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Le Venezuela lutte contre les transnationales en produisant ses semences autochtones

Publie le lundi 18 mai 2015 par Open-Publishing

UPSA "Los caquetíos"

UPSA « Los caquetíos »

L’initiative a pris corps ce samedi 15 mai avec le semis par les organisations communales et paysannes de deux premiers hectares de mais, dans l’unité de Production Sociale Agricole (Upsa) « Los Caquetíos », située sur l’ancienne route Barquisimeto-Yaritagua (État de Lara, centre occidental du pays). La variété de maïs “Guanape” permet de produire entre 6 et 7 tonnes de semences par hectare. Le plan comprend d’autres semences de légumes comme la tomate, l’oignon, le piment rouge et le persil produits par l’Institut National de Recherches Agricoles (Inia) et concerne dans une première phase, la mise en culture de 38 hectares de semences agro-écologiques, pour être étendu à la région orientale du pays et dans les états d’Aragua et de Carobobo.

afiche_semillaaaaaCette avancée est le fruit d’un accord de coopération entre le Mouvement des Travailleurs Ruraux sans Terre du Brésil, représenté par Celia Rodrigues et Messilene Gorete, coordinatrices de la Brigade Internationaliste Apolônio de Carvalho, le Ministère vénézuélien de l’Agriculture et des Terres dont l’actuel titulaire est José Luis Berroterán, et la FAO (Nations Unies).

« Ce projet est basé sur l’usage de nos semences autochtones, sélectionnées par les producteurs. Il y a une avancée technologique qui va nous permettre de progresser de manière soutenable et sûre : les semences de légumes seront disponible en 70 jours et la semence de maïs en 140 jours. Sans production de semences dans l’agriculture nous continuerons à dépendre des transnationales et nous ne pourrions atteindre la souveraineté alimentaire” a déclaré le ministre Berroteran.

Lancement du plan de production des semences autochtones, UPSA "Los caquetíos", 15 mai 2015

Lancement du plan de production des semences autochtones, UPSA « Los caquetíos », 15 mai 2015

FAO (Nations-Unies) : “Nous vivons une nouvelle époque au Venezuela”

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Marcelo Resende (FAO Venezuela)

Présent lors de ce lancement, le représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation au Venezuela (FAO), Marcelo Resende, a déclaré : « Je veux, au nom des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation, vous féliciter (…) Ici, nous avons un exemple très vivant de la façon dont les paysans, les paysannes, les conseils communaux, les communes, le Gouvernement sont en train de parvenir à la souveraineté et à la sécurité alimentaire. Par conséquent, félicitations à vous tous pour cette initiative ». Resende a réaffirmé la disposition de la FAO à soutenir le Venezuela dans le développement de sa souveraineté alimentaire : « Nous vivons une nouvelle époque, au Venezuela (…) La FAO se joint à ce projet qui est d’une importance fondamentale pour l’agriculture familiale », a-t-il ajouté au sujet du nouveau programme mis en place grâce à un accord entre le Venezuela et le Mouvement des Travailleurs Ruraux Sans Terre du Brésil.

En juin 2013, à Rome, Italie, la FAO avait décerné un prix au Venezuela pour avoir relevé par anticipation le défi proposé par le Sommet Mondial sur l’Alimentation de 1996, et qui était de réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de malnutrition dans chaque pays avant 2015.

Selon les chiffres de l’Organisation, entre 1990 et 1992, au Venezuela, 13,5% de la population souffrait de la faim alors qu’entre 2007 et 2012, seulement 5% en souffrait encore.

Chaque jour qui passe, la lutte pour la semence continue.

Tandis que le jour se lève sur Montecarmelo (Sanare), les membres de la section locale des Guardianes de Semillas se préparent pour l’assemblée et le travail en commun.

Au même moment à Merida, Lalo boit son café avant de sortir pour prendre soin de la terre et semer des pommes de terre.

Quant à Analia, elle va confier à un laboratoire de Caracas, le soin d’analyser des échantillons de sols et de semences locales. A Carabobo, déambulant dans les couloirs de l’école d’agro-écologie, Magda s’apprête à quantifier la production de la semaine, avant de tenir conseil avec ses compagnons de travail, afin d’améliorer le cursus de formation pour la plantation et l’entretien des semences. Mariana et Alejandro chaussent leurs bottes, avant d’irriguer les différentes aires agro-productives (agriculture urbaine) se situant à Bellas Artes (Caracas).

