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"Europe, la trahison des élites", un livre de Raoul Marc Jennar

Publie le jeudi 21 avril 2005 par Open-Publishing
4 commentaires

by Henri Houben

Le nombre de livres qui tentent de démonter la structure du pouvoir dans l’Union européenne et qui dénonce le mythe européen n’est pas élevé. Aussi lorsqu’il y en a un qui sort, c’est un événement. Celui de Raoul Jennar, chercheur à Oxfam et bien connu dans le mouvement altermondialiste en Belgique, est intéressant à plus d’un titre.

Spécialiste des affaires de l’OMC, Raoul Jennar livre un témoignage et une analyse acerbe sur la manière dont fonctionnent les institutions européennes. Il critique le double langage de la Commission, ainsi que l’orientation clairement libérale de celle-ci, qu’elle soit sous l’emprise sociale-démocrate ou autre. Il énumère de nombreux faits qui montrent une Europe non pas moins mais plus libérale que les Etats-Unis, non pas moins mais plus agressive. Ce n’est pas fréquent, mais bien argumenté.

L’Union européenne prend un tournant ultra-libéral des plus dangereux, lit-on dans les programmes des partis sociaux-démocrates (PS, SP.a, etc.). De plus en plus, des mesures en faveur de libéralisation des marchés sont prises, sans contrepartie sociale. Pour éviter cette dérive, il faut soutenir les « socialistes » au parlement européen (et sans doute dans les autres enceintes), concluent ces programmes.

Mais qui sont ces ultra-libéraux qui élaborent et adoptent ces dispositions d’ouverture tout azimut en faveur des capitaux et des biens ?

Manifestement, cette question taraude également Raoul Marc Jennar, docteur en science politique, chercheur à Oxfam Solidarité (Belgique), ainsi que pour l’Unité de recherche de formation et d’information sur la globalisation (URFIG, France).

Raoul Jennar est spécialiste des dossiers sur l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans ce cadre, il suit l’évolution de la politique européenne par ses différents représentants. Et ce qu’il constate n’est guère réjouissant, ni flatteur. Malgré des discours humanistes, voire tiers-mondistes, en faveur du développement, de la coopération et du partenariat, l’Europe pratique, en fait, une recolonisation des pays du tiers-monde.

Raoul Jennar analyse plusieurs problèmes où la responsabilité de l’Union européenne est patente : le projet de Constitution, l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) et les relations au sein de l’OMC même.

L’Union contre les Européens

D’abord, il est obligé de constater que la construction européenne est une élaboration dénuée de fondements démocratiques.

Une Constitution établit généralement que tout le pouvoir émane du peuple. Pour le projet européen, il n’en est nullement question. Le parlement, seul organe élu par les citoyens, ne dispose toujours que de peu de pouvoirs. La Commission, en revanche, groupe d’une vingtaine de personnes désignées par les gouvernements, détient des possibilités d’agir immenses, sans devoir rendre compte à personne.

Par ce biais, non voulu par les électeurs et certainement non débattu parmi eux, la Commission s’arroge des droits incroyables, notamment en ce qui concerne l’orientation très libérale de la construction européenne et des négociations commerciales pour lesquelles c’est le commissaire qui possède le monopole des transactions à l’OMC. De ce fait, il est clair que cet organe a des liens très étroits avec les milieux des affaires comme la Table ronde des industriels européens (ERT, pour le sigle en anglais), qui regroupe environ 45 de présidents de grandes multinationales européennes (non financières), l’UNICE, la confédération patronale européenne, et le Transatlantic Business Dialogue (TABD), qui réunit quelque 150 patrons de grandes firmes des deux côtés de l’Atlantique. C’est leur politique qui est suivie. Notamment le TABD établit chaque année une liste de recommandations que les administrations américaines et européennes avouent suivre. Ce sont leurs intérêts qui sont défendus.

Pourtant, les documents officiels européens prétendent que la Commission est « une institution dont la vocation est la représentation totalement impartiale de l’intérêt général » . Et le projet de Constitution affirme : « La Commission européenne promeut l’intérêt général européen et prend les initiatives appropriées à cette fin » (article I-25, point 1). Raoul Jennar répond : « Cette seule formule, si elle était prise au sérieux, suffirait, après confrontation avec les pratiques de la Commission, à donner la dimension de son échec et à justifier sa suppression. Il n’existe sur le continent européen aucune institution dotée de la puissance publique qui se consacre aussi servilement que la Commission, à satisfaire les exigences d’intérêts particuliers au mépris de l’intérêt général » (1).

