’il ne devienne, plus ou moins vite, une nostalgie, faisant planer l’ombre d’un retour sur une famille politique aujourd’hui confrontée à sa première défaite à des élections nationales depuis sa création, en 2002. L’UMP, qui a horreur du vide, renoue avec le "trop-plein" cher au Général.

Jean-François Copé

Il a une obsession : rester secrétaire général de l’UMP, pour survivre dans l’opposition en gardant la main sur cette machine à cash et à militants. Il a profité de la campagne présidentielle pour assurer sa propre promotion. A chaque meeting du candidat, il prenait la parole, officiellement pour chauffer la salle, mais aussi pour soigner sa notoriété auprès des militants. Au Trocadéro, le 1er Mai, devant une marée humaine de droite, Copé a invité militants et sympathisants à se préparer pour la "reconquête des territoires", en 2014. Sous sa houlette, il va de soi.Ces derniers mois, il a essayé de cajoler les ministres plus que ne l’a fait François Fillon. "Quand il y avait une émission de télé, se souvient Thierry Mariani, Fillon invitait une partie de son gouvernement au premier rang pour faire la claque. Mais il ne nous citait jamais. Copé, lui, avait un mot gentil pour moi, à chaque déplacement où je l’accompagnais."

Le redécoupage de sa circonscription de Seine-et-Marne devrait faciliter sa réélection à l’Assemblée nationale. Le moment est venu pour lui de devenir copéiste, et seulement copéiste. Après son débat télévisé contre François Hollande, il disait : "Attendre deux heures dans une pièce, ce n’est pas très agréable. Je ne ferai pas cela à chaque fois."

François Fillon

Alain Juppé raconte avoir pointé, devant Jean-François Copé, les risques de voir des forces centrifuges menacer le parti. Réponse du secrétaire général de l’UMP : "Le problème, ce n’est pas ça, c’est Fillon." Le désormais ex-Premier ministre a discrètement tissé sa toile dans le mouvement. Dès l’été 2011, il a évoqué cette bataille avec Hervé Novelli, convié à l’heure du thé dans la maison de vacances louée par François Fillon en Toscane. A demi-mot - comme à son habitude - il lui avait indiqué qu’il visait non pas la mairie de Paris, mais l’UMP, comme marchepied pour 2017. Novelli, sensible à l’hypothèse d’une candidature de Fillon, en parla à Jean-François Copé. "Il a très mal réagi !", reconnaît Novelli. "Tu ne peux pas me laisser tomber, après tout ce que j’ai fait pour toi", s’est insurgé le maire de Meaux.

Alain Juppé

Le père fondateur de l’UMP ne restera pas inerte. A de rares nuances près, il n’a pas fait entendre sa différence pendant la campagne, même s’il lui est arrivé de regretter une "mise en cohérence" un peu défaillante. En privé, il se montrait surtout sévère à l’égard de Jean-François Copé, atteint, selon lui, par "un excès d’assurance" et le syndrome de la "grosse tête". Le maire de Bordeaux, qui a rencontré le secrétaire général de l’UMP le 2 mai, ne lui laissera pas carte blanche pour la suite des opérations. Il estime que le prochain président du parti (dont l’élection est prévue dès lors que Nicolas Sarkozy n’est plus le chef de l’Etat) ne sera pas de facto le candidat à l’Elysée en 2017, puisque, dans son esprit, des primaires devront être organisées à l’automne 2016.

Xavier Bertrand

"Je ne serai plus le n° 2 de personne, assurait-il en fin de campagne. Je change de registre et de costume, quel que soit le résultat." L’oeil toujours rivé sur les sondages, il se réjouissait même d’être le deuxième ministre le plus populaire du gouvernement Fillon, derrière Alain Juppé, et d’être passé devant Jean-François Copé dans d’autres baromètres. Son objectif est clair : devenir présidentiable. Une difficulté immédiate se présente à lui : se faire réélire dans sa circonscription de l’Aisne, où, le 22 avril, François Hollande (28,1%), Nicolas Sarkozy (25,2%) et Marine Le Pen (24,9%) sont arrivés dans un mouchoir. Pour viser ensuite la présidence du groupe ?

Les anciens de l’UDFLes anciens de l’UDF sont prêts à sortir du bois. Jean-Pierre Raffarin "ne s’interdit rien" et n’exclut pas de se porter candidat à la présidence de l’UMP. Jean-Louis Borloo, qui a disparu de la campagne aussi vite qu’il était apparu, ne veut pas davantage d’un parti dont il dit qu’il est (re)devenu "le RPR à tous les étages".

Et aussi...Nathalie Kosciusko-Morizet, qui fut chahutée comme porte-parole du candidat ; Valérie Pécresse, dont la priorité est de conquérir la région Ile-de-France en 2014 ; François Baroin, qui doit maintenant réussir à incarner une sensibilité au sein d’une droite déboussolée idéologiquement ; Bruno Le Maire, qui se considère, sur la foi des syndicats agricoles, comme le "meilleur ministre de l’Agriculture depuis Jacques Chirac" et veut poursuivre son ascension express ; Laurent Wauquiez, qui a commencé à se constituer une identité et revendique quelques troupes

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