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A Annemasse, le PS ressasse son humiliation

Publie le mercredi 11 juin 2003 par Open-Publishing

Pour l’automne, la fédération du Parti socialiste de Haute-Savoie a déjà prévu une petite journée de travail. Le thème ? « Pourquoi le PS est-il l’objet de tant de haine ? » Pendant des semaines, les militants socialistes locaux s’étaient mobilisés pour organiser un forum sur la mondialisation à l’occasion du sommet anti-G8, à Annemasse.

Mais, le 30 mai, quelques centaines de manifestants en ont empêché la tenue. « Amers », « dépités », « blessés », les militants s’en remettent mal. Jean Excoffier, leur premier secrétaire fédéral, a essuyé quelques flots d’ordures et d’injures. Il a entendu des slogans « PS-SS » ou « dissolution du PS » et résume le sentiment général : « On ne méritait pas ça. »

« Partenaires ».
Pour autant, pas question de baisser les bras. Tous les militants socialistes de Haute-Savoie assurent qu’ils participeront au Forum social européen qui se tiendra à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en novembre. Histoire de rappeler à leurs turbulents « partenaires » qu’ils n’ont pas le monopole de l’altermondialisme. Et d’essayer de retisser des liens qu’ils croyaient plus fermes. Car si les socialistes locaux ont si mal ressenti l’agression du 30 mai, c’est qu’ils s’étaient cru enfin acceptés par la galaxie altermondialiste.

Récupération.
Jean Excoffier avait assisté aux réunions de coordination, à Genève. « J’y ai essuyé quelques piques, sur le thème : "le PS récupère." Mais il n’y avait pas de rejet, y compris avec les anars », raconte-t-il. Alors, les militants PS avaient acheté des affiches, imprimé 80 000 tracts. Et s’indignent aujourd’hui de ces partenaires qui veulent bien de leur argent, mais condamnent ensuite du bout des lèvres les incidents dont ils sont victimes. « On nous prend vraiment pour des vaches à lait », grimace une militante qui a ressenti les violences comme « une salissure et une injustice ».

Roger Vioud, adjoint au maire d’Annemasse, acquiesce : « Le jour même de l’agression, Attac demandait au PS 30 000 euros pour l’organisation du forum social de Seine-Saint-Denis, à l’automne. On ne va pas continuer à jouer longtemps le rôle du cochon de payant ! » Ecoeuré des « méthodes fascisantes » des casseurs, il en a tiré des leçons inquiétantes pour l’avenir de son parti. « Le PS, estime-t-il, se trouve au centre d’une rancoeur nourrie par la défiance vis-à-vis des partis, mais aussi par la déception qu’il a suscitée. La cassure avec le peuple de gauche a été aggravée par l’expérience Jospin. »

L’adjoint représentait le PS au secrétariat du Charg8 (Collectif haut-savoyard de résistance au G8). « Au début, raconte-t-il, j’étais celui dont il fallait se méfier. Celui qui allait permettre au PS de se refaire une santé sur le dos du mouvement. Ensuite, de réunion en réunion, des rapports différents se sont installés. Et, à l’arrivée, les logiques d’appareil ont repris le dessus. Des jeunes ont été manipulés pour aller casser du socialiste. » En réalité, l’idée d’empêcher le forum socialiste de se tenir a été lancée la veille, lors d’une assemblée générale du Vaaag, village alternatif. Valérian (23 ans) a pris la parole pour dire qu’il trouvait anormal la tenue de ce rassemblement. « Au pouvoir, ils ont participé au G8. Leur présence me paraissait illégitime », dit-il. L’initiative, d’après Valérian, n’était contrôlée par aucune organisation. « Je ne suis d’aucune association, d’aucun parti, dit-il. Je suis issu de la génération Mitterrand et j’ai vu mes parents y croire... puis pleurer. »

Complot.
Comme la plupart des militants socialistes, Jean Excoffier reste convaincu que l’agression était mûrement planifiée. Pour lui, « le fond du problème, c’était d’empêcher tout rapprochement entre le PS et le mouvement social. L’extrême gauche serait hors jeu si la connexion se faisait. Et ça elle ne le supporte pas ». Claire Donzel, candidate suppléante PS aux dernières législatives, développe une analyse similaire : « Des groupes s’investissent partiellement, n’ont que ces mouvements pour exister et ne supportent pas d’y croiser le PS, qu’ils trouvent trop modéré. » Dix jours après les incidents, elle en veut « moins aux anars qu’à ceux qui ne les ont pas condamnés et qui ont défilé avec eux, le lendemain, côté français ». Comme la direction du PS (lire Libération du 7 juin), Claire Donzel déplore surtout que les « partenaires » altermondialistes soient si timides pour condamner ces violences. Et, comme beaucoup de ses camarades, elle en vient à considérer que, par-delà quelques provocateurs, c’est l’ensemble de la mouvance altermondialiste qui a rejeté le PS.

Olivier BERTRAND

 http://www.liberation.fr/page.php?Article=116845