La Commission est une machine à libéraliser, à privatiser, à démanteler les services publics, appelés pour ce faire d’ailleurs services d’intérêt général. En fait, elle prend une partie du pouvoir autrefois détenu par les Etats et les parlements nationaux, sans que soit mise en place une capacité de contrôle au niveau européen. C’est un dessaisissement pur et simple. Raoul Jennar en conclut : « force est de constater que plus il y a d’Europe, moins il y a de démocratie » (2). Tiens quels sont les partis qui ont une telle analyse ?

Bombardement économique du Cambodge

En ce qui concerne les relations avec le tiers-monde, notamment à l’OMC, Raoul Jennar constate que l’Union européenne est souvent l’acteur le plus agressif. Se cachant derrière un discours enjoliveur sur le partenariat de l’Union, le commissaire chargé du Commerce mène des discussions souvent musclées pour ouvrir les marchés aux capitaux et aux marchandises des grandes entreprises européennes. Ce qui est généralement peu connu (et qui devrait se faire savoir).

Raoul Jennar prend plusieurs exemples. Ainsi, il relate les matières pour lesquelles, dans le cadre de l’AGCS, l’Union demande aux pays du tiers-monde d’ouvrir leur marché. L’accord sur les services prévoit, en effet, une négociation bilatérale entre Etats où chacun de ceux-ci font des requêtes auprès des autres pour qu’ils libéralisent leur législation. Dans ce cadre, la Commission a établi une longue liste dont voici quelques exemples : demande de supprimer le monopole public de l’eau pour le Botswana, l’Egypte, le Honduras et la Tunisie ; lever la restriction sur les investissements étrangers à Cuba et en Indonésie, sur les participations étrangères dans les télécommunications au Kenya et dans les assurances en Malaisie ; interdiction au Cameroun d’obliger à créer de l’emploi pour tout investissement de plus de 10.000 euros ; etc. (3). De cette façon, l’Union a précisé ces requêtes pour 91 des 94 pays du tiers-monde inscrits à l’OMC en ce qui concerne la libéralisation des télécommunications, pour 23 en ce qui concerne la poste, etc. Malgré la volonté affichée de ne pas effectuer plus de quatre demandes aux PMA (les pays les moins avancés), l’Union en a adressé, à elle seule, 7 à la Tanzanie et à l’Angola, 6 au Bangladesh, à Madagascar et au Mozambique, 5 à la Birmanie, à l’Ouganda, au Congo et au Sénégal...

Le commissaire européen au Commerce est également le principal promoteur de l’introduction d’un nouvel accord sur l’investissement (le fameux AMI qui avait été finalement refusé à l’OCDE en 1998), au sein de l’OMC. Grâce à l’Inde, la Chine et d’autres pays du tiers-monde, un tel traité n’est pas encore passé. Notamment, à Cancun, le dernier sommet interministériel de l’organe, le Sud a bloqué cette nouvelle avancée de la libéralisation.

Autre exemple frappant : les négociations pour permettre l’entrée du Cambodge dans l’OMC. Le pays, durement frappé par vingt ans de guerres et de conflits, est un des plus pauvres de la planète. En 1994, avant même la naissance de l’organe du commerce, il manifeste sa volonté d’en devenir membre. De ce fait, il bénéficie, selon les règles mêmes de l’OMC, d’un droit d’application des mesures de libéralisation plus lent que les autres Etats. Mais, pour son malheur, le Cambodge survit essentiellement grâce à l’aide extérieure.

Les pourparlers, essentiellement avec l’Australie, les Etats-Unis, l’Union européenne, débutent en 1999 et durent quatre ans. Ces trois gouvernements vont lui faire payer très cher leur contribution financière. Alors que 80% environ de sa population vit de l’agriculture, le Cambodge ne peut protéger ce secteur (ce que l’Union européenne peut faire encore pendant quelque 50 ans, par exemple). Il ne peut donner des subsides à l’exportation. Il s’inscrit à l’organe qui gère les brevets et dénonce la piratage industriel. Ce qui va certainement l’obliger à acheter très cher les engrais chimiques et les produits pharmaceutiques, alors que ce pays connaît des taux élevés des cas de sida, de tuberculose et de paludisme. Phnom Penh a dû également réduire les tarifs douaniers sur des produits aussi essentiels que le riz, le blé, le tabac, les produits laitiers et l’alcool. Et, en matière des services, l’Union européenne l’a poussé à accepter des engagements de libéralisation dans soixante secteurs des services (dans le cadre de l’AGCS), ce qu’aucun autre pays au monde n’a fait (4).

