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Le service d’ordre du PS caillassé par des anars

Publie le lundi 2 juin 2003 par Open-Publishing
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La « reprise du dialogue » avec les altermondialistes a fait chou blanc.

Par Vittorio DE FILIPPIS et Didier HASSOUX et Christian LOSSON

En clandestins, fondus dans la masse des manifestants anti-G8. Les militants du PS ont défilé hier, côté suisse, presque incognito. Oubliés les T-shirts couleur sable marqués du poing et de la rose, remballées les casquettes noires rehaussées du slogan : « Forum des socialistes pour une autre mondialisation. » « On s’est planqués derrière les banderoles de syndicats », avoue un dirigeant. Une discrétion supposée empêcher d’être pris à partie, malmenés, rabroués. Voire violentés par des militants altermondialistes. Comme la veille à Annemasse. Où, avant d’espérer empêcher les grands de ce monde de se réunir, un groupe d’anarchistes s’est fait les dents contre les éléphants. Pour eux, les hiérarques socialistes ne valent pas mieux que ceux du G8.

Pierres et poings. Dans la salle du centre culturel municipal de Château-Rouge, le forum organisé par le PS était pourtant censé célébrer, samedi, « une reprise du dialogue » entre socialistes et altermondialistes (Libération des 31 mai et 1er juin). Elle n’a pas eu lieu. Comme si l’espérance socialiste du congrès de Dijon « être en phase avec le mouvement social » s’était déjà dissoute dans la confrontation avec la rue.

Devant le centre culturel, l’affrontement entre quelque 400 « éléments autonomes » et les 150 bénévoles du service d’ordre du PS a duré trois quarts d’heure, avant que la police disperse les jeunes. Les gaz lacrymogènes répondant aux jets de pierre, les coups de poing au lancer de bouteilles remplies d’urine et d’excréments. Impossible de savoir lequel des deux camps a commencé. Une chose est certaine : l’opération « kamikaze » l’expression est socialiste a été fomentée la veille au Village alternatif, anticapitaliste et antiguerre (Vaaag). Les socialistes avaient été prévenus par leurs propres militants présents au Vaaag et par des sources policières. « L’idée était d’y aller mais symboliquement, précise un jeune manifestant anti-PS. Juste pour les emmerder. C’est leur service d’ordre qui a paniqué en nous voyant arriver. Ils se sont barricadés puis nous ont gazés. A ce moment-là, on a balancé des caillasses. » Bilan : deux blessés légers côté PS, aucune arrestation. Mais, surtout, la réouverture de la fracture entre la gauche de gouvernement et la gauche altermondialiste.

Même si François Hollande décommandé au dernier moment relativise l’événement : « Nous connaissons nos agresseurs, confie-t-il. Ce sont les mêmes anars qui nous ont empêchés de manifester pour la paix. Je ne les confonds pas avec la très grande majorité des altermondialistes. » « Ce n’est pas le mouvement qui nous rejette », veut croire également Kader Arif. Furieux, le secrétaire national du PS chargé de la mondialisation vilipende « ces petits connards qui, en usant de violence, font le jeu du G8. En empêchant la tenue de notre forum, ils empêchent les gens du Sud de s’exprimer ». Avant que l’affrontement ait lieu, Harlem Désir, député européen, avait vainement proposé aux manifestants de participer au débat : « Je veux bien qu’on se fasse engueuler pour ce que nous n’avons pas ou mal fait lorsque nous étions au pouvoir. Mais je ne supporte pas la casse imbécile. Je me suis battu pour que le PS adopte une attitude nouvelle vis-à-vis des altermondialistes. Mes efforts se soldent par un échec. »

« Le jeu des fascistes ». Même déception chez les altermondialistes officiels, invités à participer au forum socialiste. Bernard Pinaud, délégué général du Centre de recherche et d’information sur le développement, lâche un « ça fait chier ». Avant de se reprendre : « Ces incidents mettent en évidence le caractère hétéroclite des alters. Certains considèrent qu’on ne peut pas discuter avec le PS. Moi, je comptais leur rentrer dans le chou. Nous devons dialoguer avec tous les partis, sauf le FN. Ce qui s’est passé contribue à faire le jeu des fascistes. » Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture du Mali, reconnaît que « nombreux sont ceux au PS qui ont compris s’être trompés lorsqu’ils étaient au pouvoir. Ce débat aurait pu être pour eux le début d’une révision ». Kemal Dervis, ancien ministre turc de l’Economie et ex-vice-président de la Banque mondiale, en doute : « Les casseurs se sont trompés de cible », commence-t-il. Avant d’ajouter : « Peut-être pas tant que cela... » Une ambiguïté que le PS voudrait voir lever avant de s’engager en vue du prochain Forum social européen de Paris-Saint-Denis.

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