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LE 6 JUILLET 1880

par 2ccr

Publie le dimanche 6 juillet 2014 par 2ccr - Open-Publishing

C’est ce jour la que sur proposition de Benjamin Raspail, député de la gauche républicaine, fils de François-Vincent Raspail dont il avait partagé l’exil et les idées socialistes d’extrême gauche, l’Assemblée nationale vote une loi faisant du 14 juillet la fête nationale annuelle en commémoration de la prise de la Bastille et de la Fête de la Fédération.

De 1879 à 1885, la France connaît une poussée électorale importante vers la gauche. Les royalistes se voient de plus en plus marginalisés ; le légitimiste président Mac-Mahon démissionne, remplacé par un vieux républicain modéré et madré, Jules Grévy. Maîtres de l’Elysée, de l’Assemblée (Gambetta), du gouvernement, du Sénat (Léon Say), d’une majorité de grosses villes… la gauche, même diverse, prend plusieurs décisions hautement symboliques : transfert du siège des pouvoirs publics de Versailles (1871) à Paris (1879), amnistie accordée aux condamnés de la Commune (10 juillet 1880), adoption de La Marseillaise comme hymne national (1879) et du 14 juillet pour fête nationale (6 juillet 1880).

Cette gauche comprend des députés héritiers des révolutions de 1793, 1830, 1848 et 1871 comme Raspail, mais aussi des Républicains bourgeois comme le président Jules Grèvy et l’influent ministre Jules Ferry. Ils hésitent sur la date à choisir comme symbole de la nation républicaine. Ils sont partagés entre plusieurs dates, en particulier :

- le 5 mai 1789, ouverture des Etats généraux
- l’anniversaire du 14 juillet 1789
- le 4 août 1789 (abolition des privilèges de la noblesse et du clergé)
- l’anniversaire de la Prise des Tuileries qui marque la chute de la royauté (10 août 1792)
- l’anniversaire de Valmy, la proclamation de la République et premier jour de la grande Convention (20 et 21 septembre 1792)
- le 21 janvier 1793 (Louis XVI guillotiné)
- l’anniversaire du 24 février 1848

Toutes les dates ont des défauts. Dans la perspective historique émancipatrice, les députés autour de Raspail excluent plusieurs dates comme fête nationale républicaine :

- au 5 mai 1789, les monarchistes sont encore partie prenante du consensus autour d’un Roi n’ayant rien perdu de son pouvoir,
- le 4 août n’est guère qu’un consensus conjoncturel boiteux que la Convention complètera…

Finalement, le 14 juillet réunit la dimension révolutionnaire populaire de 1789 à la fondation plus consensuelle de la Nation en 1790 ; il symbolise mieux que les autres dates le passage de l’Ancien régime à la république.

Dans l’ouvrage "Les lieux de mémoire", Christian Amalvi résume bien les raisons politiques pour lesquelles la majorité républicaine a choisi cette date : « Le choix du 14 juillet 1789 comme fête nationale n’offre donc que des avantages aux républicains : en niant la division de la société française en classes antagonistes, il conjure un passé menaçant, mais, en proclamant sa volonté de poursuivre les promesses d’affranchissement moral et intellectuel, que faute de temps, la révolution française n’a pu tenir, il ouvre des perspectives d’avenir fondées sur la science, le progrès et la raison. »

Lors du choix d’une date comme fête nationale, la droite se bat, vent debout contre le 14 juillet "La date du 14 juillet ne rappelle pas seulement le triomphe de l’insurrection ; elle rappelle aussi et surtout les scènes de carnage et de cannibalisme qui préparèrent la Terreur mais qui l’avaient d’avance dépassée." (Le Figaro, 1878)

Depuis cette charge antirépublicaine, Le Figaro n’a pas progressé. Quant au 14 juillet, il est parfaitement passé dans les traditions populaires, et Pétain lui-même n’osera le supprimer comme jour férié.

D’autres dates historiques ci-dessous :

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