Le ministre cambodgien du Commerce en a conclu à l’issue des négociations sur l’adhésion de son pays à l’OMC : « Supposé être le chemin vers le jardin d’Eden, en réalité ce n’est qu’un sentier dans la jungle, bourré de mines, d’embuscades de guérillas, de tigres et de piranhas » (5).

Jaurès, reviens ! Ils nous ont trahis

Ainsi, Raoul Jennar épingle la Commission comme étant l’organe qui libéralise à tour de bras. Mais qui trouve-t-on dans celle-ci ? En fait, sur vingt commissaires, dix appartiennent au mouvement social-démocrate. Pas des libéraux ou des hommes de « droite » donc. Le commissaire chargé du Commerce n’est autre que Pascal Lamy, membre influent du parti socialiste français. Autrement dit, un adversaire déclaré de la mondialisation libérale sauvage. Son dernier livre en atteste (6). Mais déclaré ne signifie pas pratiquant. Raoul Jennar s’aperçoit de la duplicité de langage utilisée par la social-démocratie européenne. Réticente à la libéralisation tout azimut, se prononçant ouvertement pour le maintien et la défense des services publics, elle agit en sens contraire.

Raoul Jennar dresse le portrait de Pascal Lamy. Son parcours universitaire est celui de l’élite de la nation : Hautes études commerciales (HEC) et Ecole nationale d’administration (ENA) ; ensuite, passage obligé à l’Inspection générale des Finances. De 1975 à 1981, il travaille à la direction du Trésor. Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, il entre au cabinet de Jacques Delors comme directeur adjoint. Le futur président de la Commission est alors ministre de l’Economie et des Finances. Il convainc ses collègues en 1983 qu’il faut se soumettre aux « lois du marché » et instaurer la « rigueur ». Pascal Lamy atterrit au cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy pour y piloter ce changement de cap. Ensuite, Delors passant à la Commission, il choisit Pascal Lamy comme directeur de cabinet et comme sherpa. Celui-ci y reste jusqu’à la fin du mandat de son mentor. Il est, durant ce temps, également membre du comité directeur du PS français. Fin 1994, il entre au Crédit Lyonnais, banque encore publique dirigée par un autre « socialiste » Jean Peyrelevade. Il en devient le directeur général cinq ans plus tard. Il est chargé de la privatisation dans un climat difficile, puisque la banque est durement touchée par la récession et les affaires douteuses dans l’immobilier. En même temps, il préside la commission « prospective » du CNPF, l’ancêtre du Medef, la fédération patronale française. Il est aussi membre de la Rand Corporation, think tank américain lié au Pentagone et à l’industrie militaire d’outre-Atlantique. En 1999, il est proposé par Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn pour occuper le poste de commissaire européen au Commerce.

Son parcours le situe très nettement. Au Crédit Lyonnais, le syndicat CGT l’appelle « celui qui a organisé la casse sociale », le « para », la « brute », l’ « Exocet » (7). Comme commissaire européen, il fait allégeance au patronat européen. Il assiste régulièrement aux conférences annuelles du TABD (et au forum économique mondial de Davos, ainsi qu’à l’European Business Summit, tous les deux ans, organisé par l’UNICE et la FEB à Bruxelles). C’est lui qui a annoncé que dans les négociations sur l’AGCS, l’Europe n’exigerait rien d’important aux PMA. Après la conférence de Cancun, le journaliste britannique d’investigation au Guardian, George Monbiot, écrit : « S’il y avait un prix Nobel de l’Hypocrisie, cette année il serait décerné à Pascal Lamy » (8).

