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Lutte des Plysorol : un sursis qui s’éternise !

par Journal Racailles

Publie le samedi 14 juillet 2012 par Journal Racailles - Open-Publishing

ARTICLE PUBLIE DANS LE JOURNAL "RACAILLES" N°63

A Lisieux, l’avenir pour les centaines de salariés du fabricant de contreplaqué Plysorol n’est plus qu’un vague mot sans consistance. Le bilan a encore été déposé début juin pour cessation de paiement. Difficile de garder espoir alors que depuis maintenant plus de trois ans l’entreprise vacille de dépôts de bilan en redressements judiciaires. Une entreprise en difficulté et qui pourtant possède des ressources très particulières...

Les cordes au cou.

L’affaire dure depuis des années sans que rien ne change pour les 277 salariés français de Plysorol International, dont 70 à Lisieux (siège du groupe). Plysorol c’est encore en 2007 40 % du marché de contreplaqué en France et 32 % en Europe. Alors que l’entreprise terminait l’exercice 20007 à l’équilibre, 10 millions de trou sont apparus dans les comptes début 2008 (le chiffre d’affaire en 2007 atteignant 120 millions). Malversations ? Crise ? Mauvaise gestion ? C’est en tout cas une descente aux enfers pour les salariés de l’entreprise et des sous-traitants, des familles entières dont la vie se suspend. Les témoignages sont à chaque fois les mêmes. Ce sont ceux que l’on entend dans toutes ces boîtes qui ferment depuis que seule la finance dicte les règles du jeu. Ce sont des hommes, des femmes résignés à dire qu’ils aiment ce qu’ils font, un peu à contre cœur. Ce sont des familles qui ont le crédit de la maison, parfois un conjoint déjà sans boulot... Le ciel est sombre pour eux et c’est de cela que vient leur orage, leur révolte, leur résistance. Est-ce suffisant ? Cela permet de garder au moins une chose : la dignité.

Fin 2008 premier redressement judiciaire pour l’entreprise. Il ne reste que 40 000€ dans les caisses et c’est au régime national de garantie des salaires (AGS) de payer les employés pour Noël – sans le 13ème mois apprécie quand on est déjà payé au minimum. L’activité se maintien tant bien que mal, l’objectif étant de trouver un repreneur. Faites entrer les lions...

Premier repreneur, le chinois Guohua Zhang rachète la

boîte en mars 2009. Grand discours, grandes promesses. Aucun emploi ne sera supprimé. Chacun veut y croire. Résultat : liquidation et dépôt de bilan un an plus tard et l’ouverture d’une enquête préliminaire pour abus de biens sociaux et banqueroute. Le parquet de Lisieux doit trancher prochainement. Déjà en concurrence pour la reprise en 2009, c’est au tour du groupe libanais John Bitar & Co de Ghassan Bitar de tenter sa chance pour presser le citron au max. Dès la reprise en octobre 2010 on assiste au même cirque : grands discours, grandes promesses et... 151 des 432 emplois supprimés (il en proposé 50 en 2009). Le coup est réussi pour l’homme d’affaire qui n’a eu que 550 000€ à sortir pour racheter l’entreprise, ses trois sites français et surtout ses filiales internationales (et 900 000€ pour les salaires depuis juin 2010). Bitar s’engage à maintenir l’activité pendant deux ans. Après...

Résistance !

Dès l’annonce des 151 licenciements (touchant exclusivement Lisieux et ses 225 employés) les salariés se mobilisent et ne veulent pas se faire entuber une seconde fois par le chant des sirènes capitalistes. L’annonce par le ministre de l’industrie d’alors – Chrichri Estrosi – met le feu aux poudres : il propose son grand soutien à Bitar et seulement une prime de licenciement un peu plus élevée pour les licenciés. A Lisieux on séquestre un manager, on manifeste, les piquets de grève se multiplient et l’occupation de l’usine est décrétée ! Malheureusement, malgré la combativité ouvrière, on ne se bat plus que pour obtenir des primes de licenciement supérieures à 20 000€. L’accord avec l’AGS va de 12 à 30 000€ (puis est remis en cause en avril 2011). L’occupation dure plus d’un mois et en même temps c’est le chômage technique qui touche les restants. L’activité est suspendue jusqu’à juin 2011. Et rebelote en avril dernier : chômage technique indéterminé pour 46 puis 55 des 70 salariés aboutissant au dépôt de bilan puis au redressement judiciaire début juin.

Le pactole africain

Le tribunal de commerce de Lisieux se donne deux mois pour évaluer les dégâts et tenter d’y voir plus clair sur l’organisation du groupe Plysorol. Dans les faits Bitar a supprimé un poste sur quatre, a mis une partie du reste des salariés au chômage technique durant sept mois et n’a réalisé aucun des investissements prévus. Il semble clair qu’en octobre, c’est à dire deux ans après la reprise, il fermera les sites français pour ne garder que ce qu’il l’intéressait.
Car en rachetant l’entreprise Bitar a vu qu’il mettait la main sur un gros magot. Plysorol emploie également à l’étranger : 300 employés au Gabon pour faire tourner l’autre partie de la boutique... quelque 600.000 ha de forêts très convoitées pour leur okoumé, un composant clé du contreplaqué. Ainsi Plysorol a un contrôle total sur sa filière : extraction, exportation, transformation. Comme souvent ce sont donc les richesses de l’Afrique qui enrichissent les entreprises du Nord ! Elle était si belle mon époque coloniale, pourquoi tirer un trait dessus ?! Et aujourd’hui une étape semble de trop pour Bitar. Pourquoi exporter alors qu’il peut transformer sur place et qu’en plus des changements dans la législation gabonaise l’y oblige davantage ? Comme son prédécesseur chinois, Bitar est donc soupçonné de chercher à liquider les activités françaises de la société et de n’avoir racheté Plysorol que pour les juteuses forêts gabonaises.

Pendant ce temps à Lisieux comme sur les deux autres sites français (en Vendée et dans la Marne) on s’attend à de fortes restructurations avec un « plan de continuation » sans se faire d’illusions sur les suites. Mais le combat continue. Soutenons-les ! La prochaine audience au tribunal de commerce a lieu le 26 juillet.

http://www.racailles.info/2012/07/plysorol-un-sursis-qui-seternise.html