Accueil > Le PS n’arrive pas à avaler les incidents d’Evian

Le PS n’arrive pas à avaler les incidents d’Evian

Publie le dimanche 8 juin 2003 par Open-Publishing

Les altermondialistes rechignent à condamner les violences.

Huit jours après, les socialistes sont toujours très colère. « Scandalisés », s’énerve même le cabinet de François Hollande, le premier secrétaire du Parti socialiste. La raison de cet emportement : les incidents violents qui ont empêché samedi 31 mai, à Annemasse (Savoie), la tenue d’un forum sur la « gouvernance mondiale » organisé par le PS dans le cadre des manifestations contre le G8 d’Evian. Après trois quarts d’heure d’échauffourées entre 400 « éléments autonomes » venus du Village alternatif, anticapitaliste et antiguerre et le service d’ordre du PS, conclu par l’intervention de la police, les socialistes ont annulé leur raout où devaient s’exprimer, outre Hollande, des personnalités du mouvement altermondialiste comme Susan George, d’Attac, ou Bernard Pinaud, délégué général du Centre de recher che international sur le développement (Crid).

Si les socialistes sont remontés, c’est qu’ils n’ont pour l’instant pas obtenu de condamnation officielle de ces incidents de la part des mouvements altermondialistes présents à Annemasse. Pour Claude Bartolone, député de Seine-Saint-Denis, où se tiendra en novembre le prochain forum social européen (FSE), « les grandes organisations parties prenantes du mouvement de contestation de la mondialisation libérale ne peuvent pas demander des relations plus étroites avec les partis politiques et cautionner ces violences. Nous devons être fer mes ».

« Regrettable ». « Il y a eu des condamnations, mais trop timides, s’emporte Harlem Désir, député européen socialiste. Nous aimerions une réaction plus solennelle et collective des associations avec qui nous avons préparé ce rendez-vous. »

La requête du PS pourrait être formulée la semaine prochaine à l’occasion d’une réunion préparatoire du FSE. Elle a peu de chance d’aboutir. Pour Bernard Pinaud, « il n’est pas normal que ce débat, prévu dans le programme, n’ait pu se tenir ». Mais il n’est pas « favorable » à un communiqué commun condamnant la violence car si « une coordination » entre les composantes du mouvement altermondialiste a bien été mise en place à l’occasion du G8, elle reste « sou ple » et « ne prend pas de décision politique ».

Susan George, autre invitée du forum annulé, dénonce les violences, « mais de là à faire un communiqué qui défende le PS, non. Nous n’avons pas à le protéger ! » Elle rappelle que les socialistes ne se sont jamais prononcés de « manière claire et nette » contre la mondialisation libérale, l’accord général sur le commerce et les services de l’OMC ou encore la levée du moratoire européen sur les OGM. « Je suis contre tout ce qui s’oppose à la liberté d’expression, prévient Gus Massiah, vice-président d’Attac, mais s’il s’agit d’un communiqué qui prend position sur les faits, il faudrait les établir. » « Il ne faut pas monter cette affaire en épingle, dit aussi Pierre Khalfa, d’Attac. C’est un incident regrettable. Mais le problème dans cette affaire n’est pas la violence, mais la place des partis et particulièrement du PS dans le mouvement. Il y a encore du ressentiment. » L’argument est ressassé. « La page n’est pas encore tournée », dit Pinaud. « On ne peut pas ne pas se poser la question des positions du PS », ajoute Massiah.

« Inadmissible ». Harlem Désir dénonce « cette inversion de la charge de la preuve. Nous avons commencé un travail de fond sur la gouvernance mondiale, la réforme des institutions internationales, il faut continuer ». Pour Jean-Luc Mélenchon, animateur du Nouveau Monde, « les difficultés du PS à se positionner par rapport au mouvement de contestation servent de prétexte à quelques-uns pour décider qui a le droit de s’exprimer. C’est inadmissible ». Même si les socialistes doivent « regagner leurs galons à l’intérieur du mouvement », le « coup porté à Annemasse renforce au PS le camp de ceux qui pensent que nous n’avons rien à faire dans ce mouvement ». François Hollande, lui, vient de créer un poste de secrétaire national à la mondialisation. Y a du boulot.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=116205