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"Malheur au pays dont le prince est un enfant"

par Deeplo

Publie le vendredi 20 avril 2018 par Deeplo - Open-Publishing

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Les oligarques ont conçu un pantin qui depuis quelques mois prend sa liberté. Leur jouet s’anime, leur échappe, et précipite le pays dans l’abîme. Il s’agissait de rendre le code du travail aux multinationales et d’optimiser encore un peu plus les profits. Mais voilà que la créature en s’émancipant engage un mano à mano effrayant avec le peuple, ceux qui ne sont « rien », ceux qui sont des « preneurs d’otages ». Ce peuple qu’il exècre et qu’il veut mater par la violence. Ainsi la France sombre à une vitesse inouïe, abandonnant en quelques mois toute sa puissance de protection des faibles et des opprimés.

Que se passe t’il ? Comment en sommes nous arrivés là ? Comment une poignée d’électeurs irresponsables ou cyniques ont ils pu avoir autant de poids dans la balance démocratique ?
Il y a aujourd’hui 4 personnages infâmes aux commandes, depuis un an, pour encore quatre ans, puis sans discontinuer si nous ne les stoppons pas en occupant la rue :

 le tyran hystérique, aveuglé par une idéologie moyenâgeuse, et dont on peut aujourd’hui penser qu’il souffre d’un sérieux problème d’équilibre mental et émotionnel.
 un minable petit bourgeois, sinistre sous fifre sorti de nulle part et maniant la matraque avec passion, capable de faire subir aux réfugiés et à leurs enfants un sort honteux, un sort qui nous renvoie à la sale France de Pétain
 un fantôme nationaliste, raciste et violent, qui sert de cheval de Troie imparable à l’oligarchie à chaque élection et que ses médias poussent en avant sans craindre le risque de dérapage fatal. Grâce à lui il n’ y a plus de second tour.
 un benêt sans envergure, opportuniste crasse capable de pousser un Valls pour obtenir un maroquin, incapable de réfléchir par lui même, dont l’utilité sociale se résume à la capacité à se présenter aux élections pour garantir la défaite de la gauche. Grâce à lui le premier tour ne peut être gagné par la gauche.

Ces quatre personnages nous étranglent et maintiennent le pays sous leur coupe comme personne n’avait réussi à le faire jusqu’à présent. Ils représentent chacun une partie d’un verrou extraordinairement complexe à faire sauter.

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Et pourtant la convergence des luttes a eu lieu. La manifestation de Marseille passée complètement sous l’étouffoir médiatique a été un magnifique succès. Tous les syndicats et les partis politiques étaient réunis avec des dizaines de milliers de personnes.
Les dockers et les électriciens ont rejoint les profs, les avocats, les cheminots, les personnels des maisons de retraite, les retraités, les étudiants, etc…

La manifestation du 5 sera un grand succès pourvu que nous nous y rendions tous…. La désunion syndicale est un grand classique, un éternel recommencement, qui n’a pas empêché les salariés d’obtenir des augmentations de salaires extraordinaires en mai 68, ou de pousser à la création de la sécurité sociale contre la bourgeoisie et le patronat en 1946. Ce sont aux citoyens de se prendre en main sans attendre que des partis ou des syndicats leur disent quoi faire !

La lutte démarre seulement. Beaucoup de leurres ont déjà été lancés pour étouffer la révolte dans l’oeuf, en plus du black out médiatique, et notamment le harcèlement policier à NDDL ou les attaques des facs par les CRS. Il s’agit de tout faire pour ne pas parler des salariés et des mécontents qui osent dire NON au petit Macron et à sa clique de dangereux démagogues. A se demander si le pitoyable bombardement de la Syrie sans l’autorisation de l’ONU pour la première fois dans l’histoire de France, sans ni effet ni but, n’a pas servi à Macron à faire oublier 24h la grève générale qui lui pend au nez.

Car malgré ça nous sommes très nombreux maintenant à dire NON en grand, et Pasolini en son temps expliquait pourquoi c’est si important de décider ce moment de refus catégorique :

Non : « Le refus a toujours constitué un rôle essentiel. Les saints, les ermites, mais aussi les intellectuels. Le petit nombre d’hommes qui ont fait l’Histoire sont ceux qui ont dit non, et non les courtisans et les valets des cardinaux. Pour être efficace, le refus doit être grand, et non petit, total, et non pas porter sur tel ou tel point, absurde, contraire au bon sens. Eichmann, mon cher, avait énormément de bon sens. Qu’est-ce qui lui a fait défaut ? La capacité de dire non tout en haut, au sommet, dès le début, tandis qu’il accomplissait une tâche purement et ordinairement administrative, bureaucratique. Peut-être qu’il aura dit à ses amis que ce Himmler ne lui plaisait pas tant que ça. Il aura murmuré, comme on murmure dans les maisons d’édition, les journaux, chez les sous-dirigeants politiques et à la télévision. Ou bien il aura protesté parce que tel ou tel train s’arrêtait une fois par jour pour laisser les déportés faire leurs besoins et avaler un peu de pain et d’eau, alors qu’il aurait été plus fonctionnel ou économique de prévoir deux arrêts. Il n’a jamais enrayé la machine. » (Entretien avec Furio Colombo, La Stampa, 8 novembre 1975)