Viana allaite Simon tout en mettant à jour le blog de la commune, en y ajoutant le projet de loi. Gerardo prend place devant l’ordinateur et envoie un email à ses interlocuteurs : « chers camarades, je vous adresse le projet de loi tel que nous l’avons rédigé en commun, faisant suite à 5 débats, une consultation publique organisée par l’assemblée locale, et des séances de travail avec la commission de l’Assemblée nationale, et les ministères de l’Agriculture et de la Terre ; de l’écosocialisme et de l’Eau. La Loi du Pouvoir Populaire est prête, et la lutte continue ».

Le mouvement Populaire pour la nouvelle Loi sur les Semences regroupe plus de 140 organisations et mouvements sociaux qui se sont donné pour tâche de mettre au point collectivement, une loi nouvelle et révolutionnaire sur les semences. Ce projet de loi, qui va faire l’objet d’une seconde lecture à l’Assemblée Nationale en 2015, s’incrit dans le combat mondial mené contre les organismes génétiquement modifiés (OGM), et toute forme de privatisation de la semence, via les brevets ou les licences d’exclusivité. Etant entendu, que dans cette optique, la semence est un organisme vivant et relève du patrimoine naturel commun. Il s’agit d’un des points-clés de la Loi.

Des 26 au 29 octobre 2012, s’est tenue la Rencontre internationale des Guardianes de Semillas, à laquelle 300 organisations et institutions sociales se sont associées, démontrant solennellement la participation des organisations du pouvoir citoyen à l’élaboration du projet de Loi sur les Semences, qui parachèvera sur le plan juridique/légal l’engagement historique du Venezuela à être un territoire libre d’OGM. C’est à ce titre, que les unes et les autres ont élaboré collectivement la Déclaration de Montecarmelo.

Quelque temps auparavant, le 28 juin 2013, le premier atelier d’élaboration collective de la Loi sur les semences a vu le jour, dans le but d’apporter ses propres contributions au débat. Le 22 octobre de la même année, c’était au tour des porte-parole des mouvements sociaux de se rencontrer, en présence de la seconde vice-présidente de l’Assemblée Nationale -Blanca Eechout- et du député à l’origine du projet de loi. Ces échanges ont débouché sur cet accord fondamental : bâtir sur le mode d’un débat populaire constituant, les termes de la Loi Nouvelle sur les Semences. Un pari fondé sur l’élaboration collective –et sur le mode participatif- du projet de loi, associant tout à la fois les pouvoirs exécutif, législatif et populaire.ley_semillas

Des discussions animées ont caractérisé les débats organisés autour de diverses tables-rondes et de déjeuners pris en commun. Par ailleurs, la résolution a fait valoir que « les semences dont il est question, excèdent un cadre purement local, autochtone, voire même paysan. Il s’agit plus profondément, de graines d’origine africaine, indigène ». Il a aussi été précisé ce qui suit : « nous ne voulons pas l’obtention de licences d’exclusivité. Nous souhaitons la mise en place d’une forme de protection alternative de nos semences, nous garantissant également un accès libre et gratuit à ces dernières ». Cette initiative collective a pris de l’ampleur, puisqu’elle a vu les débats se poursuivre à Lara, Carabobo, La Azulita, Mérida, Barinas, Anzoategui, avant de rejoindre à nouveau l’Assemblée Nationale. Le mouvement retient son souffle. Le législateur prend le relai. Et au sein des commissions techniques, on attend que le débat constitutionnel se traduise par un projet de loi proprement dit.

Le texte est proposé en première lecture à l’Assemblée Nationale. L’écart entre pouvoir constitué et pouvoir constituant est tangible. Puisque dans ce cas de figure, c’est le premier qui imprime sa marque, l’approche qui en résulte ne paraît pas tout à fait conforme aux attentes du peuple. A la suite de quoi, le processus de débat public (relatif au projet de Loi) qui s’enclenche, débouche sur une proposition de Loi, émanation du Pouvoir Populaire. Le peuple s’approprie la technique législative pour la faire sienne et la maîtriser. C’est le peuple législateur qui s’exprime ici. Celui qui participera à toutes les tables-rondes prévues dans le cadre de la consultation publique. C’est ainsi que le projet de Loi prend corps.

Le travail en commun se déroule dans le cadre d’un comité technique. (Ministères de l’Agriculture et des Terres ; de l’écosocialisme et de l’Eau) et Mouvement Populaire pour une Loi nouvelle sur les Semences. On aboutit à un accord, on discute de concepts. Gerardo s’assoit et rédige un email : « chers camarades, je vous adresse le projet de loi tel que nous l’avons rédigé en commun, faisant suite à 5 débats, une consultation publique organisée par l’assemblée locale, et à des séances de travail avec la commission de l’Assemblée nationale, et les ministères de l’Agriculture et de la Terre ; de l’écosocialisme et de l’Eau. La Loi du Pouvoir Populaire est prête, et la lutte continue ».

