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Faucheurs contre chercheurs : oui, mais lesquels ?

Publie le jeudi 23 juin 2005 par Open-Publishing
2 commentaires

L’Express, 25/04 /05, p. 125.

Directeur de recherche à l’Inra et économiste, j’ai travaillé à l’histoire de la sélection dans le laboratoire de génétique évolutive du Pr Richard Lewontin, à Harvard, et je ne défends aucun intérêt professionnel (je ne fais pas d’OGM) ni financier (je n’ai aucun contrat avec l’industrie). Je suis donc dans cette position de neutralité axiologique que Max Weber recommandait avec quelque ironie aux scientifiques de son temps. J’aimerais préciser que les faucheurs ne sont pas contre les chercheurs (voir L’Express du 28 mars). Ils sont contre des recherches qui contribuent à notre asservissement technique et économique, et à nous enfermer - encore plus - dans l’impasse de la pétro-agriculture industrielle.

Un exemple, pour que vos lecteurs puissent exercer leur jugement. Au Kenya, le maïs est attaqué par une pyrale asiatique et parasité par une plante, la Striga. La lutte contre ces fléaux par les méthodes de cow-boy de l’agriculture industrielle - les insecticides et les herbicides- échoue. Les chercheurs du Centre international sur la Physiologie des Insectes et l’Ecologie (Icipe) ont mis au point une méthode agro-écologique de lutte : semer avec le maïs une légumineuse - Desmodium - dont l’odeur est désagréable pour le papillon de la pyrale. Ce dernier s’éloigne d’autant plus facilement du maïs qu’il est attiré par une ceinture d’herbe à éléphant (une plante fourragère), sur laquelle il pond ses œufs. Après les premiers stades de développement, les chenilles pénètrent à l’intérieur de la tige, où elles sont détruites par le mucilage de la plante. De plus, Desmondium élimine la Striga. Cette légumineuse fixe l’azote de l’air et fournit l’engrais au maïs. Enfin, elle couvre le sol et le protège.

Ce superbe travail scientifique a associé chercheurs et paysans. Il assure des récoltes fiables, abondantes, sans achat d’engrais, d’herbicide ni d’insecticide. Le bien-être et l’autonomie des paysans s’accroissent, mais le PIB et les profits décroissent. Pour l’économie et l’Etat, c’est une catastrophe.

Deux sciences sont possibles. La première consiste à achever le mouvement historique d’industrialisation de l’agriculture, de privatisation du vivant, d’asservissement des paysans avec les chimères génétiques brevetées (les prétendus OGM) : stériliser le vivant pour séparer la production de la reproduction et confier notre avenir aux semenciers fabricants d’agrotoxiques. La seconde, l’agronomie, fait accomplir gratuitement par la nature ce que nous faisons à coup de machines, d’engrais, de pesticides, d’irrigation, - de pétrole.

L’avenir, s’il est encore temps, c’est l’agronomie « science de la gratuité ». C’est ce que disent les faucheurs.

J.-P. Berlan, Aix-en-Provence, courriel.
http://www.monde-solidaire.org/spip/article.php3?id_article=2216

Messages

  • il est sûr que stériliser les semences est totalement absurde, être toujours sous la pression de l’industriel, libre de fixer ses prix, et de "tester" ses inventions sans aucune précaution environnementales et sanitaires
    Bref c’est non en plein champ
    ps : les ogm n’ont pas qu’une finalité à être mangé (production de certaines molécules à visée thérapeutique) d’où ici leur intêret

    • Les multinationnales savent jouer de la corde sensible : quoi, les faucheurs d’OGM refusent que l’on produise un médicament dont les personnes atteintes de mucoviscidose ont tellement besoin, c’est inhumain !

      Accepter que des OGM à but thérapeutique, qui contiennent donc des médicaments, soient cultivés en plein air, c’est accepter le risque que ces OGM-médicaments contaminent les autres cultures et donc de retrouver ces médicaments dans votre assiette sans le savoir alors que vous n’êtes pas malades. Les américains l’ont bien compris en les refusant sur leur propre sol.

      Il existe bien d’autres moyens de produire ces médicaments, y compris par la culture d’organismes unicellulaires en milieu confiné (levure ou autre).

      Ino