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La Grèce tente une contre-offensive contre ses néonazis, devenus omniprésents

par ANTIFA

Publie le vendredi 21 septembre 2012 par ANTIFA - Open-Publishing

Le gouvernement grec s’est résolu à hausser le ton face au parti néonazi Aube dorée, omniprésent dans la rue et en pleine forme dans les sondages, après son entrée au Parlement à la faveur de la crise. Après des années d’incurie face à l’extrémisme de droite, qui bénéficie de collusions policières et de l’inertie judiciaire, les autorités grecques semblent avoir pris conscience de la menace qui se profile pour une société démocratique.

Après avoir lui-même tonné contre une "invasion" immigrée qui menacerait "la survie" nationale, le ministre de l’ordre public, Nikos Dendias, a fini par lancer la contre-offensive réclamée depuis des mois par les défenseurs des droits de l’homme. Il a décrété la tolérance zéro contre les groupes auteurs de violences, qu’il a désignés comme des "sections d’assaut", dans une référence directe aux SA hitlériennes. Il a également menacé les députés néonazis d’arrestations en cas de flagrants délits, les a privés de gardes du corps, et a fait tomber quelques têtes policières trop évidemment complaisantes.

La justice a elle aussi haussé le ton, en demandant la levée de l’immunité parlementaire de trois élus néonazis accusés notamment d’usurpation d’autorité, tandis que son ministre, Antonis Roupakiotis dénonçait des "comportements nazis, fascisants et inhumains de cadres d’Aube dorée". Un test crucial de cette nouvelle détermination sera la reprise prévue mardi, après sept ajournements, d’un procès de trois activistes accusés d’avoir poignardé des Afghans.

CONTRÔLES D’IDENTITÉ

C’est en se substituant ouvertement à la police, en menant des contrôles de papiers d’identité début septembre dans un marché de plein air, suivis de saccages d’étals, le tout diffusé sur Internet, qu’Aube dorée a déclenché ce sursaut. Mais pour le journaliste Dimitris Psaras, spécialiste de l’extrême droite, cette escalade s’inscrit dans une "stratégie de tension très organisée et coordonnée" d’Aube dorée.

Le syndicat professionnel des vendeurs ambulants a d’ailleurs salué les raids néonazis, tandis que responsables politiques et médias convenaient de l’impératif d’une lutte contre les vendeurs immigrés à la sauvette, accusés de ruiner les Grecs. Au vu de l’exaspération sociale, "Aube dorée veut faire réagir l’Etat dans le but d’apparaître comme la seule force antisystème", estime M. Psaras.

DÉMONSTRATION DE FORCE

Depuis cet été, Aube dorée (Chryssi Avghi) est dans la démonstration de force permanente. Ce parti est soupçponné d’orchestrer des violences visant, dans la rue, au travail ou à domicile, des étrangers ou présumés tels. Une situation qui a été dénoncée par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNCHR) fin août, ou encore par Human Rights Watch en juillet. Dans un rapport intitulé La haine dans les rues : la violence xénophobe en Grèce, l’ONG relatait : "Les migrants et les demandeurs d’asile ont parlé à Human Rights Watch de quartiers d’Athènes où ils ne vont plus à la nuit tombée car ils ont peur d’être attaqués par des groupes de Grecs souvent vêtus de noir et en quête de violence." Et assurait que des membres d’Aube dorée ont été impliqués dans certaines de ces attaques.

Lire le reportage : En Grèce, la grande détresse des migrants pris au piège de Patras

Cet ancien groupuscule semi-clandestin, qui a raflé en juin 18 sièges au Parlement grec, est "là pour rester", estime l’analyste politique Yannis Mavris. Après avoir obtenu 7 % aux élections de juin, Aube dorée est désormais créditée de plus de 10 % d’intentions de vote par plusieurs instituts de sondages. L’un d’eux lui octroie même le double de son score des dernières élections.

Au vu de son succès auprès des jeunes, de la "vague de désaffection des partis" traditionnels déferlant sur un pays en voie de paupérisation sous le poids de l’austérité, "il s’agit d’un nouveau phénomène, très dangereux pour le système parlementaire", ajoute M. Mavris. La gauche, dont la formation radicale Syriza représente près d’un tiers de l’électorat, juge désormais nécessaire la formation d’un "front antifasciste" susceptible d’allier toutes les forces démocratiques.

DU SANG "GREC POUR LES GRECS"

Injures et menaces lancées au Parlement, collecte de sang "grec pour les Grecs", distribution de colis alimentaires dont des gros bras chassent les non-Grecs, raids homophobes : pour la criminologue Sophia Vidali, Aube dorée "mène une politique activiste renvoyant au néofascime italien des années 1970".

L’objectif de la formation, dont les membres paradent en tee-shirt noir frappés du méandre grec, leur emblème, est "d’apparaître en justicier, en vengeur" d’une population mise sous pression par la crise et par les redoutables politiques de rigueur qu’elle a entraînées, relève Mme Vidali. Et aussi d’intimider, comme l’affectionne son chef. Le quinquagénaire Nikos Mihaloliakos, détenu deux fois pour violences dans les années 1970, est coutumier des menaces publiques.

La posture est d’autant plus porteuse que le centre politique est uni au sein d’un gouvernement de coalition droite-socialistes-gauche modérée, qui s’apprête à en rajouter dans l’austérité. Athènes est en effet sous la pression de ses principaux créanciers – la BCE, le FMI et l’UE – pour réaliser plus de 11,5 milliards d’euros d’économies. De ces efforts dépend le rapport de la troïka rassemblant ses créanciers, puis le versement d’une tranche d’aide de 31,5 milliards d’euros, vitale pour le pays, qui a des échéances de remboursement en novembre.

http://www.lemonde.fr/europe/article/2012/09/20/la-grece-tente-une-contre-offensive-contre-ses-neonazis-devenus-omnipresents_1763228_3214.html