Et Pascal Lamy n’est qu’un exemple parmi d’autres. Car les partis sociaux-démocrates n’hésitent pas à voter les textes venant de la direction du Commerce ou d’autres, en faveur des libéralisations ou des démantèlements des services publics. Ainsi, seule une petite minorité de « socialistes » s’est opposée au projet de la Constitution (9), qui prône pourtant le libre marché et la libre concurrence.

J’existe donc je résiste !

Raoul Jennar indique également quelques pistes d’alternative. Elles ne sont pas les moins intéressantes.

D’abord, il souligne l’importance de dénoncer le mythe de l’Union européenne. « L’Union européenne » , écrit-il en introduction, « s’est révélée être l’alibi de ce que Pierre Bourdieu appelait une restauration conservatrice » (10). Et il ajoute une citation du célèbre sociologue français : « La social-démocratie convertie au néo-libéralisme ne souhaite pas cette Europe sociale. Les gouvernements sociaux-démocrates persévèrent dans leur erreur historique : le libéralisme d’abord, le « social » plus tard, c’est-à-dire jamais, parce que la dérégulation sauvage rend toujours plus difficile la construction de l’Europe sociale » (11). Sur ce plan, il se déclare trahi par la social-démocratie.

Deuxièmement, Raoul Jennar souligne qu’il peut y avoir une volonté politique pour inverser la vapeur. Il n’y a pas de fatalité à accepter le libéralisme, qu’il soit coloré de « gauche » ou de « droite ». Il lance, après avoir réaffirmé l’existence du prolétariat et de la lutte des classes : « Il faut refonder la gauche pour refonder l’Europe » (12). Et ceci est différent de la « recherche électoraliste d’une alternance au pouvoir » (13).

Troisièmement, cette réinvention de la gauche doit commencer par la défense des droits des gens par eux-mêmes. Raoul Jennar rappelle l’article 35 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens, proclamée le 26 juin 1793 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » (14). Et il conclut : « Nous existons parce que nous résistons » (15).

Henri Houben

(1) Raoul Marc Jennar, Europe, la trahison des élites, éditions Fayard, Paris, 2004, p.47. (2) Raoul Marc Jennar, op. cit., p.45. (3) Raoul Marc Jennar, op. cit., p.132-134. (4) Raoul Marc Jennar, op. cit., p.178-179. (5) Cité par Raoul Marc Jennar, op. cit., p.176. (6) Pascal Lamy, La démocratie-monde. Pour une autre gouvernance globale, éditions Seuil, Paris. Nous en avons dressé la critique sur ce site (voir : Groupe de travail Europe : La critique de Pascal Lamy. (7) Cité par Raoul Marc Jennar, op. cit., p.21. (8) Cité par Raoul Marc Jennar, op. cit., p.23. (9) Raoul Marc Jennar, op. cit., p.95. (10) Raoul Marc Jennar, op. cit., p.14. (11) Raoul Marc Jennar, op. cit., p.87. (12) Raoul Marc Jennar, op. cit., p.186. (13) Raoul Marc Jennar, op. cit., p.185. (14) Raoul Marc Jennar, op. cit., p.188. (15) Raoul Marc Jennar, op. cit., p.189.

Raoul Marc Jennar , Europe, la trahison des élites , éditions Fayard, Paris, 2004, 251 pages

Messages

  • Lu ce matin dans le Figaro :

    " Certes, le « plan B » au non français n’existe pas sur le papier, pas encore. Mais dans les esprits, il est déjà abouti. Il vient s’ajouter au plan secret concocté par Paris et Berlin en cas de non britannique. Plus récente, la version destinée au possible non français est le fruit d’un travail d’experts mené entre Bruxelles et les capitales depuis dix jours. Il s’appuie sur les compétences des juristes, des diplomates et des chercheurs des « think tanks » bruxellois.

