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Une colère trés juste...

par Alexis Corbière

Publie le vendredi 19 octobre 2018 par Alexis Corbière - Open-Publishing

Je reviens sur les évènements de ces derniers jours. Ceux qui viennent sur mon mur FaceBook ne peuvent ignorer ce que j’évoque. Mardi matin, la France Insoumise et singulièrement Jean-Luc Melenchon ont été la cible d’un dispositif judiciaire et policier inédit. En écrivant cela, je ne prétends pas qu’aucune perquisition n’a eu lieu dans des locaux de formations politiques ou aux domiciles privés d’un responsable ou d’un parlementaire. J’affirme précisément que c’est la première fois qu’un dispositif d’une telle ampleur, aussi disproportionné par rapport aux enjeux, est mis en œuvre…

Nous avons fait l’objet de perquisition sur 15 sites différents dont plus de dix domiciles privés. Cela n’est jamais arrivé aux autres partis en même temps. Ce dispositif est généralement déployé pour des groupes antiterroristes.

Cette disproportion a choqué tous nos amis et merci à tous ceux, très nombreux, qui nous envoient des messages personnels d’amitiés et de soutiens. Merci aux responsables politiques du PCF, de Générations, du NPA, à plusieurs députés PS, au président du Groupe LR à l’assemblée M. Christian Jacob, de nous avoir apporté clairement leur appuis dans cette épreuve. Ceux qui ont condamné ce dispositif ne se limitent pas seulement aux responsables du FN comme l’a prétendu la matinale de France Inter hier.

Merci encore pour ces protestations. Il s’agit d’une question de principes, il s’agit de défendre à travers ce que nous subissions nos libertés collectives. Il s’agit d’assurer qu’aucun pouvoir n’exerce, à travers des procédures discutables, des pressions directes ou indirectes sur les forces d’opposition. Prendre l’ensemble des informations personnelles d’un des principaux leaders de l’opposition n’est pas un geste anodin. Protester est parfois donc une question de principes. C’est ici le cas.

Aussi j’aimerai m’adresser à ceux qui doutent, et à ceux qui n’approuvent pas du tout notre attitude et nous condamnent publiquement.
Une nouvelle fois, l’Histoire peut aider à y voir plus clair. Retour en arrière. En 1973, les locaux de la Ligue Communiste (ancêtre du NPA) sont perquisitionnés. Des armes à feu vont être trouvées. Cette perquisition fait suite à une manifestation contre un meeting d’extrême droite qui a débouché sur des affrontements très violents avec la police. Des cocktails molotov sont envoyés sur des cars de polices et une dizaine de fonctionnaires de police sont blessés à cette occasion. Violences à Paris… Les images à la TV sont terribles ! Quelques jours après, le 29 juin 1973 le principal responsable de la Ligue Communiste Alain Krivine est convoqué par la police. Il va être condamné. En signe de solidarité, François Mitterrand et Edmond Maire (CFDT) vont l’accompagner lorsqu’il se rendra à cette convocation (Les responsables du PCF et de la CGT apporteront aussi leur soutien à Krivine). Ils l’accompagnent tout simplement car ils n’acceptent pas que le pouvoir s’en prenne à des responsables politiques de l’opposition. Ils ne tolèrent pas que l’on perquisitionne leurs locaux, que l’on saisisse leur fichier d’adhérents et que l’on pénètre dans leurs domiciles privés. Par ce simple soutien à Krivine, ils défendent les droits de tous. Ils ne manquent pas de respect aux juges. Non, ils posent un acte Politique public ! En 1973, celui qui deviendra 8 ans plus tard Président de la République en 1981, manifestera ainsi publiquement sa solidarité avec ceux qui subissent des décisions de justice qu’il estime préoccupante pour nos libertés collectives et questionnera des décisions de justice. 45 ans plus tard, qui oserait encore prendre la défense de gens accusés de s’être affronté à la police ?
Je raconte cela pour rafraîchir la mémoire à certains qui doutent. Oui, malgré la passion de certains échanges avec des membres des forces de l’ordre, et les décibels élevés de quelques-unes de nos déclarations, nous avons eu raison de ne pas banaliser ce que nous subissions. Nous avons eu raison de convoquer la presse pour protester contre cette perquisition que subissait notre local et toutes autres. Par l’aspect spectaculaire de notre protestation nous avons pris à parti l’ensemble du pays pour qu’il réfléchisse sur ce qui est en train de se dérouler, pratiquement sous ses yeux. J’affirme au passage que mardi matin aucune violence sérieuse n’a eu lieu contre les forces de l’ordre et les magistrats présents. Personne ne fut frappé. Personne n’a été insulté. Notre protestation fut seulement verbale. Oui, des parlementaires ont parlé ! Mais c’est leur mandat. Et de façon plus personnelle, mon « coup de gueule », si médiatisé, fut essentiellement pour éviter que des coups soit portés et que la situation s’envenime. Sous mes yeux, un militant de la FI était jeté au sol par un policier et saisi à la gorge. Je m’y suis opposé. Qui n’aurait pas fait de même ? J’ai apaisé la situation en invitant le responsable des forces de l’ordre à calmer les choses et son collègue. Ce qui fut fait. J’estime avoir eu raison de le faire. Je tiens à dire que je ne mets pas en cause les fonctionnaires de police qui étaient présents, mais j’interroge ceux qui leur ont donné l’ordre de venir.
Je pourrai également revenir sur l’épisode de « Radio Riposte » en 1979, où le local du PS, Cité Malesherbes, eu sa porte défoncée à coup de hache par les forces de l’ordre. Une radio libre non autorisée y émettait une émission. A cette occasion des militants du PS parisiens et des policiers se sont affrontés. Quelques jours plus tard, François Mitterrand était mis en examen pour ne pas avoir respecté l’interdiction de justice d’émettre sur les ondes. Il assuma et retourna la charge contre le pouvoir giscardien et les juges à ses ordres.

