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Cinéma : "COMME AVANT"

Publie le lundi 9 mai 2005 par Open-Publishing

de Enrico Campofreda traduit de l’italien par karl&rosa

Qu’arrive-t-il à ceux qui deviennent complètement ou partiellement handicapés dans une société où tout le monde doit rester à tout jamais jeune, sain, être tendanciellement beau et aussi malin ? Andrea l’éprouve dans sa chair. Et Andrea est jeune, il a dix-sept ans et pourtant, un jour tragique, une chute de sa mobylette le jette sur un fauteuil roulant. Il vivra son futur de tétraplégique et rien ne sera plus comme auparavant. Cette condition exalte un autre drame déjà présent dans son existence : l’éloignement, l’étrangeté totale d’une famille désunie dans les sentiments avant que dans la forme. Ses parents sont séparés, mais ils doivent avoir été toujours absents dans la vie d’Andrea et de son frère Matteo, si les deux fils les refusent avec décision. La mère vit avec eux et elle est prise exclusivement par son travail, le père, Sergio, qui habite ailleurs, n’est réapparu qu’après l’accident du garçon. Il essaye de le réconforter, de lui procurer des visites de spécialistes de renommée internationale, de lui porter des cadeaux, mais entre les deux la nonchalance, la distraction paternelle et le temps passé ont creusé un fossé difficile à remplir. Andrea le reproche durement à Sergio, qui baisse la tête et subit. Il admet essayer, même tard, de remédier à cette faute.

Le seul à prendre soin quotidiennement du tétraplégique est son frère Matteo, il le lave, il l’habille, il le promène en fauteuil roulant. Même la copine d’Andrea, Sara, reste auprès de lui par devoir et s’entretient, pendant une promenade à la campagne, avec un autre garçon de son âge. Andrea la découvre et, tandis que son ami Alessio, le mécanicien, tabasse le prétendant presque comme si son honneur avait été frappé, Andrea affirme avec décision ne vouloir plus rien savoir de Sara et repoussera les tentatives de rapprochement de la jeune fille. Le jeune homme pense que le handicap acquis augmente son isolement pour toute chose : des filles au hobby des moteurs. Il demande à Alessio de modifier un kart pour pouvoir courir, c’est la façon de réacquérir de la confiance en soi même et de ne pas se marginaliser plus que le destin ne l’a déjà fait. Mais la vie de l’handicapé est une continuelle montée parcourue à la poursuite des êtres normaux, un peu comme pour le cycliste poursuivant, ovationné dans les commentaires de la télé au Tour de France qu’on entend à la maison.

Et pourtant, entre la colère, les désillusions, le découragement, la peur de se laisser aller et de ne pas y arriver, Andrea constate que le seul chemin à parcourir est de s’adapter à la nouvelle situation et de revenir à la vie, même si c’est d’une façon différente. Malgré des conditions différentes, il devra se relancer et sa volonté et ses intérêts le soutiendront. Naturellement l’aide et l’affection de ceux qui l’entourent vont peser, mais les ressources intérieures devront être les siennes. Elles représenteront son rachat très personnel au moment où il pourra être jugé sur la force de son esprit plutôt que sur celle de ses jambes. Même sur un fauteuil roulant, un homme a devant lui une vie, il devra la conquérir et acquérir la détermination intérieure pour établir les objectifs à poursuivre et à atteindre dans la nouvelle réalité qui refoule et enterre le "comme avant".

A ce moment-là, ni le tétraplégique ni celui qui est frappé par un quelconque malheur ne sera intéressé à se confronter à son propre passé si ce n’est en tant que point de départ pour un parcours qui établit de nouveaux trajets en transformant l’individu. Après avoir élaboré la douleur due à son malheur et à sa condition différente, Andrea s’acceptera, il ne dira plus "Je me répugne", il ne sera plus pessimiste sur son futur. Même ceux qui l’entourent - qu’il soient ou ne soient pas des amis - vont apprendre à en écouter le cœur et le cerveau et à le juger sur cela, comme cela devrait toujours arriver si l’hédonisme, le racisme, la peur et la vexation du différent n’avaient pas pris le dessus. Mais il y a d’amples marges pour une inversion de tendance, comme le pensent les auteurs de cette histoire, auxquels on doit reconnaître le courage de parler de thèmes inconfortables, qui ne reçoivent de la société que des granules de piétisme et de résignation. Au contraire, en plus de revendiquer les droits d’une vie praticable, qui pour les tétraplégiques signifie surtout la démolition de toutes les barrières architecturales, on affirme ici l’orgueil de son propre courage. Un courage qui conduit hors du tunnel de la dépression et de la réclusion forcée entre les murs domestiques qui porte à n’être plus des êtres limités dans l’existence quotidienne mais des sujets vivants et créatifs. Et pourquoi pas ? Heureux.

On apprécie la photo dans les tonalités chromatiques et lumineuses de la pellicule aussi bien que dans la coupe prospective qui, dans les différents plans des intérieurs présentés, rappellent les clairs-obscurs picturaux de l’école flamande.

Un film de : Mirko Locatelli
Sujet et scénario : Mirko Locatelli, Giuditta Tarantelli, Luciano Sartirana
Directeur de la photo : Mladen Matula
Montage : Renato Meroni
Avec : Fabio Matteo Chiodini, Mattia De Gasperis, Antonio Pisu, Giuseppe Cederna, Adele Castiglioni, Matteo Sacco, Lorenzo Pedrotti, Agata Fabiano, Andrea Belletti
Musique originale : Alberto Capelli
Production : Cinemaindipendente, Officina Film
Origine : Italie, 2004
Durée : 60’
Info Internet : www.cinemaindipendente.it

http://bellaciao.org/it/article.php3?id_article=8602