    Dans ses grandes lignes, il s’agit d’un scénario technique, en plusieurs étapes, misant sur le temps et les évolutions politiques dans les capitales. « Les solutions légales pour sauver le traité d’un non ne manquent pas, concède un chercheur du Centre européen de sciences politiques (Ceps), mais peu nombreuses sont celles qui s’adaptent politiquement au cas français. » Un exemple : si Bruxelles est passé maître dans l’art de faire revoter les peuples malentendants – elle l’a fait avec les Danois en 1992 et les Irlandais en 2001 –, une telle option, toujours possible en théorie, paraît impensable politiquement avec les Français. « Ils râleraient tellement fort !, confie un haut fonctionnaire de la Commission, et ils auraient raison : ce qu’on a fait avec le Danemark et l’Irlande était limite... »

    # Première étape : après le 29 mai, les ratifications continuent.
    C’est dans la logique du traité constitutionnel, signé par les Vingt-Cinq, à Rome, le 29 octobre 2004. Un traité international est soumis à des règles intangibles. « Les Vingt-Cinq pays de l’Union doivent avoir l’occasion de s’exprimer sur ce texte », insiste le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Bernard Bot. Interrompre, ce serait nier les ratifications qui auront précédé le vote français, en Espagne, en Italie et en Allemagne notamment. Le Danemark et les Pays-Bas ont déjà annoncé qu’ils n’annuleraient pas leurs référendums. « La machine à ratifier ne s’arrêterait pas si la France disait non. Ce serait impossible », assure-t-on à la Commission. Jacques Chirac l’a reconnu jeudi soir sur TF 1. Le scénario de la poursuite des ratifications aura le mérite de relâcher la pression sur la France. Par effet de domino, ou par euroscepticisme, d’autres pays pourraient dire non, notamment les Pays-Bas le 1er juin, la Pologne le 25 septembre, et le Danemark le 27 septembre. Pendant ce temps, le traité de Nice continuerait à s’appliquer et il n’y aurait aucune crise institutionnelle à Bruxelles. « C’est en France qu’il y aura une crise. Pas à Bruxelles », assure-t-on dans la capitale européenne.

    # Deuxième étape : le Conseil européen fait le bilan politique,
    dès 2005, puis en 2006. Cette étape de bon sens est prévue par le traité lui-même, les dirigeants européens ayant prévu, avant de signer, l’hypothèse d’un ou plusieurs non. Il s’agit de la déclaration n° 30, annexée au traité. « Si, à l’issue d’un délai de deux ans à compter de la signature du traité établissant une Constitution pour l’Europe, les quatre cinquièmes des Etats membres ont ratifié ledit traité, et qu’un ou plusieurs Etats membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question. »

    Chaque Conseil européen, notamment celui du 16 juin prochain, permettra de faire le bilan. Si la France et les Pays-Bas, deux pays fondateurs, disent non, le prochain sommet européen sera évidemment consacré à la question. Toute interruption du processus de ratification, à ce stade, nécessiterait un accord unanime des Vingt-Cinq, ce qui semble improbable, même si Tony Blair pourrait être tenté de dire : « J’annule mon référendum. » « Cette étape cruciale, purement politique, doit permettre de dédramatiser la non-ratification éventuelle du traité, et déjà d’ouvrir d’autres pistes pour montrer que l’intégration européenne, même ralentie, continue », explique un diplomate allemand.

    # Troisième étape : le traité est dépecé. Il entre en vigueur par morceaux.
    Suivant le nombre de non enregistrés en fin de course, la Constitution est soit enterrée, soit renégociée en partie. Dans les deux cas, une nouvelle négociation politique s’engage. Mais sur des bases entièrement nouvelles. Si le rejet n’est pas trop massif, il est possible d’établir un « traité bis », allégé de la partie III, par exemple, concentré uniquement sur les institutions. Si plusieurs grands pays votent non, la France, la Pologne et la Grande-Bretagne, par exemple, le traité est mort politiquement mais il peut être ressuscité en partie. Il suffira de sélectionner ses innovations les plus consensuelles et de les introduire par accord intergouvernemental ou interinstitutionnel (Conseil, Commission, Parlement), ou encore par un petit traité d’une page ratifié par les parlements.

    Plusieurs innovations sont techniquement « récupérables » : la présidence stable du Conseil, le ministre des Affaires étrangères de l’Union, le service diplomatique commun, l’Europe de la défense, la suppression des droits de veto dans certains domaines, le droit de regard des parlements nationaux. Cette « récupération » du traité par morceaux peut se faire à l’unanimité dans certains cas (les plus consensuels) ou par petits groupes de pays, qui piocheraient, dans le traité ou en dehors, ce qui les intéresserait. Ce serait la consécration de l’Europe à plusieurs vitesses, dans laquelle la France et l’Allemagne ne joueraient plus de rôle moteur."