Pour dire non, il faut la fermeté de ses principes, il faut accepter d’avoir raison contre la meute médiatique déchaînée, il faut sortir de la fabrique du consentement de confort. Eteindre France inter, éteindre la télé publique, se désabonner des journaux des oligarques. Il faut repenser par soi-même. Allez chercher l’info. Y consacrer du temps. Faire des efforts. Et puis tracter, tracter, tracter. Etre présent physiquement sur les places publiques. Echanger, réunir, agir. L’émancipation demande de la force et de l’énergie, de l’humilité, de l’espoir. Nous le devons à nos enfants et petits enfants, nous le devons à nos vieux que nous n’avons pas le coeur d’abandonner aux griffes de l’état néolibéral dans ses mouroirs que nous nous cachons à nous-mêmes. Nous méritons le respect et la dignité nous autres. Nous méritons de pouvoir nous organiser comme nous l’entendons pour enfin commencer à lutter contre le réchauffement la planète qui nous ronge à petit feu. Si l’on ne renverse pas la table maintenant, la prochaine crise sera toujours plus dure et plus désespérée. Chaque renoncement à la lutte nous rapproche de ce moment quand la violence pure s’exprimera. Celle des flics de Macron ou d’un autre roitelet de pacotille à moitié demeuré à l’endroit des pauvres, des réfugiés, des contestataires. Celle des désespérés, des ghettos qui ne vont plus tarder à se rebeller à nouveau, celle des militants politiques qui ne se résoudront pas à obéir au fascisme et deviendront violent.

Il reste de longues semaines à tenir. Les cheminots sont nos représentants. Ils tiendront le plus longtemps possible. Bien au delà de Mai. Nous devons les soutenir et manifester avec eux, cotiser pour venir en aide à leurs familles dont les revenus sont amputés de 50% par mois. Il faut que ce soit nous qui emportions le morceau dès cette année, parce que nous savons que faire de nous mêmes, nous sommes pacifiques et tolérants, nous refusons la guerre, nous voulons changer de république, nous sommes capables de redonner vie à notre pays.

Deeplo.

PS : ci dessous 2 belles photos prises par Stéphane Burlot et un texte du grand Bernard Friot publié par Reporterre qui donne du sens à la lutte !

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Bernard Friot : « Si Macron gagne son pari de la réforme de la SNCF, il faut se faire du souci pour le reste »
19 avril 2018 / Entretien avec Bernard Friot

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Les cheminots sont à nouveau en grève contre la réforme de la SNCF, qui prévoit notamment la suppression du statut de cheminot. Pour Bernard Friot, sociologue et économiste, cette réforme s’inscrit dans une contre-révolution néolibérale contre celles et ceux qui bénéficient d’un salaire à vie.
Bernard Friot est un sociologue et économiste, professeur émérite à l’université Paris X-Nanterre. Il a écrit de nombreux ouvrages sur la Sécurité sociale et le salariat. Son dernier livre, paru en 2017 aux éditions La Dispute, s’intitule : Vaincre Macron.
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Bernard Friot.
Reporterre — Pourquoi le gouvernement se focalise-t-il autant sur le statut des cheminots ?
Bernard Friot — Depuis la fin des années 1980, la seconde gauche emmenée par Michel Rocard a lancé une offensive absolument déterminée contre le salaire à la « qualification personnelle », autrement dit contre le statut des fonctionnaires ou de certains salariés comme les cheminots. Cette contre-révolution se prolonge jusqu’à aujourd’hui, Emmanuel Macron étant un parfait « baby Rocard ».
Ce salaire à la qualification personnelle est pourtant la conquête sociale majeure du XXe siècle face au capital ! Macron veut des free-lance, des autoentrepreneurs, afin que la reconnaissance du travailleur s’opère sur un marché — marché du travail ou des biens et services.
Tout au long du XXe siècle, le combat des mouvements sociaux a été d’imposer au capital d’employer les travailleurs. En 1910, le contrat de travail va lier le salaire au poste de travail, et non plus à la tâche. Puis, mieux que ça : le mouvement social va obtenir le salaire lié à la personne même. Au cours du siècle dernier, on assiste ainsi à une lente montée en puissance de ce salaire à la qualification personnelle : en octobre 1946, la loi Thorez sur les fonctionnaires concerne 500.000 personnes. Aujourd’hui, ce sont 5,5 millions de personnes : les fonctionnaires, les salariés à statut (cheminots, EDF, RATP, etc.), la moitié des retraités. Tous ont une forme de salaire lié à la personne, détaché du fait qu’ils aient un poste, ce qu’on appelle aussi salaire à vie.
Et il y a une haine de classe pour ça ! La classe dominante est absolument déterminée à maintenir la reconnaissance sociale du travailleur dans une logique marchande. Accepter que des gens soient payés pour un attribut qui leur est propre, que ce ne soit pas leur poste qui soit qualifié, mais eux, c’est un refus absolu ! L’idée que les travailleurs se libèrent de l’aléa du marché, qu’ils puissent relever la tête parce qu’ils sont titulaires de leur salaire, ça leur est insupportable.
Une classe dirigeante ne défend pas ses sous, elle défend son pouvoir sur le travail, parce que c’est de ce pouvoir qu’elle tire ses sous. Or, ce pouvoir repose sur deux institutions : l’aléa marchand pour la reconnaissance du travailleur — c’est-à-dire le fait que le travailleur soit un individu sur un marché — et la propriété lucrative de l’outil. L’attaque de Macron contre la SNCF porte sur ces deux institutions : l’ouverture à la concurrence (la propriété lucrative de l’outil) et le statut du cheminot (l’aléa marchand pour le travailleur).

