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Les 5 recettes de Manuel Valls pour faire monter le FN

par Nicolas Bourgoin

Publie le lundi 24 avril 2017 par Nicolas Bourgoin - Open-Publishing
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Le Front National a progressé sous les législatures socialistes des 30 dernières années et aucune d’entre elles ne déroge à cette règle. Depuis son score historique aux européennes de 1984 (11 %), le vote frontiste n’a reflué qu’en 1994, 2004, 2007 et 2009, quand la droite gouvernait (aux européennes de 1999, la liste dissidente de Bruno Mégret avait capté une partie des voix nationalistes). Et Jean-Marie Le Pen a réalisé le score historique qui lui a permis de se qualifier pour le deuxième tour des présidentielles en 2002, à la fin de cinq années de gouvernance socialiste. Les mêmes facteurs produisant les mêmes effets, le quinquennat de Hollande ne semble pas faire exception, bien au contraire. Tous les ingrédients sont réunis pour une progression spectaculaire du vote nationaliste qui devrait atteindre des sommets inédits aux prochaines élections départementales – sans parler des présidentielles de 2017. Fatalité ou stratégie délibérée ? Au vu de l’action de Manuel Valls et de son gouvernement, on est tenté de choisir la seconde hypothèse. Décryptage du travail d’un parfait attaché de presse.

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Si l’on peut reconnaître un mérite à Manuel Valls, c’est bien celui d’exceller dans l’art de la dramatisation. Coutumier des formules-choc destinées à frapper l’opinion, affirmant que la gauche pouvait disparaître ou que le FN était aux portes du pouvoir, il a le week-end dernier encore agité le spectre d’une victoire du parti de Marine Le Pen en 2017. Gouverner par la peur semble être le dernier recours d’une équipe totalement discréditée. Mais Valls est aussi très convainquant dans le rôle du pompier pyromane. De fait, le sursaut républicain qu’il appelle de ses voeux, destiné à capter les voix des indécis et à réduire l’abstention au profit du PS, est réactif à une situation que son propre gouvernement a contribué à créer. Elle est la dernière carte que peut jouer ce gouvernement en déroute : minoritaire en voix, le Parti socialiste ne peut en effet compter que sur un FN fort pour avoir une chance de l’emporter. Et pour le faire monter, il applique une méthode déjà largement éprouvée pendant l’ère mitterrandienne.
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Recette n°1 : enterrer définitivement la question sociale

Les gouvernements Mauroy et Fabius, on s’en souvient (peut-être) avaient fait la promotion du libéralisme économique, le gouvernement Jospin avait privatisé à tour de bras et abandonné lâchement à leur triste sort les milliers d’ouvriers licenciés par Michelin. Celui de Manuel Valls poursuit l’oeuvre de ses prédécesseurs en s’attaquant cette fois aux droits des salariés et aux revenus du travail, au seul profit du capital. A son actif, pas une seule mesure protégeant les salariés mais des cadeaux fiscaux au patronat avec le Pacte de responsabilité et un enterrement en grandes pompes du CDI au profit d’un contrat de travail unique… tout est bon pour satisfaire les desiderata patronaux au détriment de la protection sociale des travailleurs. Même les attentats de Charlie Hebdo ont été mis à profit pour avaliser la loi Macron destinée à combler les attentes des marchés financiers, selon la bonne vieille stratégie du choc : profiter du désarroi provoqué par la survenue d’un événement tragique et inattendu pour faire passer des mesures impopulaires. La très médiatique question du travail du dimanche est bien l’arbre qui cache la forêt : la loi Macron, sans doute la plus libérale jamais votée par un gouvernement de la Cinquième République, ne vise ni plus ni moins qu’à démanteler le marché du travail français pour le mettre, à terme, aux normes asiatiques. Et la politique à venir ne peut qu’être toujours plus dure car, comme l’a affirmé le commissaire européen Pierre Moscovici, la France doit continuer ses réformes.

Recette n°2 : promouvoir un antiracisme de façade…

Le tournant de la rigueur de 1983 avait été suivi de près par le lancement de SOS Racisme en 1984 qui n’avait en rien freiné la progression du FN, bien au contraire, mais fait utilement diversion sur les questions sociétales et identitaires. Pendant que le gouvernement Fabius abandonnait les ouvriers de la sidérurgie à leur triste sort, elle divisait les classes populaires pour mieux régner en durcissant les clivages communautaires entre français dits « de souche » et personnes immigrées ou issues de l’immigration. Le moralisme républicain est remis au goût du jour à coups de « mariage pour tous », d’ABCD de l’égalité et de campagnes à répétition contre le racisme et l’antisémitisme, avec des résultats identiques : à la fois trahi et culpabilisé, le peuple français cherche son salut dans le repli identitaire et la défense de la nation contre la finance mondialiste. De fait, le vote frontiste se concentre dans les régions déshéritées, essentiellement à l’extrême sud et l’extrême nord où le pourcentage de personnes vivant sous le seuil de pauvreté est important (carte du bas).

