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"Le Clandestin" Un court-métrage de Philippe Larue

Publie le dimanche 8 mai 2005 par Open-Publishing

de Franca Maï

L’homme court. A l’infini. Il court sans s’arrêter, bercé par la voix magistrale du comédien Emile Abossolo N’bo qui lui délivre une sagesse. Mais l’homme continue sa course. Il veut passer la frontière pour aller... Là-bas.

La voix qui sait parler aux arbres, à la mer, aux âmes prête également sa musicalité à l’homme qui court dans sa nuit noire. Et cette quête de la liberté à la gestuelle arachnéenne nous plonge dans les traverses initiatiques du possible. Là-bas... Il faut aller Là-bas...

Même si la voix prévient du danger.

Mais l’homme ne sait plus reculer. Dans ses pieds coule le feu, impossible de faire marche arrière. Que dirait-on de lui au village ? ... Et quand on court à perdre haleine, la douleur des muscles empêche toute forme de pensée même si la voix obsessionnelle prévient...

Peut-on encore décrypter les messages lorsque la décision est prise d’aller... Là-bas... Coûte que coûte.

Alors le clandestin dans un sursaut ultime prend son envol pour goûter au mirage...

Et la balle le touche, claquant l’espoir.

Ils ne recevront pas les mandats au Pays...

Et l’homme continue sa course, le sang collé à sa peau ébène, le corps et le visage suintant dans une poudre blanche agrippée au macadam. Il court et monte les marches d’un escalier rouillé pour regarder le soleil en face. Une boule éclatante qui fait fermer et ouvrir les rétines.

Une dernière fois.

Et la voix continue de le bercer. Toujours avec douceur.

Mais il ne l’entend plus. L’a-t-il seulement entendu une fois ?

Là-bas ...était si plein de mensonges...

Ce court-métrage d’une durée de 12 minutes a reçu le prix de la photo au Festival des 11 èmes rencontres Européennes du Court-Métrage de Metz. Il a été réalisé par Philippe Larue Image : Jako Raybault Comédien Seydou Boro Voix off : Emile Abossolo N’Bo

Ce film qui devait être produit par une production classique, s’est vu déposséder de celle-ci en cours de route. Le réalisateur n’a pas baissé les bras et à l’aide de complicités altruistes a mené son projet jusqu’au bout. Le tournage a duré six jours. Des bouts de pellicule d’émulsions diverses ont été baignés dans un bain d’argent apportant une réelle poésie à ce film-métaphore.

A tel point que j’ai cru le voir en noir et blanc alors qu’il avait été rêvé en couleurs.

A l’heure où l’on découvre avec colère, qu’une grève de la faim de plus d’une cinquantaine de jours a été nécessaire pour régulariser douze sans papiers en France, on se prend à espérer que ce court-métrage -bouleversant dans son minimalisme d’une pureté troublante- soit projeté en boucle aux décisionnaires de ce Pays... Pour que Là-bas ... soit un droit naturel et non pas une loterie ou un sale destin.

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