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LE CONSENTEMENT EST MORT, VIVE LA PROSPECTION DIRECTE !

Publie le mardi 28 juin 2005 par Open-Publishing

La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a adopté le 7 juin 2005 une délibération par laquelle elle établit une nouvelle norme simplifiée (norme nº 48)1 concernant les traitements de données à caractère personnel relatifs à la gestion des fichiers clients et prospects et portant abrogation des normes simplifiées 11, 17 et 25.

La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a adopté le 7 juin 2005 une délibération par laquelle elle établit une nouvelle norme simplifiée (norme nº 48) 1 ( -http://www.cnil.fr/index.php?id=1838 ) concernant les traitements de données à caractère personnel relatifs à la gestion des fichiers clients et prospects et portant abrogation des normes simplifiées 11, 17 et 25.

Les normes simplifiées sont édictées par la CNIL sur le fondement de l’article 24 nouveau (ancien article 17) de la loi n° 78/17 du 6 janvier 1978 2 ( -http://www.legifrance.gouv.fr/texte... ). Elles ont pour objet d’alléger les formalités préalables à la création des catégories les plus courantes de traitements, dont la mise en oeuvre n’est pas susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés. Or, le consentement des personnes concernées n’est notamment pas nécessaire, dès lors que le traitement a pour objet « la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée » (Article 7, 5° de la loi du 6 janvier 1978) 3. L’adoption de cette norme simplifiée montre que la CNIL considère que les traitements réalisés à des fins de prospection ne sont pas susceptibles de porter atteinte à la vie privée et aux libertés. Dès lors, ces derniers vont pouvoir rentrer dans le champ d’application de l’exception de l’article 7, 5° nouveau de la loi nº 78/17 du 6 janvier 1978.

Le régime de la prospection directe

Le régime de la prospection directe 4 a été modifié, sous l’influence du droit communautaire 5, par les dispositions conjointes des lois nº 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel 6 ( -http://www.legifrance.gouv.fr/WAspa... ) et nº 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique 7 ( -http://www.legifrance.gouv.fr/WAspa... ).

Le régime fixé par la loi n° 78/17 du 6 janvier 1978

Au terme de la réforme de la loi informatique et Libertés, « un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée » (article 7, al.1er). Toutefois, des exceptions sont prévues. Il s’agit notamment de ne pas exiger que la personne consente au traitement des données qui la concerne, dès lors que le traitement correspond à l’exécution, soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci (article 7, 4°). De même, le consentement n’est pas exigé dès lors que le traitement à pour objet « la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée » (article 7, 5°).

Le régime fixé par le code des postes et des communications électroniques

Ces dispositions générales sont complétées par celles spécifiques à la régulation de la prospection directe issues de l’article 21 de la loi sur l’économie numérique. Celui-ci a introduit un article L. 34-5 dans le code des postes et communication électroniques ( -http://www.legifrance.gouv.fr/WAspa... ) (code PCE). Il dispose qu’« est interdite la prospection directe au moyen d’un automate d’appel, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d’une personne physique qui n’a pas exprimé son consentement 8 préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen ». Le texte du code prévoit lui aussi une exception à l’exigence du consentement, « si les coordonnées du destinataire ont été recueillies directement auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’occasion d’une vente ou d’une prestation de services, si la prospection directe concerne des produits ou services analogues fournis par la même personne physique ou morale » (article L. 34-5, al. 4 du code des PCE).

L’impact de la norme simplifiée n°48

L’article 7 de la norme simplifiée rappelle les dispositions légales : « L’envoi de prospection commerciale par voie électronique est subordonné au recueil du consentement préalable des personnes concernées... ». Le texte fait cependant référence à l’exception reconnue, tant par l’article 7, 4° nouveau de la loi du 6 janvier 1978 9, que par le quatrième alinéa de l’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques 10, Ainsi, le consentement préalable de la personne n’est pas exigé « dans les cas d’une relation client entreprise préexistante et d’une prospection entre professionnels »..

En pratique, cette disposition signifie que la prospection directe sans le consentement des personnes concernées peut être réalisée par le biais du traitement des informations figurant dans le fichier client, à condition de permettre l’exercice effectif du droit d’opposition. En revanche, dans le cadre d’un fichier de prospection, le consentement des personnes concernées devrait être requis puisqu’il n’y a pas nécessairement de relation « client entreprise ».