    En clair : tout va bien sauf qu’il y aurait crise politique en France. Ce que les partisans du non veulent déclencher. En outre, l’affaiblissement du "rôle moteur" de la France et de l’Allemagne serait-il une catastrophe d’un point de vue de gauche. ? En aucune manière, et l’article à propos du livre de Jennar illustre bien la duplicité des gouvernants allemands et français. En gros, ils se servent de l’Europe, dans un jeu de billard à une bande, pour démanteler des dispositifs nationaux de protection sociale, parce qu’ils n’ont pas le courage ou la force, de les imposer par "consensus" ou en affrontant ce qui reste de classe ouvrière organisée, comme dans les pays scandinaves, en GB ou aux Pays-Bas. Leur opposition même à la guerre d’Irak était purement d’opportunité : L’Allemagne n’a pas voulu régler la facture du conflit, comme elle le fît (avec le Japon) pour la guerre du Golfe 1, et parce que l’électorat, qui allait balayer Schröder et Fischer pour cause de chomage et de régressions sociales, a finalement battu en septembre 2002 la CDU va-t-en-guerre ; la France, parce qu’elle est en opposition avec les USA qui lui taille des croupières dans son pré-carré africain et maghrébin d’une part, et parce que les trusts français avaient gros à perdre à la chute de Saddam Hussein. Mais cette position, opportuniste donc, ne remet pas en cause leurs engagements respectifs dans le néo-impérialisme de l’OTAN : les troupes "spéciales" franco-allemandes jouent un rôle décisif aujourd’hui dans la guerre en Afghanistan, dans les menées subversives en asie centrale ex-soviétique, dans les tentatives de déstabilisation de l’Iran etc. L’Union européenne franco-allemande subventionne à tour de bras l’équipement militaire "normes commandement intégré de l’OTAN" (=américain) des pays nouvellment intégrés à l’OTAN (Pologne, Pays Baltes, Tchéquie et Slovaquie, Hongrie), occupent conjointement aux anglo-américains 1/3 de l’ex-Yougoslavie. Sur le plan économique mondial, le rôle néfaste de l’Union européenne, est principalement le fruit de la défense des intérêts des trusts français et allemands (auprès desquels les autres capitalismes européens restent périphériques), pour la sauvegarde égoïste de leurs classes moyennes et bourgeoises. Les "petites" nations européennes ont tout à craindre de "l’axe" franco-allemand. Les peuples du sud et de la périphérie subissent déjà trop les effluves mal odorants et dévoreurs d’énergie du "moteur" franco-allemand. En ce sens si la défaite du oui aux élections françaises du 29 mai pouvait gripper ce sinistre "moteur nucléaire" franco-allemand, ce serait déjà bien.
    Pour le reste, nous faisons confiance aux bureaucrates de Bruxelles et des autres capitales pour appliquer le "plan B", et ainsi d’éviter le "chaos" ("business as usual"). Quant à la France, nous allons tout droit vers une crise ministérielle, un règlement de compte au PS, un duel Sarko-villepin sur les douves du château de Vincennes à 5 heures... la routine quoi !

  • Cela confirme ce que j’ai écrit il y a quelques temps :


    Note personnelle, pas si hors débat que cela :

    J’en ai un dans le collimateur, qui a travaillé pour lui, qui se fait discret et qui continue son petit bonhomme de chemin, c’est Pascal Lamy. Il s’est fait un beau CV, à tel point que beaucoup de monde lui projette la direction de l’OMC. Tiens, il ne dit rien en ce moment, pourtant, il devrait être concerné. Mais il y a la carrière, on ne se mouille pas. Il y en a d’autres du même acabit, type MOSCOVICI, le surmédiatisé, payé par l’Europe, après avoir été battu, mais on aide les copains...

    Sans autre commentaire.

  • Je trouve cet article très interressant et je pense que les personnes qui l’on écrit, l’écrivain Mr Raoul Marc Jennar et toute personne qui lirait ce livre et soutiendrait les points de vue qui y sont développés, auraient intérêt à faire un tour sur un site : http://spaces.msn.com/clicclap/.
    Pour ma part je me permets de mettre un lien de votre article sur mon blog, si celà ne vous dérange pas, (sinon faites le moi savoir sur mes coms) merci.
    Bien respectueusement Amarelis1 http://spaces.msn.com/pointdevueaufeminin/