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Force ouvrière : Jean-Claude Mailly en sursis ?

Publie le mardi 19 septembre 2017 par Open-Publishing

Le soutien partiel de Jean-Claude Mailly, le patron de FO, aux ordonnances désarçonne en interne. Mais les frondeurs restent minoritaires.

"FO avec nous !" À Bordeaux, l’appel des Insoumis n’est pas passé inaperçu. Mardi, les militants de Force ouvrière étaient quelques centaines en France à désobéir à leur leader, Jean-Claude Mailly, et à battre le pavé aux côtés de la CGT, FSU, Solidaires, du Parti communiste et des mélenchonistes. "Les gars n’auraient pas compris qu’on ne fasse rien. Jean-Claude nous dit de patienter jusqu’aux décrets d’application. Mais on ne peut pas attendre que l’immeuble brûle avant d’appeler les pompiers !" s’emporte Bruno Lefebvre, secrétaire général adjoint de la Fédération transport et logistique. Le 25 septembre, il fera donc grève avec la CGT. Le 28, ce sera le tour des retraités puis de la fonction publique, le 10 octobre. Avec FO, qui ne manifeste cependant pas le 21.

Guerre d’influence au sein du syndicat

La réforme du Code du travail a semé la zizanie dans les centrales. Les numéros un se retrouvent piégés par leurs oppositions internes. Très décentralisée, FO est traversée par des vents contraires qui vont de l’extrême gauche à l’extrême droite. Un quart de ses sympathisants a voté FN au premier tour de la présidentielle et un tiers pour Mélenchon. "Cette diversité nourrit les désaccords", explique Stéphane Sirot, spécialiste des mouvements sociaux à l’université de Cergy-Pontoise. C’est dans l’ouest et en Île-de-France que la fronde s’exprime le plus. "Mailly n’a pas rempli son mandat. Une organisation syndicale fonctionne par la base, nous ne sommes pas des béni-oui-oui", proteste Nadine Hourmant, à la tête de FO dans le Finistère. Les trotskystes tendance lambertiste et anarcho-syndicalistes se livrent une guerre d’influence. Minoritaires, ils ont tous dès juin décidé de porter le combat dans la rue. Alors même que leur patron jouait sa partition au ministère

"Il n’y a rien de surprenant à ce que fait Mailly, défend un membre de la confédération. FO a une culture de mobilisation et de réforme." Mais la méthode déboussole. "Il y a une forme d’institutionnalisation particulièrement poussée dans la manière dont il a obtenu des concessions", pointe Stéphane Sirot. Les rendez-vous secrets à l’Élysée, l’arrivée de Stéphane Lardy, un temps pressenti pour succéder à Jean-Claude Mailly, au cabinet de Muriel Pénicaud, donnent aux militants l’impression d’une fâcheuse collusion.

En concurrence avec la CGT

Mais Mailly a le sens du verbe. À la commission exécutive confédérale du 4 septembre, il a fait mouche. Une première depuis longtemps, après des heures de débat, ladite commission a accouché d’un texte – rédigé par Mailly ! – qui condamne "la régression sociale" d’une partie des ordonnances. Protester d’un côté, soutenir de l’autre… Ce pas de deux, le chef l’assume. "Si d’autres organisations avaient fait le même choix que nous, on aurait obtenu plus de choses", croit-il. Le relatif succès de la manifestation de mardi le conforte dans sa position de démineur. "C’est toujours ceux qui râlent qu’on entend, raille le secrétaire général. Appeler à des manifestations successives, c’est user les salariés pour rien alors qu’on aura besoin d’eux plus tard." L’ancien disciple de Marc Blondel prépare déjà les coups d’après : l’assurance chômage et la formation professionnelle.

À sept mois de la fin du mandat de Mailly, FO apparaît comme une organisation qui compte, quand l’année dernière elle était encore à la remorque de la CGT. Et tant pis si ça tangue. "Ça ne déplaît pas à Mailly de partir sur un coup de maître, pense un proche. Il a repositionné FO en partenaire incontournable. On représente 15% des voix dans le privé et on a un poids politique équivalent à celui de la CFDT, qui est à 26% !" Soutenu par le bureau confédéral, le sera-t-il par le comité confédéral national des 28 et 29 septembre, qui rassemble les représentants des unions départementales et des fédérations ? Un texte sera soumis au vote. Abrogation, retrait des ordonnances… Les mots vont peser et les résultats donneront le ton du congrès d’avril. "La direction confédérale est traversée par le doute mais ça n’est pas le style de Mailly de partir sur un coup de tête", confie un membre de FO.

http://www.lejdd.fr/politique/force-ouvriere-jean-claude-mailly-en-sursis-3438095

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