Toutefois, l’adoption de la norme simplifiée amène à réfléchir sur le champ d’application des exceptions à l’article 7 de la loi du 6 janvier 1978. En effet, le 5° de cet article dispose que le consentement des personnes concernées n’est pas nécessaire, dès lors que le traitement a pour objet « la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée ». Or, l’article 24 nouveau (ancien article 17) de la loi du 6 janvier 1978 dispose que les normes simplifiées sont adoptées pour « les catégories les plus courantes de traitements de données à caractère personnel, dont la mise en oeuvre n’est pas susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés ». Par l’adoption d’une norme simplifiée se rapportant à la gestion de fichiers prospects, la CNIL considère que la mise en œuvre de cette catégorie de traitement n’est pas susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés de la personne concernée. Ainsi, les fichiers de prospects seraient susceptibles de rentrer dans le champ d’application de l’exception à l’obligation de recueillir le consentement de la personne concernée préalablement à la prospection directe. En effet, ces derniers peuvent être considérés, en raison de l’adoption d’une norme simplifiée à leur sujet, comme n’étant pas susceptibles de porter atteinte à la vie privée et aux libertés.

Cependant, l’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques ne reprend pas cette exception au consentement fondée sur l’intérêt légitime du responsable du traitement et sur l’absence de d’atteinte à l’intérêt, aux droits et libertés fondamentaux de la personne concernée. Or, l’article L. 34-5 est une disposition spécifique à la prospection directe, qui doit primer sur la disposition générale de l’article 7 de la loi n° 78/17 du 6 janvier 1978 . Pourtant, le sixième alinéa de l’article L. 34-5 dispose que la CNIL « veille au respect des dispositions du présent article en utilisant les compétences qui lui sont reconnues par la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 ». La généralité de cette disposition, prévue essentiellement pour permettre la mise en oeuvre du pouvoir de sanction de la CNIL, semble donc permettre à la commission d’adopter des normes simplifiées relatives à la prospection directe sur le fondement de l’article 24 nouveau de la loi du 6 janvier 1978. Quand bien même l’adoption d’une norme simplifiée serait susceptible de modifier substantiellement le régime du consentement dans le cadre de la prospection directe.

Cette analyse aboutit à annihiler le principe du consentement préalable pourtant consacré au niveau communautaire par l’article 13 de la directive 2002/58/CE précitée.

- - - - - - - - - - NOTES : - - - - - - - - - -

1 Délibération n°2005-112 du 7 juin 2005 portant création d’une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel relatifs à la gestion des fichiers de clients et de prospects et portant abrogation des normes simplifiées 11, 17 et 25.

 http://www.cnil.fr/index.php?id=1838 , page consultée le 23 juin 2005. Voir également le communiqué de presse, Une nouvelle norme simplifiée pour la déclaration des fichiers de clients et de prospects, CNIL, 22 juin 2005.

 http://www.cnil.fr/index.php?id=1837 , page consultée le 23 juin 2005.

2 Loi 78/17 du 6 janvier 1978 relative à l’Informatique, aux fichiers et aux Libertés, J.O du 7 janvier 1978 et rectificatif au J.O du 25 janvier 1978.

3 Article 7, 5° de la loi n° 78/17 du 6 janvier 1978 relative à l’Informatique, aux fichiers et aux Libertés, J.O du 7 janvier 1978 et rectificatif au J.O du 25 janvier 1978.

4 L’article L. 121-20-5 du code de la consommation définit la prospection directe : « Constitue une prospection directe l’envoi de tout message destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l’image d’une personne vendant des biens ou fournissant des services ».

5 Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques), JOCE du 31 juillet 2002, n° L 201/37. Article 13 : « L’utilisation de systèmes automatisés d’appel sans intervention humaine (automates d’appel), de télécopieurs ou de courrier électronique à des fins de prospection directe ne peut être autorisée que si elle vise des abonnés ayant donné leur consentement préalable ».
 http://www.foruminternet.org/docume... , page consultée le 24 juin 2005.

6 Loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel, J.O du 7 août 2004, p. 14063.

7 Loi nº 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, J.O du 22 juin 2004, p. 11168.

8 Au sens de l’article L. 34-5 la consentement est caractérisé par « toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à fin de prospection directe ».

9 Article 7 de la loi n° 78/17 du 6 janvier 1978 précitée note 2 : « Un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ou (...) l’exécution, soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ».

10 Article L. 34-5 al. 4 du code des postes et des communications électroniques : « Toutefois, la prospection directe par courrier électronique est autorisée si les coordonnées du destinataire ont été recueillies directement auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’occasion d’une vente ou d’une prestation de services, si la prospection directe concerne des produits ou services analogues fournis par la même personne physique ou morale »

Auteur : Julien Le Clainche Allocataire de recherche . | Source : DROIT-TIC | -http://www.droit-ntic.com/

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