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L’ERE DES BENI-OUI-OUI !

Publie le jeudi 26 mai 2005 par Open-Publishing
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de Marc Alpozzo

Mon attitude est peut être lâche et irresponsable, mais je laisse le soin aux garçons coiffeurs de choisir pour moi. C’est cela aussi la démocratie... Je retourne à mes lectures. Les derniers mots seront de Nathalie Sarraute (Pour un oui ou pour un non) :
« H.2 : Oui ou non ? ...
H.1 : Ce n’est pourtant pas la même chose ...
H.2 : En effet : Oui. Ou non.
H.1 : Oui.
H.2 : Non ! » » Thibaut Lanoy

Il semblerait que la philosophie connaisse aujourd’hui, une crise de légitimité sans précédent. Si l’on s’en tient par exemple, aux seuls chiffres des concours de recrutement du personnel enseignant dans cette discipline, on n’est tout à fait en droit de penser que c’est l’un des concours de l’éducation nationale, les plus sinistrés. Mais on pourrait tout autant appuyer notre conviction profonde, sur le lent et vigoureux travail de sape ministériel qui s’opère depuis déjà plusieurs d’années, dont le but, certes non avoué, est de se débarrasser de la philosophie des Universités pour, à terme, l’exclure des programmes de Terminales.

Convictions réalistes ? Fantasmes ? Qui sont-ils donc, ces gens qui ont tant peur de la philosophie ?

Il s’agit d’abord, de faire un premier constat : l’effritement de la philosophie est apparue au moment où son discours n’était plus en mesure d’assurer son rôle : au moment où la philosophie ne pouvait plus être ce que l’on peut appeler une architectonique des savoirs. Ou plus précisément, lorsque face à la philosophie, naissaient ça et là, des discours très structurés, extrêmement complexes, et comble du comble, que la philosophie n’était plus en mesure de dominer. « La philosophie est la reine des sciences », clamait Aristote durant l’antiquité.
Qu’est-elle encore, aujourd’hui ?

Observons le diagnostic d’un tout petit peu plus près : la philosophie est mise à l’épreuve de dominer cinq autres continents du savoir : les sciences, le droit, l’économie, l’art et la technique. Cinq continents qui ne constituent pas moins que notre propre réalité. Un univers entier avec lequel la philosophie entretient des relations complexes, et à chaque fois singulières et distinctes.

Et si le problème dépassait vraiment le cadre de l’explication purement techniciste. En observant les débats de ces jours derniers autour du référendum prochain, on s’aperçoit que rien n’encourage l’esprit critique. Lorsque les journalistes font leur travail, ils ont le droit d’être « objectifs » à deux mois du référendum, révélant le vrai malaise dans « notre » civilisation, en publiant des statistiques qui promettent une belle raclée au référendum à la très pathétique Constitution européenne. Mais lorsqu’il s’agit des dernières semaines avant la grande échéance, alors tout se gâte, et la langue de bois, l’asservissement au pouvoir et au système d’Etat se remet en marche. Pas question de maintenir l’objectivité. Certains iront peut-être penser que les indécis se mettent enfin à parler. Pas l’ombre d’un esprit critique alors chez ces mous du bulbe, incapables durant de longs mois, de prononcer le moindre mot cohérent à propos d’une farce qu’il suffit de « survoler » pour comprendre.
Des panneaux publicitaires sont à présent affichés dans tous le pays, citant quelques articles de la future Constitution, type : « Si un Etat membre est l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine, les autres Etats membres lui portent assistance à la demande de ses autorités politiques. » (Article III-329) Bel exemple d’asservissement des cerveaux à la propagande proeuropéenne manipulatrice et abêtissante ! Comme si, sans Constitution, les Etats membres ne se ligueraient pas contre le terrorisme, ou ne viendraient pas en aide à l’un des Etats membres sinistrés...
Il faut un vrai troupeau de veaux pour avaler des couleuvres d’une taille pareille ! Comment ne pas se ranger du côté de Thibault Lanoy qui écrit dans Pour un oui ou pour un non, sur le site du Stalker : « N’est-il pas tout naturel que ce soit le coiffeur de faubourg qui donne le ton à notre époque ? »

