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Reunion publique le 10 mai 2005 et discours de Jean-Luc MELENCHON, Zénith

Publie le mercredi 4 mai 2005 par Open-Publishing
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Reunion publique le mardi 10 mai 2005 à 20h à Viry-Chatillon, Halle des sport impasse Francoeur.

Avec :
Jean-luc Melenchon, sénateur de l’Essonne et
Alain Bocquet, Deputé, president du groupe Communiste à l’Assemblée nationale

"FAISONS GAGNER LE NON"

de Jean-luc Melenchon

Mes chers concitoyens,

Ce soir je ne ferai pas l’explication de texte que je fais chaque soir depuis deux mois, le livre de la Constitution à la main. Beaucoup d’entre vous savent à quoi s’en tenir. De nombreuses rencontres sont encore prévues pour continuer ce travail d’éducation populaire mutuelle.

Je vais m’en tenir à quelques appréciations sur le point auquel notre campagne est rendue et je vais dire ce que je crois utile de faire à présent.

Mais d’abord je veux féliciter les militants communistes et Marie Georges Buffet pour la réussite de notre rassemblement ce soir. Je veux saluer leur contribution décisive à la bataille du non de gauche dans tout le pays.

Je les remercie au nom de tous les socialistes qui sont présent ce soir. Ici, nous sommes chez nous, dans notre famille ! Ce qui est normal pour un socialiste c’est bien de se trouver avec les communistes. C’est le refus de le faire qui le plus souvent finit mal. Il n’y a pas d’alternative possible à gauche sans rassemblement. Mais il n’y a pas de rassemblement possible de la gauche sans prise de distance claire avec la droite.

Notre diversité politique, associative et syndicale ce soir et notre convergence dans l’action, voilà la bonne méthode. Ca sent bon la gauche. Il y a quelque chose dans l’air, comme un parfum de fête, une brise chaude de liberté et de fraternité. Je l’ai sentie souffler partout ou je suis passé dans le pays de réunion en réunion. Elle monte à présent en puissance.

Comme je plains ceux qui s’en tiennent à l’écart et qui s’en coupent. Ils n’en comprennent pas la formidable énergie. Ils devraient pourtant savoir que sans elle, sans nous tous ici, il n’y a pas de gauche gagnante ! Il n’y a pas de transformation sociale possible.

Notre convergence a fait son chemin. Quel beau chemin !
Pour l’instant nous avons fait un parcours sans faute. Nous avons atteint trois objectifs essentiels.

Premièrement les Français se passionnent dorénavant pour ce débat. Il y avait un calcul : qu’un océan d’abstention permettent à quelques uns de faire la décision, comme en Espagne. Ce calcul est mort. Un immense travail d’éducation populaire a donné ses fruits, il va en produire d’autres encore.

Deuxièmement : c’est le non de gauche qui structure le non des français. C’est le refus du libéralisme, la volonté de construire une autre Europe, sociale et démocratique qui pousse le non. Ainsi la manœuvre pour faire jouer au non nationaliste son rôle de repoussoir a échoué elle aussi. Mais vous savez que dans ce domaine, nous devrons être vigilants et fermes jusqu’au bout.

Troisièmement le non de gauche ne s’est pas brisé sur la diversité de ses composantes. Au contraire nous avons su nous respecter et nous compléter.

Nous avons su éviter les polémiques à gauche que beaucoup espéraient voir naître pour briser notre effort.

De cette façon, tous ensemble nous avons changé la donne de ce référendum.
On nous disait battus d’avance.

Dorénavant on nous donne sans cesse gagnant.

Certes, bien naïf et bien imprudent qui se laisserait prendre à l’illusion d’une victoire gagnée d’avance.

Mais sachons apprécier ce que nous avons acquis par notre travail commun.

Ce n’est pas souvent dans une vie de militant qu’on voit se construire de tels élans populaires à gauche. Oui, chacun d’entre nous, où qu’ils se trouve et agisse, chacun d’entre nous a rompu autour de soi le cercle de la résignation et fait reculer l’abstention. Le non s’est construit à mesure où le courage revenait dans les cœurs.

Finalement le monstrueux déséquilibre d’accès à la parole nous a presque servi.
En voyant toutes les vaches sacrées tirer du même côté, du matin au soir, notre peuple a senti l’arnaque ! A présent, notre non est souvent un éclat de rire quand nous les voyons répéter les mêmes arguments erronés dont chacun de nous connaît la réplique. Aujourd’hui, grâce au travail accompli, le non est documenté. Il peut être tranquillement impertinent. C’est pourquoi il a pu s’ancrer en profondeur dans notre peuple. Ce non là est son pied de nez aux puissants et aux satisfaits du système.

C’est pourquoi nous n’avons pas peur du numéro que fait ce soir le président de la République. Un débat sans contradicteur tout de même il fallait y penser.

Faut-il méconnaître les Français pour les croire capables de se laisser enfumer avec un tel télé montage ? Nous aussi on regarde la télé et on sait qu’il faut se méfier des contrefaçons. Du coup je n’exclus pas qu’il nous fasse encore gagner quelques points. De toutes les façons, quelque précaution qu’il prenne, le 29 mai il lui faudra rencontrer le peuple lui-même dans les urnes et ce n’est pas lui qui choisira les électeurs. Du coup ça m’étonnerait beaucoup qu’il y trouve des compliments.

