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Une inspection est demandée à la suite d’une interpellation de chômeurs par des gendarmes

Publie le lundi 13 juin 2005 par Open-Publishing
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de Yves Bordenave CHAUNY (Aisne)

Le procureur de la République de Laon (Aisne), Olivier Hussenet, va saisir l’inspection technique de la gendarmerie, l’équivalent pour les militaires de la "police des polices" . Motif : "tirer au clair" l’interpellation énergique, lundi 30 mai, à Chauny, de six personnes, anciens salariés de l’usine de confection Knac fermée depuis le mois d’avril 2003. Menottes, mises à nu pour fouilles au corps, les gendarmes n’ont pas lésiné pour impressionner les "suspects" : des ouvriers au chômage, en butte à un repreneur d’entreprise mécontent.

Les intéressés en sont encore bouleversés. En larmes, Luigina Galvès ne termine pas son récit. Lysiane Emery, sa collègue, raconte : les gendarmes ont sonné à sa porte à 6 h 50, Luigina était en pyjama : "Vous devez nous suivre. Vous êtes en garde à vue." Arrivée à la gendarmerie, Luigina a dû se déshabiller, subir une fouille au corps.

Agissant sur commission rogatoire de Nathalie Zahi, juge d’instruction à Laon, les gendarmes mènent une enquête ouverte depuis mars 2004 "pour dégradation volontaire de biens en réunion" . Comme Luigina, Lysiane a également eu droit au traitement qu’elle croyait réservé "à des criminels" . "Mais moi, j’ai pu garder mon slip" , précise, émue, cette femme de 53 ans, qui a été interrogée pendant près de douze heures.

Ancien délégué CGT chez Knac, Frédéric Bantegnie a eu, lui, la visite des gendarmes dès 6 h 02 : "Un gendarme m’appelait "camarade" en me tutoyant comme il l’aurait fait s’il avait eu affaire à un voyou." Dix jours ont passé depuis cette opération et ni lui ni aucun des six interpellés n’a été mis en examen.

L’affaire avait commencé vingt mois plus tôt, en octobre 2003, quand les salariés ont appris que le tribunal de commerce avait décidé de vendre leur entreprise en dépôt de bilan à Dominique Fernande, de la société Alshain Prestige. Celui-ci a défendu un projet de relance, mais n’a repris que 15 salariés sur les 61 que comptait l’usine. La colère des personnels était d’autant plus grande qu’un autre industriel avait proposé de maintenir la totalité des emplois.

A l’annonce de la décision du tribunal, M. Fernande s’est présenté aux portes de l’entreprise. Il a constaté que les salariés avaient brûlé des pneus et des papiers dans la cour. Des confettis et de la suie ont été répandus un peu partout. Un huissier a noté un grand désordre, "la saleté qui règne" , "le tagage rouge CGT" . M. Fernande a porté plainte le lendemain.

Philippe Brun, l’avocat des salariés, ne nie pas : "Il y a bien eu un feu dans la cour. Une sorte de "jacquerie" a éclaté et des salissures ont effectivement été commises." Mais les machines et l’outil de travail n’ont pas été endommagés. Au contraire, prétendent les anciens grévistes aujourd’hui au chômage, "pendant six mois, nous avons préservé l’outil" .

Me Brun et la Ligue des droits de l’homme de l’Aisne dénoncent "des méthodes indignes de la République" . L’avocat envisage de poursuivre le ministère de la défense pour voies de faits. Le colonel Bernard Rommens, commandant le groupement de gendarmerie de l’Aisne, assure que ses hommes ont agi "dans le respect des procédures" . S’il comprend l’émotion des personnes interpellées et "le contexte particulier" , il indique que les enquêteurs ont exécuté les instructions du juge.

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