Les lumières allemandes disaient : « Ose penser par toi-même ! » Mais où sont-elles donc ces lumières dans le débat ? Les philosophes, depuis Socrate, toujours combattus, pour rester fidèles à leur double vocation : la vérité et la justice, doivent baisser leur pantalon comme l’inepte BHL, ou se taire à jamais. La machine à broyer, les médias sont de nouveau en marche pour fanatiser les troupes. Envoyer les électeurs au casse-pipe, accomplir leur devoir : voter : OUI ! Car aujourd’hui, tel que nous le dit avec grande pertinence Slavoj Zizek dans son ouvrage Que veut l’Europe ? aux éditions Climats : « il est interdit de penser radicalement ». Tout concorde à croire que dans cette campagne, moins on pense, mieux ILS se portent. Les journalistes peuvent faire leur travail à quelques mois de la campagne mais sont priés de ne plus le faire à quelques semaines. Jusqu’ici les français étaient indécis, mais soudain, par un volte-face des plus impressionnants, ils sont unanimes : le « Oui » est salvateur !
« Cette campagne est bizarre, parce que dans un premier temps tout le monde s’accordait sur le fait que le texte soumis à notre suffrage était un mauvais texte, au moins dans sa forme, et souvent sur telle ou telle partie de son fond. La différence entre les tenants du oui et ceux du non était alors que les premiers répétaient à l’envi que si le texte était certes très imparfait, on s’emploierait dès que voté à le faire évoluer pour qu’il soit mieux, alors que les seconds affirmaient texte à l’appui que ce ne serait pas possible », nous dit Serge Rivron dans un article sur le site du Stalker.
Aujourd’hui, tel que Serge Rivron continue de le dire, tout est entré dans l’ordre : cette Constitution est maintenant, comme un magique volte-face des partisans du oui, considérée comme « parfaite ».

Et tout à coup on comprend, que l’absence de tout leader charismatique dans cette campagne, pour le Oui ou le Non, tel que le dit Serge Rivron, n’aura pas la moindre incidence sur les résultats. Cette Constitution n’a aucun charisme, pas plus que les politiques français actuels, ou les intellectuels poussiéreux qui montent aujourd’hui au créneau, mais tout continuera son long cours tranquille. Nous avons certainement dû installer notre fauteuil dans le sens de l’histoire... Il n’y a sûrement aucune autre explication.

« En deux petites locutions, vous avez effectivement le choix, comme illuminé d’une aveuglante clarté.

Avec ces deux préambules, avec ces deux fractales de MOTS DONT LE SENS FAIT OU DÉFAIT LES MONDES, vous avez face à vous l’alternative entre la mort et la vie, entre le faux oui et le vrai non, vous avez le choix entre NEIN ET NIET.

Vous avez le choix de faire comme les peuples de ce qui fut l’Est communiste en prenant, pour de bon, votre destinée manifestement en main, ou de finir, sans doute assez benoîtement, par disparaître de l’Histoire des hommes », dit Maurice G. Dantec dans son article en ligne, Niet !

Sapera aude ? Niet !

Des liens utiles :

Analyse des Articles du Projet de Traité Constitutionnel (1/4),
http://e-torpedo.net/article.php3?i... par Laiguillon

Pour un Oui ou pour un Non, _http://stalker.hautetfort.com/archi... par Thibault Lanoy

Référendum constitutionnel : cette bizarre campagne, http://stalker.hautetfort.com/archi... par Serge Rivron

Qui est contre l’Europe ? Réponse à Francis Moury, http://stalker.hautetfort.com/archi... par Serge Rivron

Niet ! http://www.surlering.com/article.ph... Par Maurice G. Dantec

Messages

  • "Vous avez le choix de faire comme les peuples de ce qui fut l’Est communiste en prenant, pour de bon, votre destinée manifestement en main".

    Marc Alpozzo n’a probablement pas mis les pieds en Europe de l’Est depuis 1989...