Pourquoi se centrer sur les cheminots plutôt que sur les fonctionnaires ?
La fonction publique est effectivement le dernier bastion du salaire à vie, mais elle a moins de tradition syndicale combative que les cheminots. Étant donné qu’Emmanuel Macron a pu réformer depuis un an sans coup férir, il fait un pari : s’il gagne contre les cheminots, donc contre les plus combatifs, il pense avoir un boulevard pour les fonctionnaires, dont la plupart partagent un certain défaitisme. Il a donc ajouté cette réforme de la SNCF qui n’était pas dans son programme. De fait s’il gagne ce pari, il faut se faire du souci pour le reste.

Donc, à l’inverse, le combat que le mouvement social doit mener, c’est l’extension du statut du cheminot à tous, comme le dit Philippe Martinez.
Effectivement. La seule bataille qui soit fédérative, c’est celle qui propose d’étendre à tous la libération vis-à-vis du marché du travail. C’est donc l’extension à tous et toutes d’un salaire à la qualification personnelle, aussi appelé salaire à vie. L’idée est la suivante : à 18 ans, chacun se voit attribuer un premier niveau de qualification, et le salaire correspondant, ces qualifications et salaires pouvant augmenter ensuite au cours de la vie professionnelle. Par exemple, ce salaire pourrait commencer à 1.500 euros nets par mois à 18 ans et aller jusqu’à un salaire maximum de 6.000 euros si l’on retient quatre niveaux de qualification, ce qui correspond aux conventions collectives les plus avancées.
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Manifestation parisienne du vendredi 13 avril où les cheminots, les étudiants, le personnel de santé ou encore les postiers ont défilé de Tolbiac jusqu’à la gare Austerlitz.

En quoi est-ce différent du revenu de base ?
Le revenu de base ne s’attaque pas — y compris quand il s’élève à 1.000 euros par mois — à la logique du capital. Il n’offre pas vraiment d’alternative au marché pour la reconnaissance des travailleurs. Ce n’est qu’un premier pilier de ressource. Or, quand on cumule une allocation fiscale, comme le revenu de base, et du salaire, c’est toujours au détriment du salaire. L’employeur peut se dédouaner et dire « tu as déjà 800 balles, voici 400 balles, et tu as ton Smic ». C’est ce qui se passe avec le RSA activité.
Le revenu de base est porté par des écologistes, mais c’est une erreur intellectuelle ! En aucun cas le revenu de base ne peut être un soutien à la décroissance.

