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La colonisation ultralibérale de la Pologne

Publie le lundi 9 mai 2005 par Open-Publishing
11 commentaires

Bonjour, Ci-joint le témoignage d’un adhérent polonais d’attac Deux-Sèvres, sur la politique de l’Union européenne en Pologne depuis la chute du régime communiste. Ce texte nous paraît intéressant à diffuser largement, tant il renseigne sur la réalité des politiques de l’Union que les partisans du oui acceptent de sacraliser dans le projet de TCE. Merci. (Attac Deux-Sèvres)

La colonisation ultralibérale de la Pologne

Témoignage de Richard DANILOWICZ

ex-syndicaliste polonais, ancien détenu politique des prisons polonaises, militant d’Attac Deux-Sèvres

J’ai habité 35 ans en Pologne (1947-1982). J’y ai passé 5 ans en prison pour avoir organisé des groupes de discussion sur l’Europe du Traité de Rome ! En 1980-81, je militais à la direction régionale du syndicat "Solidarité". Depuis 1990, je vais presque chaque année en Pologne pour des séjours d’un mois. Je suis donc très bien renseigné sur la situation qui règne là-bas. Je pourrais la résumer en une seule phrase : c’est la domination absolue de l’ultralibéralisme, d’un capitalisme sauvage. Depuis 1956, j’ai participé à tous les mouvements de révolte en Pologne. Je sais donc pour quoi le peuple polonais luttait. Nous voulions tous un socialisme à visage humain, ou un capitalisme social, démocratique et rationnel. Qu’avons-nous maintenant ? Un capitalisme sauvage, irrationnel, que le peuple n’avait jamais demandé. Qui donc a instauré cet ultralibéralisme débridé, à notre insu ? La réponse est simple : le FMI, la Commission Européenne et la Nomenklatura ex-communiste.

En 1989, l’ancien régime totalitaire terminait son règne en pleine déconfiture financière : il laissait une dette extérieure de 40 milliards de dollars, une dette énorme pour un pays comme la Pologne. Juste avant sa chute, le régime négocia avec le FMI et la Banque Mondiale les conditions du remboursement. La Nomenklatura accepta les conditions imposées, sachant que ce serait le peuple qui paierait, comme d’habitude.

Le 1° janvier 1990, les conditions ultralibérales et inhumaines du FMI entrèrent en vigueur sous l’appellation "plan Balcerowicz", du nom du ministre des finances dans le nouveau gouvernement "démocratique" de T. Mazowiecki, sous la présidence de Lech Walesa. Balcerowicz fut épaulé par un économiste américain, Jeffrey Sachs, sorti de Harvard, un ardent défenseur de l’ultralibéralisme. En quoi consistait le plan ultralibéral "Balcerowicz" ?
1) Les frontières furent entièrement ouvertes aux produits occidentaux.
2) Les entreprises étatiques, nullement préparées à cette concurrence envahissante, furent, en plus, soumises à des restrictions draconiennes : très forte imposition, paiement à l’Etat de dividendes élevées, crédits bancaires usuriers, interdiction d’embauches sous peine de payer une taxe punitive, appelée "popiwek".
3) La privatisation des entreprises étatiques et des services publics devint obligatoire.

Ce fut la fameuse "thérapie de choc", tant vantée en Occident par les média, qui glorifièrent Balcerowicz comme un génie de l’économie ultralibérale. Les universités occidentales le gratifièrent de nombreux titres de Docteur "honoris causa". On passa sous silence le fait que, sous l’ancien régime, il avait été secrétaire du Parti communiste et professeur de marxisme-léninisme. Maintenant, il est président de la Banque de Pologne.

Les résultats : un désastre social. Selon les statistiques, le pouvoir d’achat des Polonais chuta de 30% en deux ans, de 1990 à 1991, alors qu’il était déjà très bas sous l’ancien régime. Le chômage atteignit 2 millions de personnes. Ce fut la peur. Maintenant il y a 3.000.000 de chômeurs. La véritable misère atteignit des centaines de milliers de personnes.