J’invite donc tous les gens de bonne volonté à méditer, à la lumière de ce passé pas si ancien, sur ce qui leur a été montré sur des dizaines de médias et la manière souvent très biaisée par laquelle les faits de mardi matin furent présentés.
Toute cette histoire est politique… 100% politique. Et notre protestation l’est aussi. Nous ne voulons pas la criminalisation des forces d’oppositions. Nous nous inquiétons devant cette utilisation abusive de la justice pour neutraliser des courants politiques. Ici, je ne parle pas seulement de la FI mais de tous ceux qui ont eu à subir cela dans le passé. J’appelle les magistrats, et ils sont nombreux à être des gens très soucieux de l’intérêt général, à réfléchir au pouvoir d’impact qu’ils ont sur le débat public. Comment justifier que l’attitude n’est pas la même selon les partis politiques concernés ? Comment comprendre que le local de LREM n’ait jamais subi la moindre perquisition, malgré les nombreuses mises en cause de la Commission nationale des comptes de Campagne ? Qu’aucun de ses responsables ne soient visés ?
Les questions que je pose là sont de vieilles questions. Elles traversent le temps. Ne banalisons jamais les pressions exercées par un pouvoir sur son opposition politique. On ne peut se laver les mains de ces préoccupations en brandissant « l’indépendance » de la justice. Ne rions pas quand Mélenchon évoque le caractère « sacré » des représentants du Peuple. On peut soulever les épaules devant le caractère désuet de la formule et son aspect idéaliste. Il n’empêche qu’il a raison. Par cette expression, il convoque l’Histoire. Les députés ne sont pas au-dessus des lois, c’est une évidence. Mais par leur place singulière, ils doivent pouvoir agir sans craindre d’être mis sous pression discutable d’un magistrat, lui-même sous la pression politique du Garde des sceaux. Si un responsable politique doit être perquisitionné, le peuple pour l’accepter doit être sûr que c’est pour un motif sérieux et non pour vérifier si ses collaborateurs parlementaires il y a 4 ans auparavant écrivaient des notes et des déclarations sur la situation politique en Europe, dans le cadre de leur fonction d’assistant ou dans leur temps d’action militante.. ? Impossible à trancher, c’est une seule et même chose ! Enfin, concernant les comptes de campagne présidentiel de 2017, nous demandons depuis le 8 juin 2018 un réexamen exhaustif de toutes les factures.. Pourquoi ne pas le faire ?

Ne vous laissez pas assourdir par nos cris d’indignations, filmés par des gens qui nous sont hostiles.

Posez-vous les questions fondamentales : Est-ce là un Etat de droit ? Pourquoi ces moyens inadaptés contre nous ? Nos libertés, ici malmenées, ce sont les vôtres. En protestant contre le sort qui est fait à la FI, vous défendez le droit de tous d’agir contre le pouvoir. Quand tu me défends moi, dans ma pleine liberté d’expression et d’action, tu nous défend tous. Question de principes… c’est cela le sujet.

Et non savoir si j’ai hurlé trop fort, peut être "dans la folie d’une colère très juste" comme disait le poète...

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