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12 DECEMBRE 1969

par 2ccr

Publie le vendredi 12 décembre 2014 par 2ccr - Open-Publishing
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Durant son « automne chaud » de 1969, l’Italie connaît des mouvements sociaux puissants dans les usines, dans les établissements scolaires, dans les quartiers (auto-réduction des loyers). A la Fiat, les jeunes salariés imposent des formes de lutte très dures (cortèges dans les ateliers…) et des revendications égalitaires (promotion pour tous à la catégorie supérieure…).

Comment le patronat et la droite italiens répondent-ils ? en faisant poser des bombes par les néo-fascistes tuant le maximum de personnes, en utilisant la police et la justice pour protéger ces assassins. Le but ultime de cette stratégie de tension, c’est de profiter de l’émotion répandue par les médias pour décréter des lois répressives puis imposer un Etat autoritaire.

Ainsi, en ce 12 décembre 1969, à 16h 37, une bombe éclate Piazza Fontana au moment où le centre de Milan devant la Banque de l’Agriculture, grouille de monde. L’engin provoque la mort de 16 personnes auxquelles s’ajoutent 88 blessés.

La police déclare aussitôt suivre la « piste rouge », donc celle des mouvements sociaux et de l’extrême gauche. Elle déclenche dans ces milieux un vaste coup de filet arrêtant sans ménagement 4000 personnes. Elle a cependant besoin rapidement d’un coupable. Elle le fabrique en la personne de Pietro Valpreda, danseur de variété sans contrat, né dans une famille ouvrière pauvre de Milan, se réclamant de l’anarchisme. Il suffit du témoignage incohérent du chauffeur de taxi Cornelio Rolandi (qui reconnaîtra son faux témoignage) pour que Valpreda soit incarcéré, jugé, emprisonné. La presse en fait immédiatement « le monstre à visage humain ».

Parmi les 4000 arrêtés, signalons le cheminot libertaire Giuseppe Pinelli, retrouvé mort dans la cour de la préfecture de Milan, « tombé » du quatrième étage où il était « interrogé » par les services du commissaire Calabresi.

Toute l’Italie rit des versions fort imaginatives données par les policiers concernant la chute de Pinelli (pièce de théâtre Mort accidentelle d’un anarchiste, Dario Fo) mais la justice relaxe Calabresi.

Manque de chance pour la police et la justice, le témoignage du chauffeur de taxi s’avère tellement inconsistant et mensonger que l’enquête doit se poursuivre (Valpreda restant enfermé).

La piste des néofascistes apparaît de plus en plus clairement. Deux d’entre eux, Giovanni Ventura et Franco Freda, sont mis en examen. au vu des charges pesant contre eux, ils sont condamnés à la prison à vie avant d’être assez rapidement acquittés.

Malgré les innombrables fausses pistes lancées par diverses personnalités et réseaux hauts placés de l’appareil d’Etat, un nouveau procès s’ouvre en 1975.

Cette fois-ci figurent sur le banc des accusés des membres influents des réseaux conservateurs comme Guido Giannetini :

* présent aux côtés de l’OAS en 1961

* en contact depuis 1964 avec Yves Guérin-Sérac (Jean-Robert de Guernadec), homme clef des services action et renseignement de l’OTAN à partir des régimes comme l’Espagne franquiste, le Portugal salazariste et la Grèce des colonels, principal organisateur de l’attentat de la Piazza Fontana d’après le magistrat chargé de l’affaire.

* journaliste pour le journal fasciste L’Italiano et pour la Revue militaire éditée par l’état-major de l’armée italienne

* expert éminent de l’OTAN, il présente un rapport important lors du colloque de cette institution en 1965 à Rome qui prépare la « Stratégie de tension ».

* embauché par les services secrets italiens, il en devient un agent important

* organise des voyages dans la Grèce des colonels pour des étudiants fascisants dont il infiltre ensuite les plus sûrs dans les mouvances anarchistes et maoïstes

* lié à la haute hiérarchie militaire, il participe par exemple à la délégation militaire italienne en Allemagne de l’Ouest pour préparer l’achat de chars Leopard.

Contre Gianettini comme contre d’autres individus à la fois fascistes, membres des services secrets et liés à l’OTAN, les preuves vont s’accumuler pendant 30 ans, la Justice va parfois condamner avant de relaxer encore plus vite. C’est le cas de trois fascistes (Delfo Zorzi, Carlos Maria Maggi, Giancarlo Rognoni) qui sont condamnés en 2001 à la prison à perpétuité pour la bombe de la Piazza Fontana avant que leur peine soit annulée en appel.

Parmi les personnalités fascistes pro-américaines liées à l’attentat de Milan, un nom écrase les autres, celui de Stefano Delle Chiaie :

* Fondateur en 1960 du groupe fasciste Avanguardia Nazionale qui sera le réalisateur de l’attentat

* Membre de la loge maçonnique P2 dans laquelle se croisent tous les fascistes pro-américains influents de l’appareil d’Etat italien

* Tente un coup d’Etat à Rome le 8 décembre 1970, se réfugie auprès de Franco, fréquente les hommes des Escadrons de la Mort d’Amérique latine, membre influent de « l’Internationale noire fasciste » (termes de Stefano Delle Chiaie)

* Arrêté au Vénézuéla en 1989 et extradé vers l’Italie, il y est accusé de participation à l’attentat de la Piazza Fontana et à l’attentat de la gare de Bologne. Il est gentiment relaxé par la Justice italienne.

Aujourd’hui, toutes les enquêtes concernant les innombrables attentats perpétrés par les fascistes se sont perdues dans les dédales insondables de la police et de la justice italiennes. Les seules personnes encore en prison suite à l’attentat de la Piazza Fontana sont des militants du groupe d’extrême gauche Lotta Continua auxquels la Justice reproche de s’être vengés sur le commissaire Calabresi de la mort de Pinelli après la relaxe qu’elle avait rendue.

En conclusion, j’insisterai sur l’importance de cet attentat de Milan dans la psychose qui va s’emparer de l’extrême gauche italienne, puis sur son évolution avec en particulier la naissance des Brigades rouges (qui par ailleurs occasionneront bien moins de morts que les fascistes).

2 août 1980 La bombe de Bologne (placée par l’extrême droite), provoque un massacre dont l’Etat et tous les médias rendent responsables les Brigades rouges.

http://2ccr.unblog.fr/2014/12/12/12-decembre-1969/

« La dernière ressource de la bourgeoisie est le fascisme, qui remplace les critères historiques et sociaux par des normes biologiques et zoologiques de façon à se libérer de toute restriction dans la lutte pour la propriété capitaliste. »… Léon TROTSKI

Lire : LE PATRONAT AVAIT ANNONCE LA COULEUR DEPUIS LONGTEMPS

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