Selon les dernières données de l’OCDE et de l’UNICEF pour 2004, deux millions d’enfants polonais ne mangent pas à leur faim : ils arrivent à l’école sans avoir mangé de petit-déjeuner et sans la possibilité de se payer le repas de midi à la cantine scolaire. Auparavant, je n’avais jamais rencontré de telles situations ! D’après les données de l’Office Polonais des Statistiques (GUS) de février 2005, 8.000.000 de Polonais vivent en-dessous du seuil de pauvreté. La Pologne compte 38.500.000 habitants. Le seuil de pauvreté se situe à 1.226 zlotys pour une famille de 4 personnes (un euro = 4 zlotys). Cinq millions de personnes vivent dans la misère, car elles ne disposent pas de 8 zlotys par jour. Pour les retraites, les fonds de pension sont fortement recommandés (imposés). Douze millions de Polonais y ont souscrit.

A partir de 1995, la Pologne s’est trouvée sous la tutelle de la Commission Européenne, comme candidat à devenir membre de l’Union Européenne. Les privatisations furent accélérées dans tous les domaines. Elles se sont déroulées dans des conditions malhonnêtes et mafieuses. La nomenklatura ex-communiste, qui gérait toutes les entreprises, les amenait sciemment à la banqueroute, pour ensuite les racheter à des prix dérisoires. En fait, la privatisation s’est transformée en véritable pillage des biens nationaux. Un véritable partage de la Pologne entre copains-coquins sans scrupules, sous l’œil bienveillant et indulgent de la Commission européenne.

Les multinationales étrangères (et européennes) ont largement participé à cette curée des biens nationaux, en ne payant que 10% de la valeur des entreprises. Ceci a été scrupuleusement démontré par Kazimierz Poznanski, professeur d’économie à l’Université de Seattle (USA), dans deux livres et plusieurs publications. En échange de ces prix de vente dérisoires, les vendeurs de la Nomenklatura empochaient des provisions très substantielles (des millions de dollars). Ainsi fut vendue la Pologne.

Chantage dans les entreprises. Conformément aux directives de Bruxelles, les entreprises sont constamment "dégraissées" : c’est une occasion pour se débarrasser des syndicalistes incorruptibles et des militants qui ont lutté contre l’ancienne dictature. Le Code du Travail n’est pratiquement plus respecté : c’est le patron qui décide des conditions. Les salariés sont souvent embauchés sur la base de contrats CDD, à très courtes durées, et répétitifs à l’infini. Il y a 3.000.000 de chômeurs et seuls 15 % d’entre eux perçoivent des allocations ... pendant 6 mois. C’est le règne de la peur. Dans cette atmosphère de terreur économique, les salariés n’osent pas appartenir à des syndicats. Les syndicats existants deviennent frileux, domestiqués. L’héroïque syndicat "Solidarité" n’est plus que l’ombre se lui-même. Les Conseils de cogestion des salariés (KSR), nés de la révolte ouvrière de 1956, sont liquidés lors des privatisations. Le chantage sexuel à l’égard des femmes est devenu chose courante. Ou la soumission sexuelle, ou le chômage et la misère. A choisir. L’âge de départ à la retraite des femmes était avant à 60 ans. Il est maintenant à 65 ans. Le travail de nuit des femmes était avant interdit ; dernièrement, cette interdiction a été abolie.

Les délocalisations. Les entreprises occidentales qui délocalisent en Pologne dictent leurs conditions, en soulignant qu’elles peuvent déménager ailleurs si les salariés et les syndicats ne seront pas dociles... En ce moment TOYOTA exerce ce chantage, en indiquant qu’il peut choisir aussi la Slovaquie et la Hongrie. Le salaire minimum en Pologne est de 849 zlotys par mois (environ 210 euros). Mais depuis 6-7 ans les capitalistes polonais délocalisent en Ukraine, où les salaires sont beaucoup plus bas. Quant aux capitalistes ukrainiens, ils commencent à délocaliser vers le Kazakhstan et les pays du Caucase...

MES CONCLUSIONS
1) Le capitalisme ultralibéral, sous sa forme la plus brutale, est actuellement imposé à la Pologne. Personne n’a demandé l’avis du peuple polonais. Il en est de même dans les autres pays d’Europe centrale. Il est clair que la Commission Européenne est programmée pour propager et imposer uniquement du capitalisme ultralibéral. Le projet de Constitution européenne est le reflet et la confirmation de cette tendance.
2) En Pologne, l’ultralibéralisme a été imposé par le FMI et la Commission européenne, en étroite collaboration avec l’ancienne Nomenklatura ... toujours au pouvoir ! Les pourparlers d’accession à L’UE se sont faits avec les anciens hauts dignitaires du parti totalitaire PZPR : Leszek Miller, Aleksander Kwasniewski, Jozef Oleksy, W. Cimoszewicz, Danuta Huebner. Cette dernière, est devenue membre du PZPR dès l’âge de 22 ans. Elle n’a jamais protesté contre le régime totalitaire et a toujours soutenu le général Jaruzelski. Elle est maintenant Commissaire européenne ! C’est elle qui, en février dernier, a soutenu la politique de délocalisations (ce qui a déclenché la colère de Henri Emmanuelli).
3) Je constate que la Commission européenne est dépourvue d’éthique : l’essentiel est de respecter les règles de l’économie ultralibérale. C’est incompatible avec notre culture européenne. Le projet de Constitution européenne ne nous protège pas contre les dérives ultralibérales que la Pologne et les pays d’Europe centrale ont subit : au contraire, elle va les aggraver et les étendre à tout le continent européen.