En quoi le salaire à vie pourrait-il être moteur de décroissance ?
Parce qu’il n’est pas isolable d’une proposition plus générale. Il ne se conçoit pas sans une révolution. C’est un élément d’un autre mode de production que le système capitaliste.
Le salaire à vie signifie que nous sommes porteurs du salaire parce que nous produisons la valeur économique. Et donc, nous devons être propriétaires de l’outil de travail et décider de l’investissement. Avec le droit politique au salaire vient la propriété d’usage et patrimoniale de l’outil de travail.
Dans le système capitaliste, la seule chose qui intéresse un propriétaire lucratif, ce qui guide sa décision en matière de production, c’est : « Est-ce que ça rentabilise le capital ? » Point. Il ne se pose aucune question quant à l’utilité sociale, quant à la prédation sur la nature. Nous sommes dans une dictature de la rentabilité financière du patrimoine.
À l’inverse, dans un système avec un salaire à vie et sans propriété lucrative des outils de travail, que se passe-t-il ? L’entreprise n’a plus l’obsession de payer ses salariés puisqu’elle verse une cotisation au prorata de sa valeur ajoutée à une caisse commune, et c’est la caisse qui paye ses salariés. Elle n’a plus l’obsession des emprunts puisqu’elle ne s’endette plus, elle est subventionnée. En revanche, elle verse une cotisation — qui remplace le profit — permettant de financer des caisses d’investissement gérées par les travailleurs.

Quels sont les prochains pas pour renforcer le mouvement ?
Il faut fédérer. Car il y a une cohérence dans ces contre-réformes de la SNCF, de l’université, des hôpitaux.
Prenons la lutte des étudiants contre la sélection. Ce que veut Macron au départ, c’est la réforme du bac : un bac à la carte, avec beaucoup de contrôle continu. Le bac va être lié au type d’établissement dans lequel on l’a passé, et non plus un examen national. Donc, si le bac n’a plus de cours à l’échelle du pays, il faut de la sélection à l’université, c’est cohérent. C’est déjà ce qui se passe en Angleterre !
La sélection met en compétition les étudiants, mais aussi les établissements. Ils vont embaucher très cher des profs très connus pour attirer les meilleurs étudiants, tout ceci va entraîner des coûts, des hausses des frais d’inscription, et donc des prêts pour les étudiants. Derrière la logique d’endettement, il y a l’idée qu’un étudiant ne travaille pas, il n’est pas productif, mais il a le droit d’avoir un prêt qu’il remboursera quand il bénéficiera d’une amélioration de son capital humain lié à ses études.
Là aussi, la réponse à apporter, c’est que nous avons tous droit à une qualification de 18 ans à notre mort, et à un salaire correspondant.
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L’occupation de Sciences-Po, à Paris, le 18 avril.

Vous dites que le salaire à vie n’adviendra qu’avec une révolution. Comment fait-on ?
C’est très facile en matière économique mais beaucoup plus difficile en matière politique. Gramsci nous raconte qu’une classe est dirigeante lorsqu’elle est hégémonique, c’est-à-dire quand elle fait accepter son récit du réel par ceux qu’elle domine. Donc, il faut imposer un contre-récit. Expliquer que le salaire à vie n’est pas irréalisable, qu’il existe déjà. Nous devons avoir conscience que la bataille autour du salaire à la qualification est la mère des batailles. On n’en est pas là. Pour le moment, c’est plutôt une addition de rages.

Qu’est-ce qui fait qu’en 2018 ça pourrait marcher ?
De nombreux jeunes entrent en dissidence. Avec toutes les mesures jeunes — les emplois jeunes, les services civiques —, on a complètement fait chuter le salaire d’embauche. À 25 ans, en euros constants, ce salaire est deux fois et demie moindre que ce qu’il était à la fin des années 1960, alors que le pays est infiniment plus riche. Il y a donc eu un effondrement complet, qui a entraîné beaucoup de jeunes dans la révolte. Ils ne vont plus sur le marché du travail, ils recherchent des alternatives au capital, ici et maintenant. Beaucoup de jeunes diplômés ne jouent pas le jeu. S’il s’ajoute à cela des travailleurs indépendants qui se rendent compte combien ils sont exploités et qui ne veulent plus payer la rente aux propriétaires et créer des coopératives, ça commence à être intéressant.
Mais il faut aussi un syndicalisme qui soit capable de dire à tous ces jeunes qui sont dans la dissidence : on peut faire autrement, nous avons déjà conquis le salaire non lié à un emploi, allons-y battons-nous pour l’extension à tous du salaire à vie !
Propos recueillis par Lorène Lavocat
LE STATUT DES CHEMINOTS, UN EMPLOI À VIE

Le tout premier statut de cheminot date de 1920, mais il a été modifié à plusieurs reprises. La principale différence avec un contrat de droit privé (type CDI), c’est que le statut de cheminot met les agents de la SNCF à l’abri d’un licenciement économique. En effet, il prévoit seulement trois cas de départ : la démission, la retraite ou la radiation. Comme pour les fonctionnaires, on parle ainsi d’emploi à vie, ou, comme l’explique Bernard Friot, de salaire à la qualification personnelle.
90 % des 150.000 salariés de la SNCF relèvent de ce statut. Il s’accompagne d’une période d’essai plus longue, d’un an à deux ans et demi pour certains cadres.