Accueil > Contrôle d’identité ...

Contrôle d’identité ...

Publie le dimanche 3 juillet 2005 par Open-Publishing
1 commentaire

de Al Faraby

J’aime le mois de juin, quand la nuit avancée, la lumière du jour est encore là. Je distingue le vert des platanes et les tâches sombres des branches moins éclairées. Des pigeons à mes pieds, picorent l’invisible menu. L’air devient respirable.

Je regarde les passants sur fond d’une fontaine qui chante. Les gouttes d’eau qui retombent reproduisent le bruit d’une pluie fine. Le son est agréable, si reposant que le sommeil m’emporte.

Je fais un rêve.

Les blindés sont sur la place. Une odeur de mazout infeste l’atmosphère. L’air est irrespirable. Des soldats, à tous les coins de rue ont établi des barrages de contrôle. Quelques uns ressemblent à des extra-terrestres avec leur matériel sophistiqué de communication. La puissance de leurs bottes les cloue au sol. Des lunettes noires obstruent leur regard. Des mitraillettes en bandoulière pendent à leurs épaules, le canon en berne, prêt à rejaillir au moindre danger.

Il fait une lumière blanche et une chaleur de plomb.

J’aperçois un vieil homme approcher dans la rue d’en face. Il avance lentement, une corde à la main et au bout de la corde, un âne. C’est un vieux paysan qui revient du marché où il est allé vendre ses fruits et légumes, comme il le fait probablement depuis des dizaines d’années. Il emprunte le chemin habituel qui traverse la place assiégée.

Je vérifie que mon appareil photographique est bien réglé à la lumière ambiante et à la bonne vitesse. Je fais un pas, puis un autre. Avec le vieux paysan, nous convergeons vers le même barrage de contrôle. L’âne suit son maître.

Le paysan cherche à contourner le barrage. Un soldat l’intercepte. Il lui demande ses papiers. Le paysan ne comprend pas. Il n’a aucun papier sur lui. Il n’en a jamais eu besoin pour venir au marché. Ici, tous les habitants le connaissent. Ils apprécient ses produits frais venus tout droit du potager. Des tomates, des haricots, des salades, des courgettes, des aubergines, des oignons verts... et puis les oeufs frais, le fromage blanc et ...

"Tes papiers ..." insiste le soldat.

"Je n’ai pas de papiers sur moi. J’habite juste à côté. Je suis venu, comme toujours, vendre mes produits au marché..." répète le vieux.

L’âne continue à avancer. Il connaît le chemin.

Je fixe la scène. Je prends mes premières photos. Le soldat parle dans le micro accroché à son casque. Il ne quitte pas ses lunettes noires. Le paysan attend. Il regarde son compagnon s’éloigner. Un gradé approche. Il échange quelques mots avec son subordonné. Le gradé se retourne vers moi et d’un geste de la main, me fait signe d’arrêter de prendre des photos. Je le photographie... D’autres soldats arrivent. Ils m’entourent. Le gradé approche et veut se saisir de mon appareil. Je proteste ... "Je suis un professionnel. Je fais mon travail. J’ai mes papiers et ils sont en règle."

Il soulève des raisons de sécurité d’État.

Je rigole : " Une place vide. Un vieux paysan et son âne ! "

...

Deux avions de chasse fendent le ciel bleu. Leur passage m’empêche d’entendre la réponse du gradé qui gesticule en face de moi ... Je lui fais signe que je n’entends pas. Derrière moi, un soldat pointe le canon de sa mitraillette sur mon dos. L’air de dire : "Fais ce qu’on te dit ou on t’embarque."

...

Quelqu’un me secoue l’épaule. Je me réveille. Je sors de mon cauchemar. Il fait totalement nuit. Les platanes ne sont plus que des ombres. Des réverbères éclairent la terrasse du café. Le serveur me dit qu’il se fait tard, que l’établissement ferme. Je lui règle ma consommation et décide de rentrer chez moi à pied. A cette heure-ci, le bus doit être déjà passé, le dernier métro aussi... et puis l’air s’est adoucit.

Tout doucement, je remonte la rue Montmartre. Je pense à mon cauchemar...

Une patrouille de police s’arrête à ma hauteur. Un policier descend de la voiture et vient vers moi. Il me salue et me demande mes papiers.

"Contrôle de routine" me dit-il.

"Je n’ai pas de papiers sur moi. J’habite juste à côté. Je suis juste sorti prendre le frais."

Il appelle son équipier resté dans la voiture ....

Toute ressemblance avec la réalité est pure coïncidence

http://www.aloufok.net/article.php3?id_article=2294