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Recette n°3 : …au service du « choc des civilisations »

C’est tout le paradoxe de la politique actuelle menée par les socialistes : alors que la communauté musulmane est réellement victime d’une montée de l’islamophobie, le moralisme antiraciste se focalise exclusivement sur l’antisémitisme pourtant quasi-inexistant dans les faits. Mieux : Manuel Valls reprend à son compte les thèses néoconservatrices du FN à propos de la prétendue « menace islamique« , bien plus rentables politiquement que la questions des Roms sur laquelle il s’était fait les dents en début de mandat. Ou comment masquer la question sociale par la question identitaire… Cette politique en apparence contradictoire est d’une efficacité redoutable : sous couvert de lutte contre l’islamisme érigé en problème prioritaire, et contre le racisme réduit à la défense de la seule communauté israélite, elle contribue à durcir les clivages communautaires, provoquant ainsi des tensions sociales qui justifient en retour la répression menée contre les musulmans. Le concept d’islamo-fascisme employé récemment par Manuel Valls permet même de coupler la politique discriminatoire anti-Islam à celle de la lutte contre l’extrémisme et l’antisémitisme en faisant mine de défendre les valeurs républicaines tout en validant en sous-main les thèses du Front National. Et les résultats sont là : l’islamophobie ne cesse de progresser dans la société française, alimentant le vote frontiste.

Recette n°4 : délaisser le champ de la sécurité intérieure

Le gouvernement socialiste ne brille pas par son bilan de sécurité. Les chiffres de l’ONDRP basés sur les procès-verbaux des policiers n’offrent qu’une mesure tronquée de la délinquance réelle mais, l’outil d’enregistrement restant le même d’une année à l’autre, ils permettent d’apprécier son évolution dans le temps. Ils montrent une nette dégradation de la situation : 2014 est pire que 2013 qui elle-même a été pire que 2012. Tous les signaux sont au rouge, et l’activisme déployé par le ministre de l’Intérieur sur le front de la lutte contre le racisme ou l’antisémitisme, peut renforcer le sentiment qu’il a relégué au second plan la lutte contre la délinquance classique. Il pratique davantage une politique d’ordre que de sécurité, qui consiste pour l’essentiel à criminaliser l’opposition radicale à coups de mesures liberticides, de surveillance d’Internet et de dissolution d’organisations contestataires. Mais celle-ci ne répond en rien aux demandes de sécurité émanant des classes populaires. Cette désertion ne peut que placer en position de force les adeptes des solutions autoritaires face à la délinquance. Et idem pour ce qui est des défenseurs de la liberté d’expression dont certains se recrutent dans les rangs nationalistes. Manuel Valls en tant que ministre de l’Intérieur n’a pas ménagé ses efforts pour tenter de ruiner la carrière de Dieudonné quitte à perdre plusieurs points dans les sondages, dans le même but inavoué : faire encore et toujours progresser le FN, Jean-Marie le Pen étant l’une des rares personnalités politiques à soutenir l’humoriste.

Recette n°5 : crier au loup

C’est sans doute avec ce dernier point que la duplicité socialiste prend toute son ampleur : ni les cris d’orfraie poussés par Manuel Valls contre le FN, ni ses tirades ou ses meetings contre l’extrémisme, ne sont de nature à freiner sa progression. Elles ont même l’effet contraire : en se focalisant sur le vote frontiste, il érige ce parti en premier opposant favorisant ainsi le ralliement de tous ceux qui veulent en finir avec la politique socialiste. Véritable prophétie autocréatrice, cette politique alimente le danger même qu’elle prétend combattre. Le bénéfice secondaire étant bien sûr la promotion d’un hypothétique sursaut républicain mais sera-t-il suffisant pour faire échec au FN ?

La stratégie de Manuel Valls se résume simplement : jouer avec le feu sans se brûler les doigts. Les élections se résolvant systématiquement par un duel, il s’agit pour le PS de tout faire pour se retrouver face au FN plutôt qu’à la droite classique afin de recourir au front républicain pour l’emporter ensuite. Mais elle a ses limites : à plus de 30 % d’intention de vote pour les prochaines élections, une victoire du FN devient une hypothèse réaliste. Certains sondages donne d’ores et déjà Marine le Pen gagnante face à Hollande au second tour de la prochaine présidentielle. Et cette hypothèse ne peut que gagner toujours plus en crédibilité puisque Manuels Valls a promis de stigmatiser le Front National « jusqu’au bout ».

https://bourgoinblog.wordpress.com/2015/03/11/les-5-recettes-de-manuel-valls-pour-faire-monter-le-fn/

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