Messages

  • Vous devriez publier ce témognage dans tous les journaux.

    Le placarder sur tous les panneaux d’affichage.

    Le faire passer en boucle à la télévision et à la radio...

    • trés bon témoignage que nous t’invitons a relayer sur tout les médias libres et indépendants

      on comprends mieux maintenant cet acharnement a maintenir la directive bolkestein malgre les promesses d’un chirac et des " sociaux démocrates " de l’europe de l’ouest de ne soit disant pas l’appliquer

      ces maffieux et oligarques politiques de l’ouest qui valent bien ceux de l’est dans leurs corruption et leur collaboration avec le capital et le " marché " l’omc ou le fmi et les patronats eurpopéens de l’ouest du genre Medef Unice ont tout intérets a ce que cette directive passe

      Et de toute façons comme nous le savons elle reste en vigueur

      voir cet article de patrice bardet

      http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=14699

      Solidarité totale donc avec nos camarades du mouvement social de pologne , bulgarie , roumanie , pays baltes et de tout les pays de l’est

      comité des cerveaux non disponibles a la propagande ouiste

  • Ce régime destructeur de vies est en fait un régime d’épuration sociale...
    Je m’empresse de placer un lien sur le site Vive la Liberte, car cette analyse est percutante et susceptible d’en éclairer plus d’un sur la réalité du capitalisme débridé que l’ultra-droite et la gauche ultra-libérale tentent d’imposer aux peuples européens avec cette constitution scélérate !
    Merci à Richard Danilowicz pour ce témoignage fort et très instructif, au moment même où Walesa défend bec et ongle le TCE.

    Verdi

    http://vive.laliberte.chez.tiscali.fr

  • Le fond de l’article, qui détaille la "métamorphose" des dirigeants "communistes" en valets du capital international est connu : la même chose s’est produite dans tous les pays dits "communistes".

    Il est troublant de parler de syndicat "héroïque" lorsque l’on désigne le syndicat Solidarité, contrôlé par l’Eglise catholique polonaise, une des plus réactionnaires du monde.

    Interdiction du travail de nuit des femmes : il s’agit d’une directive européenne, transposée dans la loi française par le gouvernement "socialiste" en 2001, au nom de la lutte contre les discriminations que subiraient les femmes en ne travaillant pas la nuit !

    • J’étais un militant de "Solidarité" à Katowice, grand centre industriel. J’étais en contact quotidien avec les simples gens. J’ai écrit dans mon article que "S" était un syndicat héroïque. Au début, il n’était pas contrôlé par l’Eglise. Il est né spontanément pour des revendications sociales. Nous étions alors pour un socialisme démocratique, basé sur la cogestion des salariés dans les entreprises. Nous avons développé les conseils de cogestion, qui codécidaient du partage des bénéfices, des investissements, de la nomination du directeur et de la politique sociale. L’héroïsme vient du fait que nous agissions témérairement, entourés des forces spéciales de la police et d’une armée menaçante. Dans ma ville, Katowice, 9 mineurs furent massacrés le 16 décembre 1981 : j’en suis le témoin. Quant à l’Egise, elle nous a aidé après l’instauration de la loi martiale, quand nous étions persécutés et emprisonnés. Le pire, c’est que "Solidarité" a été infiltrée par la police politique. Et nous avons été aussi détruits de l’intérieur. Nous avons des doutes sérieux envers Walesa ... Moi-même, je suis athée, mais j’ai coopéré avec des curés formidables. Aujourd’hui, une grande partie du clergé polonais critique sévèrement l’ultralibéralisme car il a fait de grands dégâts en Pologne dans tous les domaines, y compris spirituel. Jean-Paul II critiquait constamment le mondialisme libéral. Je me rappelle une de ses phrases : "l’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maitre". Justement, c’est bien l’argent qui règne aujourd’hui. Le pape s’est aussi prononcé contre la flexibilité du travail, qui désorganise la vie familiale. Il a dit :"le travail doit être au service de l’homme, et non l’homme au service du travail". Je pense que nous pouvons invoquer ces idées papales dans notre lutte contre le totalitarisme ultralibéral. R. Danilowicz