Deux ans déjà ont passé. Deux années de discussions, et le mouvement s’empare de la rue, essaimant, recherchant, lisant, se formant. C’est le Peuple Légiférant. Un communiqué est rédigé, qui demande que les dispositions suivantes soient appliquées :

– Reconnaissance du Pouvoir Populaire organisé en différentes instances telles que le Conseil Populaire de Sauvegarde et de Protection de la Semence Locale, Paysanne, Indigène et Afrodescendante, les systèmes participatifs d’assurance qualité, les installations de stockage et de préservation des semences, à l’instar des enseignants populaires et des formes traditionnelles d’organisation citoyenne.

– Application de licences libres aux semences, comme mécanisme de protection juridique/légale des connaissances et innovations relatives aux graines, pouvant faire l’objet de droits de propriété intellectuelle sous la forme de brevets. Dans ce secteur, on les appelle les « droits de l’obtenteur » ou « licences exclusives pour la production et la commercialisation ». Ces licences d’exclusivité favorisent la monopolisation, l’accaparement et l’appropriation des semences. Un état de fait allant à l’encontre de notre Constitution Bolivarienne, qui stipule que « le génome des êtres vivants ne peut être breveté ».

L’application de licences libres aux semences que la nouvelle Loi sur les Semences autorise, permet ainsi de protéger les graines contre toute forme d’appropriation privée, (qui restreint les droits d’améliorer, d’utiliser et de partager librement ces dernières) à travers l’établissement d’un contrat de droits non exclusifs. Autrement dit, l’application de licences libres aux semences garantit le caractère anti-brevet du projet de Loi.

-Interdire et sanctionner la production, l’importation, la commercialisation, la distribution, la propagation et l’usage de graines transgéniques, dont la menace qu’elles font peser sur l’agrobiodiversité, la santé des peuples, et la souveraineté de l’Etat est reconnue.

-Reconnaître et revitaliser les connaissances traditionnelles associées aux semences indigènes, paysannes et afrodescendantes, comme patrimoine des peuples et de la nation.

-Promouvoir la revitalisation des systèmes de production, de distribution, de circulation, d’échange et de consommation des semences indigènes, paysannes et afrodescendantes, reposant sur le principe de co-responsabilité.

Au final, une résolution qui engage l’ensemble du mouvement est mise au point : « nous déclarons l’adoption de cette loi révolutionnaire, dont les termes sont issus des discussions antérieures avec le Pouvoir Populaire. Partie prenante de la lutte anti-impérialiste et en défense de la Patrie ». De plus, cette loi nouvelle sur les semences, « reflète l’héritage que nous a légué le président Chavez. Un héritage présent dans notre Constitution Bolivarienne, qui établit ce qui suit : les êtres vivants, mais aussi les connaissances et innovations émanant des peuples indigènes, ne peuvent être privatisés. Par ailleurs, cette loi se place dans le droit fil d’un Venezuela libre d’OGM, selon les propres termes du Commandant Chavez, auxquels il associait la dénonciation de l’agro-business et des semences transgéniques, véritables menaces pour la souveraineté des peuples, et la santé de l’humanité ».

En définitive, l’on peut désormais s’appuyer sur une Loi nouvelle et révolutionnaire sur les semences, issue d’une proposition du Pouvoir Populaire, en accord avec les pouvoirs exécutif et législatif. En attendant le passage en seconde lecture de la proposition de loi à l’Assemblée Nationale, le temps passe, jour après jour, et le secteur de l’agro-industrie pro-OGM tisse sa toile, tandis que la lutte engagée contre lui continue.

Yrleana Gómez

Photos : Yrleana Gómez

Yrleana Gómez

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Sources : 

http://www.avn.info.ve/contenido/fao-reconoce-avance-venezuela-materia-seguridad-y-soberanía-alimentaria

La Cultura Nuestra http://laculturanuestra.com/?p=438Texte : Liliana Buitrago. Photos : Alejandra Teijido ; Colectivo Agujero Negro ; Yrleana Gómez

Traduction : Jean-Marc del Percio

Voir aussi : « Au Venezuela, le peuple légifère contre Monsanto », https://venezuelainfos.wordpress.com/2013/12/20/comment-faire-une-loi-au-venezuela/ et « Le Venezuela signe avec les Sans Terre du Brésil un important accord de coopération », https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/10/30/le-venezuela-signe-avec-le-mouvement-des-sans-terre-du-bresil-un-important-accord-de-cooperation/

URL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-1VP

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