Accueil > archaïsme et lutte des classes dans le discours patronal

archaïsme et lutte des classes dans le discours patronal

par gerard sens

Publie le samedi 13 décembre 2014 par gerard sens - Open-Publishing

NOUVELLES IDEES RECUES (133)

Archaïsme et lutte des classes dans le discours patronal

Dans l’histoire politique de la France, l’arrivée de la gauche au pouvoir a toujours comporté
d’importantes conquêtes sociales. Ce fut le cas du Front Populaire, à la Libération, en 1981 et même
sous le gouvernement Jospin, en 1998, avec l’abaissement de la durée légale du temps de travail
hebdomadaire à 35 heures. Certes les sociaux-démocrates -à la manoeuvre presque malgré eux- y
ont été poussés par le mouvement populaire et, l’idéologie réformiste du compromis reprenant le
dessus, des reculs n’ont pas tardé à se manifester : Blum décrète la « pause » en 1937, les ministres
communistes sont chassés du gouvernement Ramadier dès 1947, Mitterrand prend, en 1983, le
« tournant de la rigueur » qui n’est que l’euphémisation de la capitulation devant les marchés
financiers, Jospin renonce lamentablement avec son « l’Etat ne peut pas tout » face à ce qui serait
une fatalité du capitalisme... C’est cependant la première fois que l’accession de la gauche -ou
supposée telle- à la tête de l’Etat non seulement n’a généré aucun acquis social nouveau mais a, au
contraire, permis de théoriser et mettre en pratique une authentique politique de régression sociale,
allant jusqu’à tirer de la naphtaline une vieillotte « loi de Say » du début du XIXème siècle travestie
en « socialisme de l’offre » pour justifier 40 milliards de cadeaux au patronat.

Et ce patronat du coup, devenu la catégorie la plus « assistée » de la société, n’en finit plus de
fulminer et de réclamer toujours plus, faisant du chantage à l’emploi et rejetant toutes
responsabilités sur les autres. Jusqu’à l’outrecuidance d’exhiber une pseudo « souffrance » en
quelques attroupements où le ridicule le dispute à l’impudence, où même le buraliste du coin, entre
lodens et fourrures, se prend pour feu Christophe de Margerie et s’enivre de croire avoir les mêmes
intérêts que des grandes entreprises et des banques qui le grugent et le méprisent. Ce sont des
attaques en règle, violentes, incessantes, contre tout ce qui peut être une protection contre la toutepuissance
patronale. La justice du travail, « justice des pauvres et parente pauvre d’une justice ellemême
pauvre », comme dit Pierre Joxe, est attaquée et les prudhommes mis en cause du fait même
de la faiblesse des moyens qui leur sont attribués. L’inspection du travail, garante du respect du
code du travail, est mise au pas et en voie de démantèlement.

La médecine du travail, chargée de
veiller sur la santé des salariés, doit être, sur injonction directe du MEDEF, réduite, sous prétexte de
simplification, à sa plus simple expression. Comble de bassesse, M. Gattaz se gausse de la pénibilité
au travail et ose proférer qu’avec la reconnaissance de la pénibilité « on donne le signal à nos
jeunes, à nos salariés, que le travail est pénible » ! Sans blague ! Crétinisme ou cynisme, allez
savoir... Pour M. Gattaz, comme la guerre, la vie au travail est toujours fraîche et joyeuse.
La lutte la plus emblématique porte sur la durée du travail. Sa diminution constante est une
donnée anthropologique avérée. Ainsi que le rappellent les économistes G. Colletis et P. Griou, « les
êtres humains pour mieux vivre ont toujours cherché à économiser du temps de travail ou à
travailler moins pour un même résultat » (le Monde, 01.11.2013).

Et pourtant les lois sociales qui y
contribuent ont de tout temps fait hurler les patrons !

1841 :
interdiction du travail des enfants de
moins de 8 ans et limitation à 8 heures pour les 8-12 ans. Une entrave insupportable à la liberté
d’entreprendre !

1874 : interdiction du travail des enfants de moins de 12 ans. Une contrainte
inapplicable empêchant de « libérer l’activité » !

1906 : instauration d’un repos hebdomadaire de 24
heures. Une prime à la paresse !

1919 : journée de travail de 8 heures, durée hebdomadaire fixée à
48 heures. Ignorance des lois de l’économie !

1936 : semaine de 40 heures et congés payés :
encouragement de l’alcoolisme et incitation à la licence chez les femmes des basses classes !

1998 :
durée de la semaine de travail ramenée à 35 heures. Catastrophe économique et haine de la
réussite !

C’est toujours le même discours que tiennent les patrons, le pur discours d’une lutte des
classes que par ailleurs ils nient. Un discours archaïque et rabâché, forgé par l’arrogance et la
cupidité, le mensonge et la vanité...