Notre non est le non populaire.

Il est animé d’une passion forte, sincère et désintéressée. Nous ne croyons pas que la concurrence libre et non faussée soit un horizon indépassable de la vie en société. Nous ne sommes pas résignés.

Nous ne baisons pas la main qui nous frappe.

Nous croyons que la valeur la plus importante pour une société fondée sur le développement humain c’est la solidarité. La Constitution prétend que c’est la concurrence libre et non faussée de tous contre chacun. C’est la grande querelle de ce siècle. Il faut trancher.

Nous avons bien travaillé déjà. Mais rien n’est acquis, il faut fortifier, élargir, enraciner le non de gauche.

Je veux donc vous présenter ma façon de voir la suite de ce que nous avons à faire.

Eviter les pièges

D’abord avec soin et avec autant de patience qu’il en faut nous devons éviter les pièges qui nous sont tendus pour nous pousser à la faute. La faute ce serait de laisser détourner le débat sur d’autres sujets. Pour nous en toutes circonstances et quelques soient les provocations il faut en revenir toujours au débat qui compte : le texte de la Constitution et la décision à prendre à son sujet. C’est-à-dire la France, l’Europe, l’avenir de ce qui vivent de leur travail.

Nous ne sommes pas en campagne présidentielle, nous !

Nous n’avons pas besoin de querelles personnelles, nous !

Nous n’avons pas besoin d’insulter, pas besoin de dramatiser. Notre non doit rester raisonné. Il doit toujours être argumenté.

Nous avons le meilleur des arguments contre le texte de la Constitution : c’est le texte lui-même !

C’est d’ailleurs pourquoi vous avez tous constaté que ses partisans n’en parlent jamais !

Toute notre force est là ...

Quand une personne se prononce pour le oui, à plus forte raison si elle est de gauche, notre devoir est de ne pas céder à la facilité de l’invective ou du sarcasme. Qui que ce soit argumentons ! Il ne faut jamais renoncer à convaincre ! Notre objectif doit être d’élargir la base du non pour être à la hauteur de ce qu’il faudra faire.

Dissiper la peur du chaos, expliquer le lendemain du non

Il est frappant de voir combien ceux qui sont chargés de représenter notre pays ont peu de confiance en lui.

Voyez ! Ils disent que si nous votons non ce sera le désastre et que notre pays sera abaissé.

La vérité est que le non de gauche en France trouve un large écho dans les milieux populaires des autres pays européens. Il provoque la réflexion et le débat. Le mur de la résignation se fissure. En votant non, ce mur là nous allons le faire tomber.

Quand nous aurons voté non que se passera-t-il ? Eh bien c’est simple. Il y aura une renégociation. C’est comme ça que ça se passe dans les relations internationales des pays civilisés surtout quand ils sont unis comme nous le sommes déjà politiquement et économiquement au sein de l’Union européenne.

Si certains ne se sentent pas la capacité de faire ce travail qu’ils laissent la place à ceux qui sont prêts à le faire. Personne n’est irremplaçable ! Je mets en garde les tireurs dans le dos qui commencent avec leur pleurnicheries d’aujourd’hui à rendre notre travail plus difficile demain ! C’est à se demander si ceux qui parlent de l’abaissement de la France n’ont pas en réalité envie de faire punir notre pays pour la défaite que leurs précieuses personnes auront subie ! Depuis Louis XVI on connaît la musique.

La France n’est pas abaissée quand son peuple se redresse contre la fatalité du libéralisme. C’est tout le contraire ! Nous ne sommes pas en conflits avec les autres pays européens. Ne les traitons pas comme des ennemis en laissant croire qu’ils brûleraient d’envie de nous infliger un traité encore plus défavorable. Tout de même quel argument xénophobe ! La discussion est toujours possible dans l’Union européenne. Sinon que faisons nous ensemble ? Les autres pays sont nos partenaires. Les autres peuples sont nos frères. Nous n’avons rien a craindre en leur parlant franchement. Nous n’avons rien a craindre en faisant vivre notre liberté. Au contraire vous verrez que nous serons contagieux comme nous l’avons déjà été dans le passé chaque fois que nous avons pris en charge une grande cause.

L’histoire de France et l’histoire de l’Europe ne commencent pas avec ce référendum ! Elle ne finira pas avec lui ! Inutile de faire défiler à Paris toute l’Europe des satisfaits, des contents d’eux-mêmes et des donneurs de leçons pour faire pression sur nous. Nous connaissons nos droits. C’est aussi celui de dire non. Nous sommes déterminés à empêcher que la belle idée de la construction européenne soit définitivement momifiée dans le libéralisme ! Notre non claquera comme un fanal d’enthousiasme populaire sur l’Europe. Et le monde saura que le peuple français et sa gauche sont de retour dans leur destin.

Discours de Jean-Luc MELENCHON, Zénith - 14 avril 2005

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