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Une étude sur les trolls : sociologie du commentaire indésirable

Publie le mercredi 13 août 2014 par Open-Publishing

Une étude américaine décortique les commentaires litigieux postés par les internautes sur les sites d’information, et permet d’en savoir un peu plus sur les « trolls ». Toute ressemblance avec Rue89...

Authentiques trolls norvégiens (Pierre Haski/Rue89)

Les trolls sont une espèce bien connue d’internautes en mal de sensations fortes. Ils se baladent nonchalamment aux confins de l’Internet pour s’amuser de leurs voisins, souvent par simple plaisir de rendre une conversation non-intelligible.

Pour faire simple, les trolls sont de petits aventuriers du clavier qui aiment titiller leurs prochains avec des commentaires pas toujours très gentils. Ils apprécient retourner les débats, et affectionnent plus que tout la polémique gratuite.

Mais quel qu’il soit, le troll intrigue beaucoup ses voisins digitaux. Jusqu’à son nom, qui pour une majorité d’internautes reste un mystère plus impénétrable encore qu’un réseau SFR Wifi Public en rase campagne. Il pourrait être dérivé des créatures qui peuplent les forêts des contes de fées de notre enfance, ou bien d’une technique de pêche à la cuillère. Personne ne le sait vraiment, même pas Wikipédia.

Trois chercheurs Américains en communication et en politiques publiques viennent peut-être de lever le voile sur les habitudes de certains d’entre eux, grâce à une étude très sérieuse sur l’incivilité digitale.
Etude des commentaires litigieux

Cette enquête a été conduite durant trois semaines en octobre et novembre 2011, et a décortiqué près de 6 400 commentaires postés sous les 300 articles publiés sur le site du Daily Star, un quotidien de Tucson, en Arizona. Elle ne se borne pas seulement au cas des trolls, mais interroge les caractéristiques de tous les commentaires litigieux identifiés sur le site.

Si les résultats de cette enquête concernent plus particulièrement les médias américains, elles mettent aussi en lumière des dynamiques de conflit présentes sur n’importe quel site d’information laissant la parole à ses lecteurs. Car elle décortique tous les commentaires litigieux et ne se borne pas uniquement au cas des trolls.

1
Les gens s’insultent vraiment beaucoup sur Internet

Les données récoltées en Arizona montrent que 22% des commentaires postés contiennent de l’incivilité. 55,5% des articles donnent lieu à ce type de posts litigieux.

L’incivilité est ici définie dès lors que le ton est irrespectueux vis-à-vis des autres utilisateurs, du forum de discussion, ou même du sujet.

2
Il est quand même possible de discuter longtemps tout en restant poli

Mais rassurez-vous : l’étude montre que ce n’est pas parce que l’on discute plus que les débordements sont plus nombreux.

Autre observation de cette enquête : plus les internautes échangent directement entre eux dans les commentaires, moins ils ont de chance de finir par s’insulter.

3
Les internautes les plus virulents sont ceux qui commentent le moins souvent

Voilà peut-être une preuve que les bavards s’adoucissent à mesure qu’ils discutent. Et pour cause, l’étude en question a prouvé que les internautes les plus courtois sont ceux qui sont habitués à commenter très souvent.

A l’inverse, ceux qui sont seulement de passage sont aussi ceux qui ont le plus de chance d’aller à l’encontre de la charte des commentaires du site d’information sur lequel ils s’expriment.

4
Journalistes sensibles aux critiques, évitez de donner votre avis, et parlez plutôt de santé ou de sport

Ce projet de recherche pourrait aussi servir à ceux qui informent au jour le jour leurs concitoyens. Elle montre que les tribunes d’opinion sont les plus susceptibles d’entraîner des commentaires litigieux, contrairement à des articles désengagés, qui eux laissent plus souvent tout le monde de marbre.

Pour tous les journalistes et blogueurs que la violence effraye, ou qui n’ont pas le courage de modérer des kilomètres de disputes virtuelles, les thèmes à éviter sont les suivants : l’économie, la politique, la justice, et la sécurité.

En revanche, les sujets santé, médias et technologie sont des thématiques qui génèrent en général paix, amour, et politesse. Une bonne chose à savoir pour meubler ses longues journées d’août en douceur.

Autre information utile pour les journalistes américains : citer Barack Obama en source est une garantie de créer quelques émeutes virtuelles. Une étude conduite en France pourrait certainement montrer des résultats similaires. Il reste encore à savoir quelle source génèrerait le plus de vagues.

5
Ceux qui insultent les autres justifient généralement leurs attaques avec des vrais arguments

Autre conclusion étonnante de la publication : la plupart des commentateurs irrespectueux étayent leurs commentaires avec des éléments rationnels.

Certains poussent même leur démarche très loin en ayant recours à des statistiques bien choisies.

6
Ces internautes agressifs pourraient donc éclairer la communauté toute entière

L’étude en vient à demi-mot à se demander si l’incivilité virtuelle ne pourrait pas nourrir le débat public grâce à ces commentaires litigieux souvent fournis en justifications. Il se pourrait donc que certains commentateurs impolis et virulents rendent service à de nobles causes malgré eux.

Bien sûr les trolls ne font pas partie de cette catégorie puisqu’ils s’amusent en général à rendre la discussion impossible...

[Toute ressemblance à ce qui se passe sur Rue89 ne serait que fortuite.]

http://rue89.nouvelobs.com/2014/08/12/etude-les-trolls-sociologie-commentaire-indesirable-254167

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