  • Mme Tatcher et ses amis n’ont pas eu besoin de l’Europe et de sa constitution pour déclencher la pire des politiques ultra-libérales en Europe... et ça a duré 18 ans !!!
    L’un des pays les plus anti-européen, c’est l’Angleterre !
    D’ailleurs ceux qui s’opposent le plus en Europe à la constitution c’est la droite anglaise... ils la trouvent trop sociale !!... chercher l’erreur !!...

    • et n’oublions pas que lors d’un thé pris avec Pinochet lors de sa pseudo-convalescence en Angleterre, Tatcheur l’as remercié d’avoir rétabli la démocratie au Chili.
      Sans commentaire...
      fantomas

    • Pour les libéraux conservateurs et les " sociaux démocrates " anglais de tony blair même l’ump française et le Medef sont encore trop sociaux c’est vous dire

      Tony Blair un " socialiste " qui n’a rien fait que continuer a appliquer les "recettes " et les dogmes thacheriens allant jusqu’a privatiser ce que thatcher n’avait pas cassé y compris le métro ou l’équivalent de la ratp pour londres

      le " labour " anglais appelle cette saloperie le " socialisme " et le " réformisme " dis de la " troisiéme voie " si chére hélas a nos " socialistes " ouistes a la dsk - hollande nous nous appelons ca par son nom

      LA COLLABORATION DE CLASSE AVEC LE CAPITAL ET SES GOUROUS ULTRA LIBERAUX

      Ton argument ouiste désolé camarade il ne tient pas la route

      pour nous tous et nous toutes ici le 29 mai nous leur mettront un non franc et massif dans leurs urnes

      comité des cerveaux non disponibles aux médias dominant et a la propagande ouiste

      des européen(es) d’en bas

      Solidarité avec tout(es) les travailleur(ses) et les salarié(es) exploité(es) de l’europe de l’est

      Non a la constuition des giscard baroso bolkestein blair shroeder prodi berlusconi etc etc

      NON A L’EUROPE DU LIBERAL TOTALITARISME

  • memona hintermann sur france 3 (lundi 9 mai) terminait son reportage en Pologne sur ces mots "ils (les polonais) vont aimer l’europe" - et ce n’était pas une boutade-.
    Le reportage : l’europe a donné 1800 euros (une manne a-t-elle précisé) aux paysans polonais pour qu’ils prennent leur retraite. - quand même généreuse l’europe -
    Un ingénieur franco polonais s’est installé sur une exploitation de15000 ha (pour exploiter donc).. et élève pour le lait des vaches importées de France. Sa production de lait - enfin celles des vaches - 3 000 000 de litres par an. Pas de quotas et pas encore de machines à traire.. ou plutôt si : des gens (qui seraient mal venus de se plaindre puisqu’on va chez eux leur donner du boulot). La dame interrogée a précisé que la traite commençait à 3 h (du matin) et que les journées étaient interminables.. 7 jours sur 7.
    Il n’a pas été question de revenus, mais ils sont sûrement conséquents. Sinon ils utiliseraient le droit de grève qui est inscrit dans la constitution.
    Le principal dans tout ça n’est il pas que les ingénieurs français ou autres viennent avec leurs savoirs, investir leurs petites économies et devenir vite très riches..Pour s’installer ils reçoivent des aides de l’europe, probablement plus que 1800 euros
    et que vivent la libre circulation des hommes, des marchandises des capitaux et la concurrence libre et non faussée. et le libre établissement. et l’europe sociale de la sacro sainte charte des droits fondamentaux. Le travail choisi, les conditions de vie décente etc..etc comment dire non à tout ça ?? Ernest dit que ce serait vraiment du gâchis !

  • Pourriez vous déposer votre témoignage sur les forumes comme celui de l’express http://www.lexpress.fr/idees/forums/homeMessage.asp?idF=652&idD=80&nm=1 , celui de libération ou encore celui du figaro. Peut être qu’ainsi les partisans du oui nous croirons ...