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Forfaiture sur le forfait-jour

par Ugict-CGT

Publie le lundi 19 février 2018 par Ugict-CGT - Open-Publishing

On avait déjà de sérieux doutes quant à la modernité politique du chef de l’Etat qui s’est pourtant fait élire avec un discours « disruptif » comme on dit en « novlangue ».

La promesse d’une nouvelle manière de faire de la politique n’a pas tardé à être trahie quand, à la surprise générale et dans le dos des organisations syndicales avec lesquelles il prétendait se concerter, Emmanuel Macron a dégainé la rupture conventionnelle collective.

Aubaine pour le Medef qui n’a pas tardé à en faire usage. Voici maintenant qu’en catimini, sénateurs et députés ont ajouté un amendement à la sixième ordonnance réformant le Code du Travail présentée pourtant par le gouvernement comme purement technique qui permettra désormais aux employeurs de passer leurs cadres au « forfait-jour », sans leur consentement explicite.

Avec ce régime jusqu’ici basé sur le volontariat, le temps de travail est compté en jours par an plutôt qu’en heures par semaine, ce qui a permis de faire sauter la borne des 35, 37 ou 39 heures hebdomadaires. Finies les heures supplémentaires, bonjour la flexibilité. Le passage au forfait-jour, conjugué à la numérisation croissante des activités a amplement contribué à abolir, au seul profit des entreprises, la frontière entre vie au travail et vie familiale.

« Les cadres et professions intellectuelles supérieures ont des durées de travail plus longues que les professions intermédiaires, les employés et les ouvriers » écrit ainsi la DARES. Ils travaillaient ainsi 1 814 jours en moyenne d’ans l’année 2015 contre 1 652 heures en moyenne pour tous les salariés (soit des semaines de 43,2 heures). Est-il encore besoin de faire la démonstration de la nocivité de ces horaires à rallonge ?

On sait depuis une étude publiée par The Lancet qu’au-delà de 40 heures de travail par semaine, le risque de maladies cardiovasculaires augmenterait en fonction des heures supplémentaires. Ces risques cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux croissent de 10 % chez les personnes travaillant entre 41 et 48 heures hebdomadaires et de 27 % au-delà de 49 heures.

A quatre reprises la France a été condamnée par le Comité européen des droits sociaux pour l’utilisation d’un tel régime, unique dans l’UE. Mais la triplette Macron-Philippe-Pénicaud n’en a cure. Non seulement elle s’assoit sur ces condamnations, mais elle foule du talon l’idée même d’un dialogue social sincère et loyal. L’exécutif fait passer en catimini une mesure que les syndicats avaient réussi à faire supprimer de la loi El Khomri qui proposait qu’un employeur puisse, de manière unilatérale, passer ses employés au forfait-jour dans les entreprises de moins de cinquante salariés, sans accord collectif.

Cette sixième ordonnance introduit des contenus nouveaux, qui n’ont jamais été discutés avec les organisations syndicales, ni en plénière à l’Assemblée nationale pas plus qu’en commission des affaires sociales. Le service minimum démocratique pour un texte qui peut impacter des milliers de salariés du privé n’a même pas été de mise. C’est un mauvais coup porté aux ingénieurs et cadres, c’est aussi une forfaiture démocratique.

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