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Le « non socialiste » est-il « hypocrite, grossier, menteur, et anti-européen » ?

Publie le mercredi 16 mars 2005 par Open-Publishing

de Gérard Filoche

Le « non socialiste » est-il « hypocrite, grossier, menteur,
et anti-européen » comme voudrait le laisser croire des propos tenus à la réunion des 400 socialistes du dimanche 13 mars ?

On a entendu beaucoup de petites phrases sur les « dérapages » dans le débat du referendum. Il faut en effet porter l’effort sur le fond, plutôt que de tomber dans des diversions. Mais alors, cela vaut visiblement, si on lit Le Figaro du 14 mars, pour les dérapages du « oui » socialistes, car ceux qui se sont produits dimanche 13 mars sont pires que tous les autres, en ce qu’ils portent sur le fond du débat ! Au cours d’un débat entre 400 socialistes délégués départementaux du « oui », réunis dimanche, il s’est tenu des propos dont le contenu, s’il est vrai, est carrément effrayant :

« Il faudra simplifier la question », a estimé l’ancien ministre Dominique Strauss-Kahn : « Oui ou non, sommes-nous pour la construction européenne ? » Et d’affirmer : « Ceux qui votent non ne sont pas pour la poursuite de la construction européenne. » Pour le député européen Harlem Désir, c’est aussi sur ce terrain qu’il faut se battre : « Il y a une idée que les partisans du non voudraient installer : qu’on peut être pour le non tout en étant pro-européen. C’est un bluff, un mensonge grossier. » Pour lui, ce « non » est « hypocrite, insupportable »

Là, c’est un dérapage infiniment plus grave, car il porte sur des idées de fond ! Il s’agit de dénaturer, de travestir sciemment des arguments, d’accuser les défenseurs du non de gauche, socialistes, Nps, Nm ou Fm, ou autres, d’ailleurs, d’être des « hypocrites, des menteurs grossiers », ne pas laisser s’installer l’idée qu’il peut y avoir un « non » - pro européen »....

La réunion qui s’est interrogée là-dessus, si elle s’est passé ainsi, et il n’y a pas eu de démenti, selon le récit du Figaro, est une réunion d’entraînement au trucage : ses arguments visent à organiser la tromperie délibérée de l’opinion, en faisant croire que on ne peut être à la fois pour le « non » et pour l’Europe !
Alors que, justement, les partisans socialistes du « non » sont totalement et à fond pour l’Europe, pour une Europe fédérale, pour une Europe sociale, démocratique, pour une constitution européenne. JUSTEMENT, ils veulent sauver l’Europe de cette constitution-là !
Et c’est ce qui permet d’ailleurs aux socialistes de pouvoir rester unis, et de se retrouver demain, car par-delà le oui et le non, ils veulent théoriquement défendre une même Europe sociale...

On doit pouvoir dire librement, en étant respecté, que la constitution de Giscard, et ses corollaires, les directives Bolkestein et de l’opt out, ce serait cela qui nuirait à l’Europe, cela qui opposerait les peuples entre eux, les salariés entre eux, ce serait la guerre du salarié letton contre le salarié suédois, la guerre du salarié polonais contre le salarié français, le principe du pays d’origine contre celui de l’harmonisation des droits par le haut... Or la directive Bolkestein est toujours en selle et elle est fondée explicitement juridiquement dans la constitution, ainsi que la directive opt out, ainsi que la remise en cause des services publics.
Discutons de cela, au lieu d’organiser les diversions sur autre chose.
La constitution est une chose décidément trop sérieuse aux yeux des européens sincères que nous sommes pour qu’on la laisse ainsi passer...

Gérard Filoche

(Démocratie & socialisme n°123 du 14 mars 2005)


Encart :

« Marc Dolez n’existe pas ! »

Au lieu de parler de la constitution libérale de Giscard et de la montée des luttes sociales qui nourrissent fort opportunément et ensemble, le « non » du 29 mai, il court, ces dernières heures, des polémiques sur des petites phrases mal venues des uns et des autres. Quand des phrases sont mal venues et qu’elles permettent de faire diversion, c’est évidemment dommageable.

Mais s’il en est une, qui est passée inaperçue, ce fut bien celle, prononcée par le premier secrétaire du Parti socialiste, concernant le député Marc Dolez, premier secrétaire fédéral du Nord.

Ainsi lorsque Marc Dolez a pris position « contre » le fait de changer, par avance, la Constitution française pour accueillir, avant même qu’elle ne soit ratifiée, la constitution européenne, d’une seule phrase, le principal dirigeant du Parti socialiste n’eut d’autre moyen d’exprimer son mépris que de dire, à tous les médias : « Marc Dolez n’existe pas ! ».

François Hollande, qui affirme ne « pas vouloir sanctionner », qui déclare se consacrer à « rassembler », et qui affirme vouloir incarner et faire gagner la lucidité des Français de gauche en faveur du « oui », qui appelle les autres à revenir sur leur « dérapage », s’est laissé aller à rayer d’un trait de salive, un homme, un militant, un socialiste, en un mot, un homme qui ne pense pas comme lui.

« Marc Dolez n’existe pas » ? Est-ce cela la peine de mort en politique ? Cela se veut pire, puisqu’il s’agit « au présent » de nier l’existence, le droit à la pensée, le droit à l’action d’un homme, c’est vouloir le renvoyer dans l’inconnu, le néant. Au présent, on lui nie même toute influence, et donc au futur, toute mémoire.

Pourtant Marc Dolez est un militant chevronné, actif, dévoué, respecté, élu, dirigeant de la plus ancienne fédération du Nord, fi : « il n’existe pas ». Ce n’est pas comme cela, en tous cas, qu’on bâtira un Nouveau parti socialiste ! pour construire un Nouveau parti socialiste, il faut défendre Marc Dolez lorsqu’il est ainsi attaqué et non pas cautionner l’attaque.

Qu’on en revienne rapidement au fond du débat entre militants de gauche qui se respectent et qui, quel soit le résultat du référendum, devront travailler ensemble !

D’autant que le temps presse et que l’on voit encore Chirac manœuvrer et faire semblant de concéder quelques revendications sociales pour mieux désarmer ensuite ceux, de plus en plus nombreux, (dont 39 % des électeurs socialistes selon le Journal du dimanche) qui veulent voter « non » le 29 mai prochain. On est face à une leçon de vérité où le « non » à Chirac et le mouvement social convergent, tandis que c’est notre parti, qui a obtenu, en juin 2004, 30 % des voix pour l’Europe sociale, qui s’efforce aujourd’hui de déminer le terrain et d’expliquer qu’il n’y a pas de rapport entre les deux, qu’il faut dissocier le vote « pour l’Europe » et le social !