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Le nouveau décret sur les centres de rétention bafoue les droits fondamentaux

Publie le vendredi 10 juin 2005 par Open-Publishing

La CIMADE

Le nouveau décret sur les centres de rétention bafoue les droits fondamentaux :

La demande d’asile rendue impossible pour les non francophones. La généralisation de la rétention des mineurs. Des centres aux dimensions déshumanisantes. Une mise aux normes à nouveau reportée

La Cimade demande des modifications d’urgenceau nouveau ministre de l’Intérieur

Après la loi du 26 novembre 2003 qui a triplé la durée maximale de la rétention administrative, un nouveau décret encadrant la rétention administrative était attendu. Ce décret, daté du 30 mai 2005, a été publié au journal officiel au moment même où le Gouvernement de M. Raffarin donnait sa démission.

Ce décret consacre une nouvelle dérive dans le traitement déshumanisé des personnes placées en rétention :

La consécration de centres de rétention de dimension déshumanisante

En janvier 2004, la Cimade avait convaincu le ministère de l’Intérieur qu’au-delà d’une certaine capacité d’accueil, les centres de rétention allaient changer de nature et ne pourraient que provoquer, par la disparition inévitable du caractère individuel des relations humaines, des tensions accrues, des violences, des dérapages de toutes sortes. Le ministère de l’Intérieur s’était engagé à limiter les centres à 100 places au maximum. La Cimade regrette vivement que cet engagement n’ait pas été tenu. Le décret prévoit des centres de 140 places, une dimension très excessive qui ouvre la voie à toutes les dérives, aux phénomènes de violence et à l’évolution vers un régime carcéral.

La demande d’asile rendue impossible pour les non francophones

Alors que la loi offre plus de souplesse et de facilités en matière d’interprétariat, le décret du 30 mai 2005 contient une disposition extrêmement choquante : les personnes étrangères placées en rétention et sollicitant l’asile devront désormais rémunérer elles-mêmes les interprètes qu’elles solliciteront pour rédiger leur demande et remplir le formulaire de l’OFPRA en français (rédaction en français rendue obligatoire par un décret d’août 2004). Comment peut-on concevoir que ces personnes, pour l’immense majorité démunies, pourront être en mesure, alors qu’elles sont privées de liberté, de se faire entendre et d’expliquer avec précision leur besoin de protection ? Au-delà de la violation caractérisée du droit constitutionnel à demander l’asile, cette disposition représente et est perçue dès maintenant par les intéressés comme un mépris à l’égard de leur personne, une humiliation.

Des femmes et des enfants en danger

Le décret consacre également la création de centres destinés à recevoir des familles. Cela signifie très concrètement que la forte tendance constatée depuis plusieurs mois au placement d’enfants mineurs en rétention va se renforcer. Cette disposition est lourde de conséquences ; sur le principe, la Cimade rappelle que les enfants n’ont rien à faire en rétention, les pouvoirs publics ayant bien d’autres moyens moins coercitifs à leur disposition. Par sa pratique quotidienne, la Cimade témoigne que le placement des enfants en rétention est pour eux particulièrement traumatisant et destructeur, tant pour leur équilibre psychologique que familial.

Des normes à la mise en oeuvre sans cesse différée

Le premier décret sur la rétention, publié en mars 2001, avait établi un certain nombre de normes matérielles et d’équipement, afin que les conditions du maintien des personnes puissent préserver leur dignité. Le décret de 2001 avait prévu un délai de trois ans pour que les centres et locaux de rétention s’adaptent à ces normes. En 2004, compte tenu des retards pris, le ministère de l’Intérieur avait prolongé d’un an ce délai. Le décret du 30 mai 2005 vient utiliser le prétexte d’une modification de ces normes pour instaurer un nouveau report de deux ans quant à la mise en conformité des lieux de rétention (repoussée au 31 décembre 2006). La Cimade estime qu’il n’est pas admissible que les normes édictées en 2001 ne soient toujours pas respectées. Parce qu’il s’agit avant tout du respect de la dignité des personnes, la Cimade demande avec force que tous les lieux de rétention, centres ou locaux, qui à ce jour ne correspondent pas aux normes édictées en mars 2001 soient immédiatement fermés.

Toujours pressé de renvoyer toujours plus d’étrangers, l’ancien

Gouvernement a pris la décision de négliger l’élémentaire respect des personnes, de leurs droits comme de leur dignité.

La Cimade demande de toute urgence au nouveau ministre de l’Intérieur de ré examiner les termes de ce décret pour y apporter les correctifs qui s’imposent.